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Mais on aurait tort de considérer comme étant essentielle à la causalité une circonstance qui ne dépend que de la façon indirecte dont elle s'exerce. Au contraire la causalité immédiate exige la coexistence de la cause avec son effet. Ce qui n'existe pas ne saurait avoir par soi-même et directement aucune influence sur la réalité.

Cette remarque suffit pour écarter la conception qui confond la causalité avec la succession dans le temps. Non seulement ces deux relations ne sont pas identiques, mais à parler rigoureusement elles s'excluent, une chose ne pouvant dépendre actuellement d'une autre que si cette autre existe, ce qui exige qu'elles soient coexistantes. Il est vrai qu'on recourt parfois au passé pour se rendre compte du présent, mais c'est ou bien parce qu'il s'agit d'un effet indirect, ou parce que l'effet produit dans le passé a été conservé jusque dans le présent, ou enfin parce qu'on recherche, non pas une cause mais un point de départ. Ce dernier est en effet un élément essentiel de toute transformation.

Donc, à parler rigoureusement, ce qui se passe dans un procès évolutif pendant un temps donné, ne peut jamais être la cause efficiente de ce qui se passe dans la suite, ni l'effet de ce qui s'est passé auparavant. Cette conclusion, à première vue un peu paradoxale, est néanmoins inévitable dans le sens précis que nous venons d'expliquer. Il est également évident que l'influence qu'exercent les unes sur les autres les différentes évolutions ne suffit pas pour satisfaire au principe de causalité, non seulement parce que plusieurs procès évolutifs, comme, par exemple, le développement d'un individu vivant, manifestent une indépendance plus ou moins considérable à l'égard des circonstances, mais surtout parce qu'on peut toujours envisager tout l'ensemble des phénomènes qui se déroulent pendant un temps donné et rechercher quelles sont les causes qui les produisent. Si donc on veut trouver ces causes dans

la nature même, il faut admettre qu'il existe dans les corps, outre les phénomènes passagers, des principes permanents par lesquels les phénomènes sont produits. Ce sont, d'après la philosophie scolastique, les substances et leurs propriétés actives. On donne parfois aujourd'hui à ces dernières le nom de forces. Elles sont en effet des causes de mouvement. Aux yeux de beaucoup de nos contemporains, ceux qui en parlent font preuve d'une certaine naïveté. On les soupçonne d'être de la famille du philosophe de Molière. Cur opium facit dormire ? Quia est in ipso virtus dormitiva. Il est possible qu'on se soit parfois payé de mots et que d'une conception qui n'a de valeur et de signification que comme théorie générale, on ait voulu tirer l'explication des faits particuliers. S'il en est ainsi, on a eu tort. On n'explique pas que le soleil éclaire en disant qu'il a une vertu illuminative, ni que le feu échauffe en disant qu'il a un pouvoir calorifique. Mais en admettant dans la nature l'existence de principes permanents doués d'activité non pas créatrice mais transformatrice, on a une explication générale de l'apparence générale des choses. Ces principes manifestent leur permanence par ce qu'il y a de constant dans le flux perpétuel des phénomènes : les lois..

Il a été question récemment de l'évolution possible des lois naturelles. On peut envisager ce problème de différentes façons. A notre point de vue, voici, semble-t-il, ce qu'il faut dire. Une loi naturelle est constante par définition. Si les énoncés auxquels nous donnons ce nom n'expriment pas des relations constantes entre les phénomènes, ce ne sont pas des lois naturelles. Les vraies lois seraient alors les règles suivant lesquelles varient ces relations que nous croyions constantes. Si cette variation ne suivait aucune règle, alors on devrait conclure qu'il n'y a pas de lois naturelles. Mais alors aussi, non seulement il

n'y aurait pas de sciences naturelles, mais nos sensations elles-mêmes ne seraient plus comparables entre elles. L'existence des lois ou, ce qui revient au même, leur constance est donc un postulat nécessaire. Et puisque, en nous y appuyant, nous nous trouvons en harmonie avec les faits, on peut dire que l'expérience le confirme. Il y a donc dans la nature des principes permanents d'où dépendent les phénomènes et qui sont le fondement des lois naturelles. Sans doute, pour rendre compte de l'existence des êtres contingents, il faut en dernière analyse recourir à l'Etre nécessaire. Mais il y a alors à choisir entre une sorte d'occasionalisme ou de panthéisme qui considère l'évolution phénoménale comme se rattachant directement à Dieu à titre d'effet ou de manifestation et la philosophie scolastique d'après laquelle Dieu a créé un ensemble de principes permanents qu'il conserve et sous l'action desquels se déroule le spectacle que la nature met sous nos yeux. Je dois renoncer à développer les raisons. qui militent en faveur de cette dernière conception. Ce que nous avons dit tout à l'heure nous incline à lui donner la préférence.

