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les empires ont la même destinée : il passe en revue les Assyriens, les Perses, les Grecs, les Romains, et compare Henri IV successivement à David, à Salomon et à Josias, lequel fut frappé en son chariot par un misérable Égyptien, de même que « l'invincible Henri a été laschement tué en son carrosse par un monstre abominable, pire cent fois que tous les serpents qui naissent en Égypte.

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Le discours du P. Arnoux, de la compagnie de Jésus, s'ouvre par une parodie grotesque des belles et simples paroles que Massillon prononcera un siècle plus tard devant le cercueil de Louis XIV : « Dieu seul est grand, mes frères! »

Hélas! ô Dieu ! qu'est-ce qu'un homme mort? et entre les hommes un roi? et parmi les rois un grand roi? et du nombre des plus grands rois, un de nos rois, roi du premier royaume? et de nos rois Henri le dernier mort, mais le premier en tout le reste, qui a fait refleurir les lis sous l'ombre de ses palmes? Hé! Dieu! qu'est-il quand il n'est plus? Hélas! tout le tour de sa vie semble la roue d'un songe : le détour et sa mort, un contre-songe: le contour et rapport des deux, un contredit, un pur et plein mensonge.

Parmi ces productions bizarres, il en est une qui donne l'idée la plus frappante du genre de tour de force qui constituait alors un des principaux agréments de l'éloquence: c'est l'oraison funèbre prononcée par dom du Boys, abbé de Beaulieu, prédicateur ordinaire du roi. Dans ce travail de cinquante-huit pages, toutes les qualités de Henri IV sont représentées par une couronne dont voici la composition et la forme:

Cette couronne, chrestiens, est d'or pur; elle a deux demi-cercles qui la couvrent par en haut, séparés en quatre fleurons, joints néantmoins au reste par un rubis balay de richesse inestimable; elle est pareillement ornée et enrichie de douze pierres précieuses, entrelassées et parsemées d'une infinité de perles orientales. Sa valeur, en premier lieu, est le prix des propres mérites de Henri le Grand; sa matière, l'or de son ardente charité envers tous, mais spécialement envers ceux qui l'avoient plus grièvement offensé. Son ouvrage est son industrie, qui sçavoit si bien mettre en œuvre toutes sortes de vertus, avec profit et advantage de la religion et de l'Estat.

L'orateur entre ensuite dans l'examen détaillé de cette couronne; le premier des quatre fleurons représente la soumission de Henri IV au saint-siége; le second, la paix de Vervins; le troisième, le traité avec le duc de Savoie, etc.

Après les fleurons, l'abbé de Beaulieu passe aux douze pierres précieuses qui l'enrichissent.

Pour discourir, dit-il, avec art de cet enrichissement, j'en réduiray les cha

tons à douze vertus de ce grand roy; non pas qu'elles se puissent nombrer, mais parce que le nombre douze dans Platon est employé pour dénoter la perfection de l'univers, qui est composé de douze sphères, et, dans Virgile, sert de marque à la vivifiante course du soleil, qui

Certis dimensum partibus orbem

Per duodena regit mundi sol aureus astra,

et és escholes des mathématiciens se prent pour l'accomplissement de l'an, qui consiste en douze mois. Comme aussi ce mesme nombre est employé religieusement aux mystères sacrés : par exemple, ès illuminations de l'Urim Thumim, ès douze pierres que le grand prestre portoit en sa poictrine, ès douze fruicts de l'arbre de vie, ès douze lyonceaux du throsne de Salomon, ès douze fontaines et palmes d'Elin, ès douze pierres de l'autel, sur lesquelles (ainsi que remarque Philon, juif) le fer n'eut jamais aucune prinse, et une infinité d'autres secrets cabalistiques, envueloppez dans l'escorce des lettres divines, que je passeray pour cette heure, me contentant de redire encore un coup que j'employe le nombre de douze en l'ornement de la couronne de Henri le Grand, pour symbole de sa perfection.

Et pour commencer à disposer ces douze pierres d'un bel ordre, je dis que la première est le très-riche diamant de la restitution de l'église de Sion en Jérusalem aux pères Cordeliers, à qui les Turcs l'avoient ostée.

Pourquoi cette action de Henri IV est-elle figurée par un diamant? Par un motif bien simple: c'est que, suivant l'abbé de Beaulieu, « le diamant mis en œuvre a cette propriété d'adoucir l'ire et apaiser le courroux, ainsi que notre roi, par sa sage entremise, appaisa la fureur que l'infidèle avoit conçue contre ces lieux sacrés. » L'orateur énumère ensuite onze autres faits de la vie de Henri IV, dont chacun se rapporte à une pierre précieuse douée de vertus surnaturelles ou médicinales analogues à ce fait. Ainsi, par exemple, le rétablissement de la messe dans diverses villes de France est représenté par la topaze << qui guérit les lunatiques tout ainsi que ce rétablissement de la messe a apporté guérison à plusieurs cerveaux dévoyés et égarés par les surprises et piperies des hérétiques. >>

