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Il y a dix jours, le cardinal Parocchi - présentant au plus bel auditoire qu'il pût rêver le critique et l'orateur éminent qu'est M. Brunetière, en qui je salue avec émotion une conquête posthume de Bossuet, un converti de Bossuet, comme Turenne, La Rochefoucauld et le grand Condé, le cardinal Parocchi pouvait dire de notre grand évêque de Meaux que,« s'il avait vécu aux premiers siècles de l'Église, son siège s'élèverait tout près de celui de saint Augustin ». Ne pouvons-nous pas ajouter que l'orateur, le controversiste, le théologien, qui rendait de si magnifiques hommages aux saint Pothin, aux saint Irénée, aux saint Eucher, aux saint Amolon, aux saint Agobard et aux saint Remi de Lyon, était digne de s'asseoir sur leur trône épiscopal? Oui, il était de leur race, notre dernier Père de l'Église, et il aurait magnifiquement continué les traditions lyonnaises, qu'il défendait si bien. Il aurait formé l'un des plus beaux anneaux d'or de cette grande chaine épiscopale, où, depuis saint Pothin et saint Irénée jusqu'à saint Jubin et maintenant jusqu'au Bienheureux Pierre de Tarentaise ou Innocent V, l'Église a choisi 26 prélats pour les mettre sur les autels.

Enfin, Lyon, « la Rome des Gaules », méritait bien l'honneur insigne, que la Providence lui a refusé, d'inscrire dans ses fastes et son livre d'or le grand nom de Bossuet, plus éloquent que Pierre de Tarentaise et saint Eucher, plus savant que Leidrade et saint Agobard, plus redoutable aux hérétiques que saint Patient, saint Ennemond, saint Amolon, et saint Remi de Lyon, tout à fait digne, en un mot, de donner la main devant la postérité au « grand Irénée », qu'il égale, sinon par l'auréole du martyre, du moins par la science, la gloire et le génie.

9 février 1900.

IV

Aix et Bossuet (1).

Monseigneur,

C'est un honneur bien grand et une joie bien vive pour un professeur de l'Université catholique de Lyon, dont vous êtes l'un des prélats fondateurs et des plus fermes soutiens, d'avoir à parler devant vous, au nom du Comité du monument de Bossuet, dont il est membre, de celui que Sa Sainteté Léon XIII appelle si bien « notre grand Bossuet » et qui, du haut du ciel, doit vous contempler, avec une satisfaction profonde comme un digne imitateur de ses luttes épiscopales pour les droits sacrés de l'Église de Dieu.

A cette heure, en effet, Monseigneur, vous faites, dans votre verte et vénérable vieillesse, ce que Bossuet fit luimême à soixante-quinze ans.

C'était en 1702: le chancelier de France, M. de Pontchartrain, qui, pourtant, était bien plus catholique que nos hommes politiques d'aujourd'hui, se mit en tête de vouloir soumettre à l'examen d'un censeur public les Instructions que composait M. de Meaux contre la Version du Nouveau Testament dite de Trévoux et faite par Richard Simon. Cette exigence paraissait d'autant plus étrange que M. de Pontchartrain avait, depuis deux ou trois ans, accordé à Bossuet « un privilège général pour l'impression de tous ses ouvrages, sans limitation ni restriction », dit Le Dieu (2). « Seulement,

(1) Conférence donnée à Aix le 5 mars 1900, au Cercle catholique, en présence de Mg Gouthe-Soulard, archevêque d'Aix, Arles et Embrun. (2) Journal, I, p. 310-11.

M. le chancelier était piqué de ce que la nouvelle Version de M. Simon, qu'il avait appuyée de toute son autorité, se trouvait condamnée par le cardinal de Noailles, et il était clair qu'en faisant paraître son ressentiment contre M. de Meaux, c'est qu'il l'en considérait comme l'auteur et le provocateur. Aussi ne se trompait-il pas. » De plus, l'abbé Bignon, directeur de l'imprimerie, avait aussi approuvé l'ouvrage de Richard Simon et voulait, par vanité, le soutenir contre M. de Meaux. Rien donc d'une persécution religieuse, mais seulement les conséquences funestes d'amours-propres froissés.

Néanmoins, Bossuet ne put se résoudre à voir les écrits des évêques, «< établis pour enseigner la vérité » et pour être les << approbateurs de tous les livres de doctrine et de piété, ou de morale et de dévotion », assujettis eux-mêmes à l'approbation d'un docteur. Il éclata contre le traitement que M. de Pontchartrain voulait lui faire subir et qu'aucun des cinq chanceliers, ses prédécesseurs, n'avait imposé à Bossuet ni à aucun évêque. Il écrivit au cardinal de Noailles; il écrivit à Le Tellier, archevêque de Reims; il écrivit à Mme de Maintenon; il envoya au Roi cinq Mémoires consécutifs. « C'est un mauvais traitement, s'écriait-il, que je ressens d'autant plus que le contre-coup en retombe sur l'épiscopat. C'est un scandale public que, pour exercer nos fonctions, il nous faille prendre l'attache de M. le chancelier, achever de mettre l'Église sous le joug. Pour moi, j'y mettrais la tête » (1).

