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Quand le docteur Bourgoin et Jules Regnault parurent dans le salon de madame Fernel, M. de Preize, attendu avec anxiété, n'avait pas encore fait son entrée. Ce Parisien classique calculait ses effets et donnait à ses démarches la solennité d'un dénoûment.

Adèle n'éprouva aucun embarras à sourire aux nouveaux venus. Elle rachetait par son attitude les duretés de sa réponse, beaucoup mieux que si elle s'en fût expliquée avec le journaliste. Sa colère du matin n'avait été qu'un accès de sa coquetterie ou de sa vanité. A moins de la supposer sans âme et sans esprit, on ne pouvait admettre qu'elle fût assez maîtresse d'elle-même pour accueillir en souriant un prétendant dont elle eût soupçonné les vues intéressées, et suspecté l'honneur. Jules, de son côté, était trop fin, et trop fier de la perspective d'une lutte, pour avoir le mauvais goût de bouder. Il sembla que rien de grave ne s'était passé entre eux. Babel, qui était venu pour jouir de son œuvre, n'y comprenait rien et se sentait furieux.

Laure était sérieusement heureuse. Elle avait eu si peur de voir échouer son grand projet, que l'espoir, en renaissant tout à coup, lui donnait des joies presque égales à celles du triomphe. Sa toilette était en progrès sur celle de la veille. Elle avait compris que la présence de M. de Preize serait pour madame de Soligny l'occasion de nouveaux exploits, et elle était fermement résolue à combattre intré

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pidement pour la paix de son cœur et pour la conquête de son mari. Le Parisien, arrivé en toute hâte pour mettre le désordre, pour brouiller les combinaisons, avait précisément jusqu'ici, par la seule menace de son apparition, modéré les ressentiments et rendu plus nettes, plus actives, les combinaisons stratégiques de chacun de ces conspirateurs.

Madame de Soligny avait un prétexte pour rester, pour continuer ce jeu terrible et charmant dont M. Bourgoin lui avait si brutalement, si prosaïquement, demandé le terme. Laure, qui ne doutait pas de la supériorité de Jules Regnault sur tous les élégants de Paris, voyait dans l'intervention de M. de Preize une circonstance favorable et une chance d'en finir avec les hésitations, avec les manœuvres de son amie. M. Fernel haïssait moins Regnault; il se sentait presque disposé à le plaindre, depuis qu'il prévoyait pour son rival une autre rivalité plus dangereuse que la sienne. Le docteur Bourgoin était ravi, pour des raisons analogues à celles de madame Fernel. Jules ne pouvait souhaiter un défi plus honorable. Quant aux personnages secondaires, Babel et Cavalier, ils demandaient naïvement que M. de Preize fût le plus beau, le plus spirituel, le plus élégant des hommes, et ils étaient disposés à tomber en admiration devant sa mise et à se pâmer à ses moindres mots.

L'encens brûlait donc des deux côtés de la route que le dieu superbe, invoqué par tous les machinistes de cette intrigue, devait prendre; mais sa visite annoncée se faisait attendre.

Enfin, à une heure fort avancée de la soirée, quand on commençait à désespérer, un coup de sonnette que tout le monde entendit fit passer une rougeur électrique sur tous les visages, et quelques instants après que la grosse porte se fût refermée, M. le préfet et M. de Preize étaient annoncés. M. et madame Fernel s'avançèrent au-devant des visiteurs, l'ancien notaire balbutiant, sans y songer, des compliments auxquels le Parisien répondit de confiance, sans les avoir entendus, Laure se bornant à une révérence et à un sourire qui frappèrent tout d'abord d'étonnement M. de Preize. Ce dernier s'était fait, d'après les lettres de madame de Soligny, une tout autre idée de madame Fernel, et il se demanda ce que devaient être les grandes coquettes de province, si les dévotes avaient ce regard, cette beauté, cette toilette.

Adèle portait dans les cheveux un simple ruban qui semblait étinceler comme un diadème, tant le feu de ses prunelles et la splendeur

de son sourire embrasaient l'air autour de son visage. Elle tendit la main à M. de Preize, comme si elle l'eût vu la veille.