Quelquefois, c'est une simple intention de Henri IV qui est figurée par une pierre précieuse. Ainsi le roi se proposait d'établir en France la congrégation de l'Oratoire romain quand il a été assassiné: « Cette intention, dit ingénieusement dom du Boys, se doit comparer à la chalcédoine, à cause qu'elle n'a pas eu son effet, comme les naturalistes écrivent de cette pierre, qu'elle incite souvent ceux qui la portent à force belles et glorieuses actions qui n'ont pas toujours l'issue qu'on s'en promet ou propose. »

Ce discours de lapidaire et d'alchimiste se termine par une description très - détaillée, et dont nous ferons grâce au lecteur, du

rubis balay qui forme le faîte de la couronne de Henri IV, toutes les prétendues propriétés de ce rubis se rapportent à autant de vertus du roi défunt, et après les avoir énumérées, l'abbé de Beaulieu résume son dénombrement en ces termes :

Et pour dire, en un mot, comme le fin ruby balay est de valeur inestimable, aussi les effects du titre de très-chrestien, porté par ce roy très-religieux, estoient arrivez à tel lustre en sa personne, qu'il y avoit autant de différence entre les submissions filiales qu'il rendoit au saint-siége et celles que rendent les autres princes, comme il y a de déchet de prix entre les rubis de Corie, Calecuth, Cambaie et Bisnagre, qui sont les communs, et ceux de l'isle de Zeilan et du fleuve Pegu, qui sont les meilleurs et plus parfaits du monde.

Voilà le genre d'éloquence que l'on admirait encore, dix-sept ans avant la naissance de Bossuet; c'était là ce qu'on appelait de belles similitudes, subtilement appliquées. Ce qu'on vient de lire est déjà fort étrange, et cependant il y a peut-être mieux encore dans le recueil de Du Peyrat; il y a une oraison funèbre qui dépasse toutes les autres en extravagance, c'est celle de l'abbé Valladier, docteur en théologie, proto-notaire apostolique, conseiller, aumônier et prédicateur ordinaire du roi, l'un des sermonnaires les plus populaires et les plus féconds de cette période. Dans la préface de cette oraison funèbre, dédiée à la reine Marie de Médicis, Valladier nous avertit que sa harangue a été composée sous l'influence d'une extrême douleur, et que l'extrême douleur est plus féconde que faconde, plus copieuse que limée. Mais il nous apprend en même temps que la première édition s'est enlevée en quinze jours, et que, lorsqu'il a prononcé ce discours, l'effet en a été foudroyant. Dès l'exorde, « il a vu, dit-il, fondre en un instant tout son auditoire en pleurs, mais ce fut, ajoute-t-il, à la catastrophe et au narré succinct de cette lamentable tragédie que, redoublant, tout ce grand peuple, les sanglots et les joignant aux larmes, il me sembloit de voir devant mes yeux les exêques funèbres du genre humain. »

Le lecteur sera peut-être curieux d'apprécier une éloquence si puissante sur les âmes. Voici d'abord cet exorde qui fit fondre en larmes l'auditoire de l'abbé Valladier. Il appartient, comme celui de l'évêque Bertaut, au genre ex abrupto, mais il est encore beaucoup plus coloré.

Oh, fatale! oh, cruelle! oh, inexorable mort! Que périr à ce coup puisse le jour de ta naissance de la mémoire des vivants! Que le monstre qui l'avorta au jardin d'Éden soit à toujours détesté de la nature humaine! Que finir puisse à jamais ton furial empire, borné en l'éternité des horreurs de l'enfer! Carnassière Parque! si ta tyrannie est meshuy si intolérable, ton courroux si inhumain, tes vengeances si implacables, ton sort si inévitable, tes secousses si soudaines, tes trahisons si couvertes, tes rages si inexpiables, tes précipices

si glissants et si effroyables, que ne déscharges-tu le venin de tes adustes fureurs sur un tas de fainéans, canailles du monde, fantosmes de vie, cas fortuits de nature, excrémens de cet air, inutiles à tout (je ne dis pas au public), pernicieux à l'Estat, injurieux au genre humain, odieux à ce soleil, insupportables à la terre, qui démentent leur estre, infament notre race, et ne servent non plus au monde sublunaire que les atomes en l'air!

S'est-il jamais imprimé dans aucune langue rien de plus absurde? Ce débordement de paroles se continue sans relâche durant plus de quatre-vingt-huit pages. L'auteur ramasse en son chemin tout ce qui se présente à son esprit, d'expressions et d'idées empruntées à la mythologie, à l'alchimie, à l'astrologie, à la nécromancie. Sa douleur trop cuisante lui offusque, dit-il, le triage des mots, et ce sont néanmoins presque toujours les formes de langage et les comparaisons les plus bizarres qui se présentent les premières. Son cœur est un Euripe d'angoisses, la reine Marie de Médicis est « la biche Ménalée, aux cornes d'or, au collier de topaze, prinse et conduite par le vaillant Hercule pour le soulas de la France et pour la fermeté de la foi catholique.» Les deux fils de Henri IV sont les deux jumeaux de notre zodiaque, les deux retenues de notre flottante et branlante Délos; ses trois filles sont les trois agréables carites de cette monarchie. Il dit du temps, que c'est la crocute d'Égypte, qui masche tout et digère tout. Il appelle son discours, les dévoyements de ses cuisantes passions. A travers tout ce désordre, il y a cependant un plan; mais quel plan! l'auteur entreprend de démontrer que Henri IV possédait tous les attributs de Dieu lui-même.

Ce n'est pas qu'il y ait quelque chose d'exorbitant dans l'idée biblique et chrétienne qui considère les rois comme une image mortelle de la Divinité. Dans plusieurs de ses sermons, notamment dans celui Sur les Devoirs des rois, Bossuet part de cette idée pour montrer à Louis XIV toute l'étendue des obligations qui pèsent sur lui, et combien sa puissance, si grande devant les hommes, est fragile devant celui de qui il la tient: « Vous êtes des dieux, s'écrie-t-il après David, mais, ô dieux de chair et de sang! ô dieux de terre et de poussière vous mourrez comme des hommes. » S'il reconnaît en eux une représentation des attributs de Dieu, c'est pour leur rappeler sans cesse que la copie n'est rien devant l'original. Toute distinction de ce genre échappe à l'esprit désordonné de Valladier. Henri IV, suivant lui, possédait : 1o l'unité absolue; 2o la perfection, 3o l'immensité, et par suite l'immutabilité et l'éternité; 4° la bonté absolue; 5° la sainteté; 6o la providence; 7° la félicité. Tout cela pris au sens littéral entraîne l'orateur dans les aberrations les plus grossières. Veut-il peindre dans Henri IV l'unité de puissance; il emprunte au poëte Musée un vers grec sur l'amant d'Héro, Léandre le nageur, qui en cette qualité est à lui seul

et son timon, et sa barque et sa rame. Pour peindre le don de perspicacité que l'Écriture attribue aux rois, Bossuet, s'appropriant le style figuré de la Bible, dira un jour: « Quand le roi a pénétré les trames les plus · secrètes, avec ses mains longues et étendues, il va prendre ses ennemis aux extrémités du monde, et les déterre pour ainsi dire du fond des abîmes où ils cherchaient un vain asile. Combien donc lui est-il facile de s'imaginer que les mains et les regards de Dieu sont inévitables! » Écoutons Valladier exprimant la même idée : « Henri le grand avoit la prunelle si vive et si pénétrante qu'il découvroit jusqu'aux atomes qui voltigeoient au bout de son royaume. Il se fust aperçu du vaisseau d'Architas, qui étoit tout compris sous l'aile d'un moucheron débarquant de Lisbonne. » Après avoir longuement prouvé que Henri IV était parfait, que c'était la vraie palme d'Inde, portant seule toutes choses nécessaires à la vie humaine, Valladier prévoit qu'il sera accusé de flatterie : « Ici quelque bas esprit, ou ennemi et jaloux de ces grandes perfections, me dira que je ne vante que ses louanges, et que je ne sonne mot des défauts et des vices: voire, aussi ne suis-je pas ici pour cela. D'ailleurs, il ne s'agit pas de s'arrêter aux détails: on prend la perfection en son genre. Alexandre, dit-il, n'étoit pas moins Alexandre, parce qu'il beuvetait quelquefois, ni Hercule moins Hercule, parce qu'aucunes fois il filoit avec Omphale... >>

Après avoir prouvé que Henri IV possédait tous les attributs de Dieu et entre autres la suprême félicité, comment l'orateur arrivera-t-il à la catastrophe qui a terminé les jours du roi? Il y arrive par une transition qui ne lui coûte pas beaucoup d'efforts :

Misérable que je suis! faut-il que d'une mesme bouche, comme le satyre, je souffle le chaud et le froid, la félicité et l'infortune, la divinité et l'huma– nité, la gloire et l'opprobre, la joye et la tristesse, la vie et la mort? Ah! Dieu du ciel! qu'est-ce que ceste vie? Que de naufrages menassent cette triste et dangereuse navigation! Lors mesme du grand calme, voilà nostre pauvre caraque à fond; tout comme on le disoit des vaisseaux qui passoient les écueils Capharées.

Il entre ensuite dans sa péroraison par une invective contre Ravaillac, analogue à son exorde, mais où la gradation des couleurs laisse cruellement à désirer.

Faut-il que je passe par ma bouche, s'écrie-t-il, et influë à vos oreilles le nom du parricide enragé? nom réservé cy-après aux informes avortements de Proserpine et de la fatale Parque? nom dédié désormais aux caractères les plus hideux des sorciers, des masques et des fées? le scélérat premier-né de Beelzebuth? la gangrène et le chancre de la nature humaine? l'escume et l'apostème des infernaux bouillons des Furies bourrelles? l'anathesme dégradé du christianisme? la vermine, la puanteur, le desdain effroiable de

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