Il n'eut pas à l'y mettre; car le Roi, auquel il en appelait, donna raison à l'évêque contre le ministre, contre le chancelier de France.

Pour vous, Monseigneur, vous avez été aussi énergique que Bossuet dans l'affirmation des droits qu'ont les évêques d'envoyer leurs sympathies les plus généreuses à des religieux catholiques et français, avant surtout qu'une condamnation quelconque les ait atteints. Mais voici la différence avec le temps passé, dont on ressuscite les pires abus, sans en ressusciter l'esprit profondément religieux.

S'il n'y a plus de Louis XIV pour donner raison à Votre

(1) Lettres à Mar de Noailles et à M. M..., fin d'octobre-novembre 1702.

Grandeur et à vos vénérables collègues, frappés comme vous, l'opinion publique, reine toute-puissante de notre démocratie, vous rend à tous la justice que vous méritez.

Ce serait faire injure à Votre Grandeur que de la plaindre pour le sort qu'elle supporte si vaillamment. Ne venez-vous pas d'écrire, dans votre superbe Mandement sur le Sacré Cœur. de Jésus-Christ :

་་

<< Bienheureux ceux qui souffrent persécution à cause de la justice, parce que le royaume des cieux leur appartient. Ah! voilà une béatitude dont je puis parler par expérience : j'en suis un témoin authentique et permanent. J'en suis très fier.

« Oui, on est heureux de souffrir et d'être persécuté pour la justice. Oui, on est plus grand malgré soi, on s'élève jusqu'au trône de la Justice divine; on se croit invincible avec elle; on se moque des tyrans; on leur dit avec un saint Pape: Je n'effraye personne, mais personne ne m'effraye. »

Toute la France catholique est avec vous, Monseigneur; le diocèse de Lyon surtout est fier de son illustre enfant, et lorsque, l'autre jour (1), je rappelais en public comment, partout et même du haut de la tribune de la Chambre, on vous appelle « l'admirable et vaillant archevêque d'Aix », j'ai soulevé de chaleureux applaudissements, dont il m'est bien doux de vous apporter l'écho, en déposant à vos pieds le respectueux hommage de la profonde vénération de tous les Lyonnais.

་་

Ressembler à Bossuet par la défense invincible des droits de l'Église, n'est pas un mince honneur au temps où nous sommes, et la joie de vous le dire était pour moi le premier attrait de cette conférence.

I

Il en est un autre, Mesdames et Messieurs, dont vous allez me permettre de savourer le charme : c'est de pouvoir vous rappeler les relations de Bossuet avec votre ville d'Aix et les Aixois du XVIIe siècle..

(1) Dans la Conférence faite aux Facultés catholiques, le 23 février 1900, t qu'on lira plus loin.

e

Savez-vous d'abord qu'il y a une Lettre de M. de Meaux, récemment parue dans la Revue Bossuet et adressée par le grand évêque à M. Genet, prêtre, Aix?

Cet abbé Genet était originaire d'Avignon en 1640. Docteur en droit, il avait enseigné la philosophie et la théologie au Puy d'abord, puis à Saint-Sulpice et à Grenoble, où l'évêque le chargea d'une grande mission et de conférences pour décider les cas de conscience. Il l'engagea à composer un ouvrage spécial sur ce sujet. Ce fut un livre fameux en son temps, sous le nom de Morale de Grenoble et intitulé: Théologie morale ou solution des cas de conscience selon l'Écriture, les canons et les Pères, composée par l'ordre de Me l'Évêque et prince de Grenoble, qui n'était autre que le futur cardinal Le Camus. Cette Théologie morale, qui eut l'approbation des plus savants prélats de France et d'Italie, provoqua pourtant les Remarques d'un Jacques de Remonde, qui furent censurées par le cardinal de Grenoble et mises à l'Index par Rome. L'abbé Genet professa pendant cinq ans la théologie au Grand Séminaire d'Aix, de 1680 à 1685, année où le Pape Innocent XI le nomma évêque de Vaison. Dans les démêlés de Louis XIV avec le Saint-Siège et lors de l'invasion des États pontificaux d'Avignon par les soldats du Roi, Mr Genet prit énergiquement parti pour les droits du Pape et, après avoir recueilli dans son diocèse les Dames de l'Enfance de Toulouse, expulsées de Provence, il fut envoyé comme prisonnier d'État à l'île de Ré, où, pendant quinze mois, on ne lui laissa que son bréviaire et la Bible, qu'il apprit par cœur. Il rentra ensuite dans son évêché et mourut en 1707 d'un accident: il se noya dans un torrent débordé.

En décembre 1682, il avait envoyé à M. de Meaux un exemplaire de sa Théologie morale, dont la 3o édition est, en effet, de 1682-83. Bossuet l'en remercia aussitôt par la lettre suivante :

« A Meaux, 30 décembre 1682.

<< Monsieur,

« J'ai reçu avec joie votre beau présent, dont j'espère profiter avec tout le clergé de ce diocèse. J'ai tant de respect

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