Vous n'avez pas de pistolets à la ceinture? lui dit-elle en riant. Fi donc répondit-il; vous me prenez pour un Barbe-Bleue! -Oh! non, Dieu m'en garde! répliqua Adèle en se moquant. Je vous prendrais plutôt pour Malbrough ! Vous êtes parti en guerre, sans savoir comment vous reviendrez, et voilà M. le préfet qui porte votre grand sabre.

Je vois que la province ne vous a pas pervertie; vous êtes toujours Parisienne, madame, et vous ne pouvez aimer que Paris. -Et les Parisiens par-dessus le marché, n'est-ce pas?

M. de Preize s'inclina, en ratifiant l'épigramme qui établissait ses prétentions, et il laissa le préfet déposer ses hommages aux pieds de madame de Soligny. Lui, pendant ce temps-là, priait madame Fernel de le présenter à ses amis et saluait avec une aisance parfaite, avec la familiarité élégante d'un homme du monde qui se croit égal à toutes les vanités, et qui élève à lui, sans effort, toutes les prétentions, tous les habitués de la rue du Cloître.

Voici un vieil ami de la famille, et, je vous en préviens, monsieur, un nouvel ami de madame de Soligny, dit. Laure en lui désignant le médecin : M. le docteur Bourgoin!

Les deux hommes s'inclinèrent; mais M. de Preize fut intimidé par le regard observateur et ironique du médecin. Quant à ce dernier, il étudiait M. de Preize et ne voulait pas l'attaquer trop tôt, redoutant, avec la conscience de sa force, les coups inutiles et les victoires superflues.

M. Fernel avait laissé à sa femme le soin de présenter M. Bourgoin; il se chargea bravement de présenter Jules Regnault.

-Je connais Monsieur, dit le Parisien, qui, pour la première fois, laissa percer un peu de dédain.

-Je ne crois pas, répliqua simplement, mais avec fermeté, le journaliste.

— C'est trop de modestie de votre part, reprit M. de Preize avec le même accent moqueur.

-Je ne suis pas modeste, monsieur, au contraire; c'est par orgueil que je dis cela.

M. de Preize vit dans les yeux de Regnault que celui-ci ne demandait qu'une occasion d'entamer la lutte, le duel; mais il n'était pas venu seulement pour fournir àjun soupirant de province l'avantage

de se mesurer avec lui. Il passa devant Jules et revint, après quelques paroles échangées avec ses hôtes, à la place occupée par madame de Soligny et gardée, comme par un écuyer d'honneur, par M. le préfet de l'Aube.

Chacun avait compris la nécessité d'un tête-à-tête entre les deux Parisiens; on eut la discrétion de les laisser quelques instants s'entretenir à voix basse, moins peut-être par déférence que par curiosité. Pour que la comédie fût complète, il fallait bien que ces deux personnages essentiels jouassent leur rôle.

- J'ai une grâce à vous demander, dit madame de Soligny en commençant le feu.

Si c'est la vôtre, madame, ne l'espérez pas, répliqua galamment M. de Preize, je suis décidé à être impitoyable.

-En vérité! comment ferez-vous donc?... Mais il ne s'agit pas de moi. J'ai pitié de votre pauvre ami le préfet.

-De lui? Serait-il donc un des enchanteurs auxquels je viens vous arracher? Il serait doublement traître, alors.

Non, rassurez-vous: votre ami s'est acquitté de sa surveillance avec toute l'exactitude désirable; mais j'ai peur que vous ne le rendiez responsable de l'inutilité de votre voyage. Ne le desservez pas auprès du ministre, parce qu'il vous aura fait faire soixante lieues pour boire le thé de madame Fernel.

Adèle riait; M. de Preize se mit à l'unisson de cette gaieté sarcastique.

-Mon ami est tout pardonné, reprit-il, quoi qu'il arrive. Il a cru bien faire et il a bien fait, en effet. Il m'a averti à temps; je devenais ridicule à Paris!

-Et c'est pour changer que vous avez fait le voyage? demanda madame de Soligny.

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Sans doute. Je suis ridicule d'espérer; je ne serai plus que malheureux en n'espérant pas.

Oh! comme vous êtes devenu sentimental!

-C'est depuis que je suis arrivé, depuis surtout que je suis dans cette maison.

-Ainsi, vous venez me chercher? demanda Adèle.

-Non, madame; je viens seulement remplacer par deux mots de causerie notre correspondance interrompue.

-A la bonne heure! moi qui craignais de courir la chance d'un enlèvement!

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