Verbiest, on le voit, est explicite et clair. Mais il faut l'avouer, malgré l'importance du fait, cette collaboration des lettrés chinois aux ouvrages écrits dans leur langue par les Européens, était chez nous chose ignorée. Le lecteur nous saura gré d'avoir transcrit en entier le passage où le P. Van Hée nous l'apprend. VII. TITRES DE VERBIEST D'APRÈS SES OUVRAGES CHINOIS. Sous la dynastie des Tsing, ou Tartares-Mandchous (1646-1912), les dignités se divisaient en neuf ordres à deux degrés chacun ; il y avait donc en tout dix-huit grades, le 18° étant le grade inférieur. Par une coutume assez bizarre, afin de récompenser le zèle des mandarins, des degrés additionnels leur étaient concédés ; espèces de bonnes notes qui n'augmentaient en rien leur dignité réelle. Comme vice-président de l'Observatoire, charge qu'il occupa dès la XII année du règne de Kang-Hi, c'est-à-dire dès 1673, Verbiest débuta par un mandarinat du 5° ordre et du 2o degré. Mais il monta rapidement. A la fin de sa vie il était premier président de l'Observatoire; président à la Cour suprême des sacrifices impériaux, (titre singulier, mais purement honorifique, qui était toujours donné au Président du Tribunal des Mathématiques; plusieurs jésuites, pour éviter de choquer les personnes peu au courant des usages de la Chine, le traduisaient tout simplement par cette dernière expression ;) président de la Cour suprême pour la réception des communications adressées à l'Empereur; vice-président du Ministère des Travaux publics. Cette dernière dignité conférait au titulaire un mandarinat du 2o ordre et du premier degré. Verbiest était honoré par dessus le marché de deux degrés additionnels. On peut suivre, par les titres donnés à Verbiest dans les en-têtes de ses ouvrages, l'ascension progressive du jésuite flamand dans les honneurs. Voici, à l'occasion de ces titres, une pièce curieuse, dont je dois la traduction à l'obligeance du P. Van Hée. C'est l'inscription (fig. 4) qui surmonte un portrait de Verbiest, peint peu de jours après la mort du missionnaire, d'après celui qui avait été fait en 1674 par ordre de Kang-Hi. Ce dernier est perdu, mais la copie du xvII° siècle se conserve à l'Observatoire des Pères de la Compagnie de Jésus, à Zi-KaWei. J'en reproduis (fig. 5) un fac-similé moderne dessiné par un artiste chinois (1). (1) Ce fac-similé a été rapporté de Chine par un ami du P. Van Hée, M. le comte du Monceau de Bergendael, à qui nous en devons la communication. D'après le portrait peint en 1674, par ordre de l'Empereur Kang-Hi, dont une copie se trouve chez les Pères de la Compagnie de Jésus, à l'Observatoire de Zi-Ka-Wei, près Shanghai. 南懷仁字勳脚一字敦怕比利時國人崇 祯十四年入中國順治初年卽徵脩暦政 康熙八年禮部題 廻奏赴臺測驗南懷仁所 算逐款皆符吳明 F逐炊皆錯楊光 先瑊司監正曆日差錯之處並不能脩理 改授监正俱屨抗辭不獲十三年製造儀 永年曆法告成加為通政使司通政使職 FIG. 4 L'inscription chinoise peinte au-dessus du portrait de Verbiest conservé à l'Observatoire de Zi-Ka-Wei. «Nan Hoai-jen (nom chinois de Verbiest) dont les titres honorifiques sont Hiun-king et Toen-pé, était Belge de nation. Il vint en Chine à la XIV année du règne de Ts'ong-tchen (1). » La première année de l'empereur Choen-tche (2), il fut appelé à Péking pour réorganiser le calendrier. » La VIII année de Kang-li (1669) d'après des mémoires et rapports du tribunal des Affaires civiles (3), «il se rendit à l'Observatoire pour des expériences contradictoires. Toutes les observations du père réussirent point pour point, et celles de son adversaire Ou Ming-huen échouérent complètement. Comme le président de l'Observatoire Yang Koang-sien commettait des erreurs monstrueuses et n'était pas capable de les corriger, que ses calculs en désaccord avec les phénomènes célestes ont été plusieurs fois dénoncés, et que maintenant il s'écrie avec grand fracas de paroles et plein d'obstination le système européen en concordance avec le ciel ne peut être employé sans porter malheur à la nouvelle dynastie; nous jugeons que c'est un véritable crime, qui mérite la dégradation de Yoang Koangsien livré désormais entre les mains des juges. Après la chute de Yang, Verbiest reste assesseur du Tribunal des Mathématiques et en est entièrement chargé ». «La XII année de Kang-Hi (1673), il fut nommé président. Malgré ses excuses, il ne put rejeter cet honneur. » La XIII année de Kang-Hi (1674) il fabriqua les instruments astronomiques. Comme récompense il reçut le titre honorifique de président de la Cour des sacrifices, et l'Empereur fit faire son portrait. Ceux qui existent en sont des copies (4). » La XVII année (1678) il calcule l'Astronomie Perpétuelle (5). Pour l'en féliciter l'Empereur le nomma président à la Cour des communications impériales et lui donna un grade additionnel. Il protesta et pétitionna contre ces nouveaux honneurs, mais toujours sans succès. (1) Ceci est une erreur. Verbiest arriva à Macao à la fin de 1658. L'empereur Ts'ong-tchen, de la dynastie des Ming, était mort depuis longtemps. (2) L'empereur Choen-Tche des sinologues français, est le Xun-chi des portugais, fondateur de la dynastie Tartare-mandchou ou des Tsing (1646). Verbiest fut appelé à l'Observatoire en février 1659 seulement. Il y a donc là une nouvelle inexactitude. (3) Ce qui suit jusqu'à la fin de l'alinéa est une citation. (4) Verbiest étant né en 1623, on peut en conclure que le portrait que nous reproduisons le représente à l'âge de 51 ans. (5) Voir ch. I, no 2 ci-dessus. |