Etant admise l'existence de principes permanents d'où découlent les phénomènes, il y a lieu d'examiner s'il n'est pas possible d'en préciser la notion. Parmi les questions que l'on peut à ce sujet soulever et tâcher de résoudre, nous en choisirons une qui concerne l'évolution de la vie sous sa double forme d'ontogénèse (évolution de l'individu) et de phylogénèse (évolution de l'espèce).

Dire que toute chose nouvelle a une cause, c'est affirmer implicitement que ses caractères doivent être déterminés dans sa cause. La manière la plus simple de se représenter cela, c'est d'attribuer à la cause les perfections qu'elle produit dans l'effet.

C'est ce que les anciens avaient exprimé par l'adage: Omne agens agit sibi simile et il semble, à première vue, que l'ontogénèse nous en offre une vérification assez évidente. Elle consiste, en effet, dans la production d'un être vivant par un ou deux autres de la même espèce. Néanmoins en y regardant de près, la chose apparaît plus complexe. D'abord l'ontogénèse, quoique dépendant en grande partie de l'hérédité, n'est pas entièrement déterminée par cette loi. Tout en reproduisant le type de leur espèce, les êtres vivants, surtout les animaux, se perfectionnent par l'exercice de leurs facultés. Cette autoformation intéresse les fonctions organiques, mais surtout les fonctions animales les muscles se développent par l'exercice, tandis que dans le système nerveux s'emmagasinent des connaissances et des habitudes d'agir dont l'ensemble constitue la supériorité propre de l'homme fait ou de l'animal adulte. Rien ou fort peu de chose de ces trésors accumulés se transmet aux descendants par voie de génération. Ce perfectionnement individuel est un travail à recommencer par chaque individu. Il est indépendant du degré de développement atteint par les parents. Ceux-ci communiquent l'instrument du progrès, mais non le progrès lui-même. Chacun doit travailler pour son compte et peut par ses efforts dépasser tout ce qui a été réalisé par ses ascendants.

Même dans le déploiement de la forme héréditaire il y a autoformation, en ce sens que l'organisme nouveau ne se construit pas sous l'action immédiate et constante des parents. Dans bien des cas l'ovule se détache de sa souche, même avant sa fécondation. En principe tout embryon, dès qu'il est constitué, peut se développer indépendamment de ses parents. Or, on ne niera pas que, même abstraction faite du volume, l'arbre ne possède une organisation supérieure à celle de l'ovule. Celui-ci n'est qu'une seule cellule; l'arbre,

au contraire, est une association ordonnée de cellules extrêmement nombreuses et variées. L'oiseau représente un degré de perfection supérieur à celle de l'œuf, puisque celui-ci n'est sans doute pas doué de sensibilité. Nous sommes donc également ici en présence d'un progrès spontané, ayant son origine dans l'organisme qui en est le siège. Ces faits nous avertissent qu'il ne faut pas se hâter de rejeter au nom du principe de causalité une évolution progressive et spontanée des espèces, puisqu'un progrès semblable existe dans l'évolution des individus qui se passe sous nos yeux.

Un effet unique procède souvent de la coopération de causes nombreuses rien n'empêche alors qu'il ne dépasse la perfection de chacune. Si l'individu vivant progresse, c'est d'abord parce que l'activité vitale s'exerce sous l'influence constante du milieu ; de sorte que les fruits qu'elle produit sont les effets de la coopération de l'être vivant avec les agents qui l'entourent.

S'agit-il de la transformation de l'embryon en la forme adulte ? Les scolastiques nous font remarquer qu'une cause peut produire un effet en transmettant son influence par un intermédiaire matériel qui prend alors le nom d'instrument. C'est ainsi, disent-ils, que l'arbre engendre son semblable par l'intermédiaire de la semence à laquelle il communique sa fécondité.

Pouvons-nous appliquer ces théories à l'évolution des espèces? L'analogie s'indique d'elle-même. Dans la phylogénèse comme dans l'ontogénèse, il faut d'abord tenir compte de l'action du milieu. C'est en premier lieu la sélection naturelle. Au sujet de l'efficacité de ce facteur règne dans le monde scientifique une divergence extrême d'opinions. On sait que Darwin l'a prise comme base principale de sa théorie transformiste. Depuis elle a été exaltée par les uns comme la cause unique de l'évolution progressive dans tous les ordres

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