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gouverneur du Dauphiné et « représentant la personne du Roi»: «Avouez du moins, Monsieur, répliqua Cosnac, qu'on est fort excusable de s'y méprendre, puisque jamais copie n'a moins ressemblé à son original. » Cette repartie, brusque et flatteuse, fit rire le Roi et sauva Cosnac. Le prince de Conti, l'envoyant un jour chez Mazarin pour lui demander une grâce, lui disait : « Je vous défends les moulinets » : il appelait ainsi les gestes brusques et les emportements de Cosnac. Il en eut bien quelques-uns à Aix contre les religieux de Saint-Barthélemy, et Mme de Sévigné le peignait ainsi à sa fille : « L'archevêque (d'Aix) a de grandes pensées; mais plus il est vif, plus il faut s'approcher de lui comme des chevaux qui ruent. >>

Certes, ce n'est pas de cela que pouvait le louer Bossuet, << le plus doux » des hommes, comme l'attestent ses contemporains l'évêque de Luçon, Colbert, l'archevêque de Paris, Hardouin de Péréfixe, Mmes de La Fayette, de La Vallière, le P. de La Rue, Le Dieu, qui, dans ses Mémoires, parle à chaque page, pour ainsi dire, de cette « douceur charmante >> du prélat, que loue aussi Saint-Simon.

Bossuet ne dut pas davantage l'estimer pour ses dragonnades, lui qui n'en permit aucune dans son diocèse et qui, à peine nommé conseiller d'État, fit révoquer en 1698 et 1700 par M. de Torcy les mesures sévères prises, en 1685, contre les protestants. Il lutta même à ce sujet contre les évêques du Midi, ou du moins du Languedoc; mais Cosnac n'en était pas. D'ailleurs, il accepta très bien les ordres du Roi et la modération recommandée par Bossuet, sans devenir cependant un modèle de patience, puisque les Aixois lui firent cette spirituelle épitaphe : « Requiescat ut requievit. Qu'il se repose comme il s'est reposé! Ce n'était pas beaucoup, ni même assez pour un archevêque.

>>

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Si vous êtes, Monseigneur, de la race « des gens actifs »>, comme Cosnac, vous ne lui ressemblez certainement pas dans la lutte contre quelques religieux de sa ville épiscopale, vous qui êtes le défenseur si énergique de nos chères Congrégations religieuses, menacées par une loi draconienne encore plus que par le procès fait aux Assomptionnistes.

Pour finir l'histoire des relations de Bossuet avec Aix et les Aixois, Brueys, l'abbé Genet, le cardinal de Grimaldi et M&T de Cosnac, ne faut-il pas signaler ce qu'a fait en l'honneur de M. de Meaux, au commencement de ce siècle, l'un de vos plus illustres compatriotes, grand vicaire d'Aix avant d'être évêque d'Alais, réfractaire à la Constitution civile du clergé et incarcéré comme tel pendant la Révolution, le cardinal LouisFrançois de Bausset, auteur de l'Histoire de Bossuet, parue en 1814?

Comme le public ne connaissait alors ni les Mémoires et le Journal de Le Dieu, publiés seulement en 1856, ni la Notice de Saint-Simon, qui n'a paru que dans ses Ecrits inédits, 1880, et comme la pâle Vie de Bossuet, de Levesque de Burigny, était le seul travail imprimé sur la biographie d'un si grand homme, l'Histoire de Bossuet fut un véritable événement littéraire. D'autant plus que l'auteur, qui, dans son Histoire de Fénelon, s'était laissé « entrainer par sa tendre vénération pour l'un des plus beaux caractères qui aient honoré l'humanité », l'avouait « avec franchise » et s'accusait de n'avoir «< pas été assez pénétré des graves considérations qui imposaient à Bossuet le devoir d'attacher tant d'intérêt aux conséquences de la doctrine de l'archevêque de Cambrai »>.

Bossuet, si étrangement méconnu et calomnié au XVIIIe siècle par Voltaire et les Encyclopédistes, apparaissait enfin dans sa vraie physionomie de prêtre, d'évêque, de docteur, telle que la peignait le cardinal de Bausset.

Sans doute, quelques traits de cette noble physionomie. devaient être plus nettement accusés et mis en lumière par d'autres travaux de notre siècle; mais c'est la gloire de votre compatriote, j'allais dire, c'est votre gloire, d'avoir ouvert la voie à ces travaux par une œuvre remarquable, qui, avec l'Histoire de Fénelon, a inauguré parmi nous, au dire de SainteBeuve et de M. Brunetière, la véritable biographie littéraire.

5 mars 1900.

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Verdun et Bossuet (1)

Monseigneur,

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Votre Grandeur a bien voulu, après M" de Briey, évêque de Meaux, après M" de Cabrières, évêque de Montpellier (2), et après MS Gouthe-Soulard, archevêque d'Aix, que l'un de vos anciens élèves, à qui vous appreniez jadis avec tant d'éloquente autorité à aimer «< notre grand Bossuet », comme l'appelle Sa Sainteté Léon XIII, vînt dans votre ville épiscopale, au nom du Comité du monument du Centenaire à Meaux, réchauffer l'admiration de votre excellent clergé meusien pour l'illustre prélat en qui Voltaire lui-même, salue « le plus éloquent des Français » et M. Brunetière, après Villemain, « le plus éloquent des hommes ».

Rien ne pouvait m'être plus agréable, Monseigneur, que de répondre à cet appel. Outre que vous procuriez ainsi la joie la plus vive à l'auteur de Bossuet et les saints Pères et de bien d'autres écrits sur ce grand homme, vous appliquiez gracieusement à votre chanoine de Verdun le mot de l'héroïne nationale dont vous vous êtes fait le vaillant apôtre : « Il a été à la peine; c'était raison qu'il fût à l'honneur. »

Pour m'acquitter de la double dette de reconnaissance que

(1) Conférence faite au Grand Séminaire de Verdun, le 7 juin 1900, devant sa Grandeur Mer Pagis, évêque de Verdun, et l'élite du clergé du diocèse, auquel s'étaient joints les élèves des hautes classes du Petit Séminaire de Glorieux et de nombreux laïques.

(2) La Conférence donnée à Montpellier, le 20 décembre 1900, et qu'on trouvera plus loin, devait avoir lieu le 7 mars, avant celle de Verdun ; mais elle a été retardée à cause du sacre de Me Douais et de Mg Henry.

m'imposent cet honneur et un canonicat, auquel je n'avais d'autres titres que ceux que m'a créés votre paternelle bienveillance, il m'a semblé, Monseigneur et Messieurs, qu'il n'y avait rien de mieux à faire que d'évoquer tout d'abord devant vous les souvenirs précieux qui rattachent Verdun à Bossuet.

I

Savez-vous que la lettre la plus ancienne que nous ayons de lui, est datée de Verdun, le 19 octobre 1653, et non pas 1654, comme Bossuet l'écrit par distraction? Les grands hommes sont distraits.

-

C'est Floquet le savant admirateur de Bossuet, qui lui a consacré quatre volumes un peu difficiles à lire, mais si riches de documents inédits, Études sur la vie de Bossuet de 1627 à 1670, en trois volumes, 1855, et Bossuet précepteur du Dauphin, fils de Louis XIV, et évêque à la Cour, 1864,c'est Floquet qui a publié cette lettre, après l'avoir copiée dans les Manuscrits de la Bibiothèque de Metz.

Elle fait le plus grand honneur à Bossuet et montre le personnage qu'était ce jeune chanoine de 26 ans, alors archidiacre de Sarrebourg, délégué par le chapitre de Metz, pour siéger dans l'Assemblée des Trois Ordres de cette ville, clergé, noblesse, bourgeoisie ou tiers état, et envoyé par cette Assemblée à Verdun et à Stenay, auprès du grand Condé. Ce prince en était alors à la période espagnole de la Fronde, de ces guerres infortunées », comme devait les appeler Bossuet lui-même, dans l'Oraison funèbre de 1687, où il lui fallait, disait-il, « une fois parler de ces choses dont il aurait voulu pouvoir se taire éternellement,... mais sans vouloir excuser ce que le prince avait si hautement condamné luimême,... des fautes si sincèrement reconnues, et dans la suite si glorieusement réparées par de fidèles services ». Louis de Bourbon, en rébellion ouverte contre son Roi et déclaré criminel de lèse-majesté par des lettres patentes enregistrées dans tous les parlements du royaume, était devenu généralissime des armées de Philippe IV. Comme la ville de Stenay

lui avait été donnée par le Roi en 1648, pour le récompenser des victoires de Rocroy, de Fribourg, de Nordlingue et de Lens, il y entretenait une garnison espagnole, commandée par un gouverneur français, le brave Nicolas Bouton, comte de Chamilly, et un colonel allemand, nommé Colbrandt. Ces troupes et d'autres, à la solde de l'Espagne, « faisaient de nombreuses incursions dans le pays messin et allaient chercher des prisonniers jusque dans les postes de la place » (1). Pour échapper à ces sortes de razzias, il fallait obtenir à prix d'argent des sauvegardes: Metz en avait une du prince de Condé; elle lui coûtait annuellement 10.000 livres. Damvillers, où le paiement s'était d'abord effectué, ayant été rendu au Roi par le marquis de Sillery en 1653, les Messins avaient reçu l'ordre d'envoyer leur argent à Stenay. Mais ces 10.000 livres ne suffirent bientôt plus aux agents de Condé, en particulier à Caillet de Chamlay (ou Chanlai, ou Chanlé), intendant des contributions levées au nom du prince. Il voulut rançonner Metz selon son bon plaisir, exigea une contribution supérieure à 10.000 livres et payable, non plus par quartiers, mais par semaines, et cela dès le mois de septembre 1653.

L'Assemblée des Trois Ordres de Metz, émue de ces nouvelles exigences, députa vers Condé l'échevin Bancelin et l'abbé Bossuet, lié depuis longtemps avec Louis de Bourbon.

Ce prince avait connu la famille Bossuet à Dijon, dont il avait été gouverneur; il affectionnait beaucoup l'oncle du jeune archidiacre de Sarrebourg, Claude Bossuet, vicomte maïeur de Dijon, et il avait fait à son neveu l'honneur d'accepter la dédicace de sa Tentative de théologie, De Deo trino et uno et de Angelis, et d'aller, le 24 janvier 1648, au collège de Navarre, avec une suite de jeunes seigneurs, escortés de flambeaux, pour assister à la soutenance du brillant candidat, dont la verve triomphante l'intéressa si fort qu'il voulut entrer en lice avec lui et qu'il eut beaucoup de peine à s'en défendre, comme il l'avouait plus tard, au dire de Le Dieu et de l'abbé de Choisy (2).

(1) Mémoire adressé à Louis XIV en 1663 et cité par Floquet, 1, p. 246,

note 2.

(2) Éloge de Bossuet à l'Académie Française, le 2 août 1704.

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