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prétend pas que vous diminuiez ce qui est essentiel pour vous soutenir; mais cette année est si mauvaise et nous sommes si chargés de pauvres qu'on ne peut pas ce qu'on veut. » Ainsi, le neveu de Bossuet ne passe qu'après la famille spirituelle de l'évêque, ses pauvres. - Lisez encore le Placet au Roi, où il le supplie de lui accorder son neveu pour coadjuteur. Il ne peut plus faire ses ordinations, ses tournées de confirmation, à cause de la maladie de la pierre, dont il souffre cruellement, et il voudrait pourtant « continuer à servir l'Église, en ménageant ses forces » grâce à un auxiliaire : « Oserai-je dire à mon maitre, et à un maître si bon, (Sire, permettez-le), qu'une de mes aversions, c'est de prôner ceux qui m'appartiennent? Mais, puisqu'il faut dire la vérité à son roi, je puis assurer Votre Majesté, sans craindre d'en avoir jamais de reproche, ni devant les hommes, que l'abbé Bossuet fait, depuis douze ans qu'il est archidiacre et depuis quatre ans qu'il est de retour de Rome et mon grand'vicaire, toutes mes visites avec un soin dont je suis content et avec une parfaite édification des curés, des chapitres, des couvents et communautés religieuses et de tout le peuple.» Qu'on aille après cela crier au népotisme. M. Dumay, le directeur général, ou plutôt perpétuel, des cultes, qu'il gouverne depuis douze ans en maitre absolu et qui disait naguère que, si Bossuet et Fénelon vivaient aujourd'hui, il ne les ferait jamais évêques (1), M. Dumay pourrait-il rendre à tous ses candidats le témoignage que Bossuet rendait à son neveu et qui, pourtant, ne suffit pas à Louis XIV pour en faire un évêque?

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II

Bossuet, le meilleur des fils, des frères, des oncles : « Voyez que je suis bon oncle », écrit-il un jour en riant à propos de la correspondance de son neveu qu'il n'ouvre pas, malgré le besoin urgent qu'il a d'une pièce nécessaire, Bossuet était aussi l'ami le plus cordialement dévoué.

Quelle belle définition ne donne-t-il pas de l'amitié, quand il écrit au cardinal de Aguirre: « L'amitié nous fait une même

(1) Article du Figaro, décembre 1899 Comment on fait les évêques.

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chose » (1); et à Mer de Noailles : <«< Il faut toujours dire ce qu'on pense à ses amis (2)..... Je n'ai rien de caché pour votre Eminence » (3); et au maréchal de Bellefonds, qui l'avait blâmé à tort, à propos de l'abbaye de Saint-Lucien, que Rome s'offusquait si peu de voir donner à Bossuet, en compensation de l'évêché de Condom rapportant 40.000 livres, qu'elle lui accordait le gratis entier pour ses Bulles : <«< Je vous serai fort obligé de m'écrire souvent de la manière que vous avez fait. » (4) Cette franchise admirable, il la pratique avec ses amis, ou plutôt avec tout le monde, jusqu'à la fin de sa vie, avec une droiture telle que les protestants lui rendent d'éclatants hommages et qu'Innocent XII dit (5) qu'on « doit ajouter une entière foi à M. de Meaux ».

C'était justice. Bossuet n'écrivait-il pas à Mme d'Albert de Luynes, sœur du duc de Chevreuse, engagé à fond dans le parti de M. de Cambrai : « Puisque M. de Chevreuse vous doit aller voir, demandez-lui si Jésus-Christ, si la Sainte Vierge, si saint Jean-Baptiste du moins ont jamais songé à ces suppositions impossibles, où l'on voudrait maintenant mettre la pureté de l'amour. Au surplus, écoutez-le, promettez-lui tout le secret qu'il vous demandera par rapport à moi; mais diteslui bien que pour moi je n'exige aucun secret. Je veux que vous lui disiez, avec une pleine liberté, tout ce que vous savez de mes sentiments. » Quelle admirable loyauté!

C'est une remarque faite depuis longtemps par les psychologues et les moralistes qu'on loue toujours chez les autres ce que l'on aime le plus, ce qui est le plus en harmonie avec sa propre nature à soi. Or, Bossuet ne loue rien tant chez autrui que la sincérité. « La perte que je fais d'un homme qui cherche Dieu et d'un ami si sincère et si sûr, écrit-il en avril 1672, à propos de la disgrâce momentanée du maréchal de Bellefonds, est une chose presque irréparable en ce pays. » Il s'agit de la cour, alors à Saint-Germain-en-Laye.

(1) Lettre du 30 décembre 1697.
(2) Lettre du 1er novembre 1696.
(3) Lettre du 1er mai 1703.
(4) Lettre du 9 septembre 1672.
(5) Lettre du 18 mars 1698.

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D'ailleurs, s'il parle à ses amis avec une sincérité parfaite, c'est qu'il les aime avec une tendresse profonde. « Je suis à vous de tout mon cœur » : telle est la formule par laquelle il termine la plupart de ses lettres à ses intimes. Et quand il s'est donné à quelqu'un, c'est pour toujours, quoi qu'il arrive. « Assurez-vous, écrit-il à la mère de Bellefonds, sœur du maréchal disgrâcié, assurez-vous de l'amitié inviolable que je garderai à M. le maréchal de Bellefonds. Je ne me consolerai point du malheur que j'ai eu de le perdre. » L'évêque souffre que le disgracié doute de la fidélité de son ami : «< Dites-moi comme vous êtes, lui écrit-il le 19 mars 1675, et, je vous prie, ne croyez jamais que je change pour vous. J'ai toujours un peu sur le cœur le soupçon que vous en eûtes; et qu'auriezvous fait qui me fit changer? Quoi! parce que vous êtes moins au monde, et par conséquent plus à Dieu, je serais changé à votre égard! Cela pourrait-il tomber dans l'esprit d'un homme qui sait si bien que les disgrâces du monde sont des grâces du ciel des plus précieuses? >>

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Non seulement Bossuet reste fidèle à ses amis dans le malheur, mais encore il les sert de tout son pouvoir. Il travaille pour le protestant Ferri, comme s'il s'agissait de lui-même, en 1666. - « Je vous rendrai tout le service que je pourrai », écrit-il en 1681, au protestant lyonnais Jacob Spon, auquel il a été plusieurs fois utile. «< Surtout, écrit-il en septembre 1686 à l'abbé de Rancé, surtout, quand il y aura la moindre chose à faire pour votre service, vous ne sauriez me faire un plus sensible plaisir que de m'en donner la commission. >> Et, en effet, le grand évêque « mettait en train l'impression >> des ouvrages de l'illustre abbé de la Trappe (6 janvier 1685). — « Je finis, écrit-il à Nicole le 4 décembre 1691, en vous assurant de tout mon cœur de mes très humbles services. »

Naturellement, ses amis ne se font pas faute de recourir à son obligeance. Mgr de La Broue lui recommande le transfert. de son évêché, ainsi que son élection à l'Assemblée de 1700, et le prie de faire auprès de M. le duc du Maine les mêmes démarches qu'il a eu la bonté de faire auprès de M. le cardinal de Bonzy, archevêque de Narbonne : « Car, ajoute-t-il, la meilleure raison que je puis avoir, c'est que M. le cardinal de

Bonzy vous l'avait promis et qu'il lui était libre de le promettre à qui il lui plaisait, sans que M. l'évêque d'Alais eût sujet de se plaindre. M. l'évêque de Béziers, au reste, qui doit être de l'Assemblée du clergé et qui vous honore très particulièrement, expliquera à merveille toutes mes raisons, nos usages, nos maximes, etc. (1) » Bossuet parle à fond à M. le duc du Maine; il parle à l'évêque d'Uzès; il serait «< très fâché si l'affaire manquait » (2).- Est-ce tout? Non: on vient de publier une lettre de Bossuet à Colbert, du 11 septembre 1673: << Monsieur, le pauvre Martin, pour qui j'ai eu l'honneur de vous solliciter tant de fois et à qui vous avez fait tant de grâces, va vous supplier très humblement de lui accorder le délai que vous me fites la grâce de me faire espérer à Saint-Germain (3). » — C'est une preuve, venant après bien d'autres, de l'inexactitude de ce que dit M. Rébelliau dans son Bossuet, p. 202, pour montrer ce qu'il appelle le peu de crédit du prélat à la cour: « Il n'y a pas, je crois, dans les lettres reçues par Bossuet, une lettre de solliciteur ». La vérité, c'est qu'elles y abondent, et il serait facile d'en citer d'autres que celles qui précèdent. Tantôt, c'est le poète Santeul, chanoine régulier de Saint-Victor, qui « sollicite » Bossuet pour « ses pensions » (4). Tantôt, c'est M. du Puy, archidiacre et théologal de Luçon, qui « sollicite » Bossuet pour qu'il intervienne auprès de son évêque, Mgr de Valdérie de L'Escure; et M. de Meaux le << supplie », en effet, en faveur d'un prêtre qui « l'a choisi pour intercéder auprès » du prélat (5). Tantôt, c'est milord Perth, chancelier d'Écosse, qui « sollicite » Bossuet de plaider devant le roi la cause d'un collège catholique écossais. Tantôt, c'est le président Lamoignon qui « demande à Bossuet » pour un protégé tout ce qu'on peut demander à un prélat comme lui ». Bossuet se plaint en 1690 que « ses déplorables sollicitations » l'aient privé d'un sermon et de la joie de voir Santeul. Presque toutes les lettres dont on m'a révélé l'existence

(1) Lettre du 21 mars 1700.

(2) Lettre du 11 juin 1700.

(3) Revue Bossuet, 25 janvier 1900, p. 45.

(4) Lettre du 15 avril 1690.

(5) Lettre du 19 avril 1701.

au ministère de la guerre sont des lettres de recommandation: les officiers le savaient si bon, si complaisant, qu'ils le priaient en foule d'intervenir pour eux auprès de Louvois et de son fils, le marquis de Barbézieux.

Très serviable pour ses amis, Bossuet souffre quand il ne les voit pas leur absence et leur silence lui pèsent. << Votre silence est trop long, écrit-il au maréchal de Bellefonds le 29 septembre 1674; je vous prie de me donner de vos nouvelles. >> Et le 29 juin 1675: « Que je vous ai souhaité souvent parmi toutes les choses qui se sont passées (il s'agit de Mme de Montespan, que Bossuet avait fait partir de la cour), et qu'une demi-heure de conversation avec vous m'aurait été d'un grand secours! J'ai eu cent fois envie de vous écrire; mais outre qu'on craint toujours pour ce qu'on expose au hasard que courent les lettres, on s'explique trop imparfaitement par cette voie. » Et le 6 juillet 1677 : « L'occasion est trop favorable pour la laisser passer sans vous écrire et sans vous demander de vos nouvelles... Il y a près d'un an que je n'ai reçu de vos lettres. Ma consolation est que je sais que vous ne m'oubliez pas. Adieu, Monsieur, aimez-moi toujours. » Il écrit à l'abbé de Rancé, le 6 janvier 1683 « Les lettres que je reçois de vous, Monsieur, me donnent tant de consolation qu'elles ne sauraient jamais être trop fréquentes ». Et le 20 janvier 1690:

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J'espère, Monsieur, que cette année ne se passera pas comme l'autre, sans que j'aie la consolation de vous voir. Je jouis en attendant de votre présence, en quelque façon, par vos lettres, et je profite, d'ailleurs, de la communication de vos prières, dont vous avez la bonté de m'assurer ».

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Heureux, les amis de ce grand homme qui ont su de quel cœur il les aimait! Un duc de Foix, qu'il assistait dans son agonie sans craindre la petite vérole, à la grande édification de la cour, qui n'eut pas de sermon ce jour-là, décembre 1665, mais qui admira cette action d'éclat et qui ne tarissait pas d'éloges publics sur « le bon cœur de l'abbé Bossuet, qui lui avait fait exposer sa propre vie pour son ami » (1). Une duchesse d'Orléans, qui, sur son lit de mort, réclamait à cor

(1) