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REVUE DES SCIENCES

DU ROLE DES SCIENCES

A NOTRE ÉPOQUE.

PÁR M. ÉMILE LAME.

Le Magasin de librairie devant désormais tenir ses lecteurs au courant des divers progrès des sciences', il nous a paru utile de faire précéder cette revue courante d'une étude sur la science, sa méthode, son objet, ses tendances, son importance sociale, et de montrer combien la connaissance de ses résultats généraux et de son esprit sont nécessaires.

La science par ses applications à l'industrie, à l'agriculture, à l'économie sociale, a une immense influence sur le bien-être des peuples et sur l'existence de chacun de nous. Pour les sciences physiques et naturelles, l'exposé des applications tiendra dans cette revue la plus grande place. Mais la science n'est pas moins intéressante par son influence sur la morale et la philosophie, par les idées plus ou moins justes qu'elle nous donne de l'ordre général de l'univers, et, par suite, du rôle et de la destinée de l'homme. C'est un second point de vue que nous ne négligerons pas.

Qui ne sent l'importance capitale du développement des sciences sur les idées morales, religieuses et philosophiques?

Les hommes du moyen âge croyaient qu'il n'y avait que quatre éléments, ou corps simples, dans la nature; que l'air (et ils confondaient sous ce nom tous les gaz) n'était pas un corps pesant, qu'il ne tendait pas vers le centre de la terre, mais qu'il avait, au contraire, une pesanteur négative qui le forçait à s'éloigner du centre; que le feu, qui n'est qu'un phénomène de la combustion, était une substance au même titre que le métal ou l'air; que chaque corps avait des mouvements naturels et des mouvements violents; que les astres ne pouvaient décrire que des cercles, parce que toute autre courbe était irrégulière et ne pouvait convenir à un mouvement éternel. Quand Képler con

1. Sciences mathématiques, physiques, physiologiques et ethnologiques.

stata par des observations directes que Mars décrit une ellipse autour du soleil, il fut plusieurs années avant de se décider à le croire.

Qui ne voit que de pareilles idées, liées à la théologie, qui ellemême était liée à tout, et particulièrement à la morale et à la politique, devenues parties intégrantes de l'instruction classique, devaient avoir sur les destinées des peuples une influence capitale? C'est en chassant ces idées de l'esprit de leurs contemporains, et avant tout, effort plus difficile, en les chassant de leur propre esprit, que les savants de la Renaissance ont permis aux modernes d'asseoir leur civilisation sur une base plus large, plus solide et plus belle que celle du moyen âge?

Mais, dira-t-on, nous en avons fini avec le moyen âge, la théologie, la scolastique, les à priori ambitieux, les hypothèses chimériques; nous nous contentons d'expérimenter, de constater, de classer, sans parti pris et sans idée préconçue; cette méthode est la gloire de la science moderne, elle lui crée une position indépendante de toute théologie et de toute métaphysique : c'est ce qui la sépare complétement de la fausse science du moyen âge. -Cette séparation tranchée n'existe pas. La science moderne n'est pas la négation de celle du moyen âge, elle en est la continuation et le perfectionnement, et la meilleure preuve en est que ceux qui l'ont fondée étaient des hommes du moyen âge, élevés dans ces opinions qui nous semblent aujourd'hui si ridicules, et qui ne le sont pas plus que bien des nôtres. Les idées des anciens, en physique et en géométrie, n'étaient point du tout des à priori ambitieux et des hypothèses chimériques, ils avaient comme nous la volonté et l'habitude d'observer et d'expérimenter, mais ils le pouvaient moins bien faire que nous et que ne le pourront nos descendants. Leurs idées de la légèreté de l'air leur venaient d'expériences incomplètes, mais fort sincères, faites dans de mauvaises conditions pendant des siècles, sur les outres, les huiles, les liqueurs spiritueuses, les vapeurs, et en général, sur le rôle de l'air dans la nature. Leur croyance en la réalité du feu, comme substance, était le résumé de leurs études sur la combustion. Leur admiration exclusive pour le cercle leur venait de travaux éminemment scientifiques, et qu'on n'a pas dépassés depuis sur les sections coniques.

De même que les observations et les expérimentations de la science antique obligeaient les anciens à se faire certaines opinions sur l'ordre et l'harmonie générale de l'univers, qui ont eu la plus grande importance sociale; de même les observations et les expérimentations de la science moderne nous forcent à nous faire sur la constitution intime de la matière, sur la vie, sur les formes de la pensée, des opinions qui, bien qu'incomplètes et destinées un jour à disparaître pour faire

place à de meilleures, ne s'en imposent pas moins, malgré nous, à notre croyance, et qui, entrant dans le courant habituel de notre esprit, sans que nous en ayons le plus souvent conscience, lui donnent un cachet particulier, qui est celui de notre temps.

Il importe donc de travailler au perfectionnement de ces opinions, de ne point leur permettre de s'arrêter irrévocablement en nous quand la science marche, et de nous mettre en état de les juger. Il n'est indifférent à personne, par exemple, à aucun homme de goût et de tact, de savoir par quelles considérations et quelles expériences les physiciens sont de plus en plus conduits à admettre l'existence de l'éther: d'un fluide impondérable mêlé à tous et à tout, traversant les corps les plus denses, et agent indispensable des phénomènes de la lumière, de la chaleur, de l'électricité, et peut-être de la gravitation.

Les particules des corps rigides, qui nous paraissent fixées les unes aux autres et dans un état d'immobilité relative, ne sont-elles pas dans un état de rotation perpétuelle? Si la chaleur a une puissance mécanique; si, en agitant dans de certaines conditions des substances inorganiques, on crée des substances organiques; si les types animaux sont indéfiniment modifiables par les changements de milieux physiques et chimiques, y a-t-il lieu d'admettre des forces vitales distinctes des forces physiques, et des forces physiques distinctes des forces mécaniques? Y a-t-il lieu d'ailleurs d'admettre en mécanique et dans les sciences en général les considérations de forces et de causes, celles de mouvements, de phénomènes, de corrélations et de lois? ne suffisentelles point, dans tous les cas? Le langage est-il chez l'homme le produit d'un instinct, comme le cri chez les animaux, ou celui de la réflexion? L'éthnologie, dans son état actuel, ne nous explique-t-elle pas l'apparition de l'homme sur la terre et la formation des races et des langues primitives, et n'avons-nous encore d'autre ressource qu'une intervention divine et miraculeuse? Sans résoudre le plus souvent des questions de cette nature, nous essayerons d'en présenter scientifiquement les principaux éléments.

Enfin, l'exposé des découvertes qui semblent n'intéresser qu'une science spéciale, n'avoir aucune importance pratique appréciable aujourd'hui, et ne prêter à aucune généralité philosophique, pourront trouver place ici, si les luttes qui les ont précédées ont été suffisamment accusées. L'histoire d'une découverte dans une science positive, la manière dont les uns l'ont effleurée, sans la pénétrer sérieusement, dont les autres l'ont saisie sans lui donner une forme acceptable, dont d'autres enfin l'ont formulée pour jamais; les différents préjugés et les différentes circonstances qui ont influé sur cette élaboration, en

disent plus quelquefois sur le mécanisme de la pensée et sur la nature de l'âme qu'un manuel de psychologie.

Si les sciences positives ont paru, pendant la première partie de ce siècle, moins intimement liées à la métaphysique, à la théologie, à la morale, qu'elles ne l'étaient au moyen âge, et même au dixseptième siècle, dans l'esprit d'un Galilée, d'un Descartes, d'un Newton et d'un Leibnitz, est-ce parce que leurs progrès leur ont conquis une place à part, en dehors de tout ce qui est sujet aux controverses insolubles? Et cet isolement reste-t-il désirable pour leur gloire future? Ou bien, n'est-ce pas plutôt qu'elles viennent de traverser une période transitoire, après laquelle, réunissant en faisceau leurs méthodes particulières et leurs objets particuliers, arrivées toutes à la maturité dans cet isolement utile pour un temps, elles ont droit de tout diriger, d'affirmer qu'il n'y a pas d'autre théologie acceptable que celle qui s'appuie sur la croyance aux lois et la négation du miracle; d'autre métaphysique et d'autre morale sérieuses que celles qui font entrer dans leurs données les recherches physiologiques et ethnologiques?

C'est ce que nous allons examiner, après avoir constaté leur unité de méthode et d'objet.

Avant tout, je dois justifier l'expression de sciences positives, que j'emploierai souvent pour distinguer les sciences mathématiques, physiques, physiologiques et éthnologiques de toutes les autres sciences ou études réputées actuellement telles. Dans les sciences positives, le savant n'observant jamais les phénomènes qui se passent en lui, mais ceux qui se passent dans les autres êtres, même quand l'objet de son étude est l'homme, n'invoquant jamais ni le sens intime, ni la conscience, ni le sentiment de la perfection et de la Divinité comme point d'appui à ses travaux, mais seulement les apparences qu'il a constatées en regardant le monde extérieur, les découvertes ne se nient jamais les unes les autres, mais s'éclairent en se complétant. Le savant n'est jamais forcé de faire table rase, mais bénéficie au contraire de toutes les découvertes de ses devanciers; il prend la science à un point et la porte à un autre, toujours dans le même sens, et sans qu'il y ait jamais

1. Si positif était synonyme de certain, ce serait dire que toutes les autres sciences sont vaines, destinées à disparaître irrévocablement, incapables de contenir aucune parcelle de vérité et dont il serait ridicule de s'occuper; or, je suis convaincu du contraire, et qu'elles ont toutes leur raison d'être dans les besoins de l'esprit humain, pourvu qu'elles se transforment en s'alliant aux sciences positives. Positif est donc ici employé non-seulement dans le sens de certain, mais plutôt encore dans le sens d'opposé à négatif.

de retour en arrière, à moins qu'il n'y ait de sa part ignorance de travaux antérieurs. Il ya dans les sciences positives des discussions acharnées, mais elles se déplacent en laissant l'accord derrière elles. Cet accord, une fois établi pour chaque loi particulière, est à jamais accepté dans toutes les sciences positives comme la certitude.

UNITÉ DE LA SCIENCE.

Une science est une série de faits observés qu'on s'efforce de classer de la manière qui manifestera le mieux leurs rapports. Tous les rapports qui se sont manifestés avec un certain degré de généralité prennent le nom de loi.

On voit par là qu'il peut y avoir entre les savants des discussions de deux sortes, les premières ayant trait à la vérité des nouveaux faits observés qu'un savant propose d'ajouter à la série déjà acceptée, les secondes ayant trait à la méthode de classification qui manifestera le mieux les rapports; il ne peut pas y en avoir d'autres.

Quant au lien secret qui unit les faits d'une même série et qui nous engage à la constituer et à en faire l'objet d'une science spéciale, il apparaît avant toute définition et tout raisonnement; il varie indéfiniment, suivant les cas: c'est par un instinct irréfléchi et suivant la convenance des temps, des pays, des croyances et des préjugés sociaux, que l'homme a distingué les diverses sciences. Tantôt la nature de la série a été déterminée par une propriété essentielle à tous les corps : étendue, gravité; tantôt par la correspondance de la série avec un de nos sens optique, acoustique; tantôt par les différences caractéristiques que nous admettons à priori entre le mode d'existence des différents êtres botanique, zoologie. Il n'y a et il ne peut y avoir rien de fixe dans ces délimitations; les sciences physiques et physiologiques, qui étaient entièrement confondues chez les anciens, sont aujourd'hui deux ordres de sciences distinctes, et l'introduction de la chimie dans ces dernières les confondra peut-être un jour de nouveau avec les sciences physiques; au contraire, l'étude de la gravité et celle de la gravitation, entre lesquelles les anciens voyaient une distance aussi grande que celle du ciel à la terre, sont aujourd'hui une même étude.

Les sciences positives, qui sont unes par leur méthode, constatation de faits extérieurs à l'observateur suivies d'essais de classification, le sont donc aussi par leur objet : l'univers. On peut dire qu'il n'y a qu'une science, qui est un essai de classification méthodique, éternellement incomplet mais éternellement en progrès, de tous les faits de l'univers,

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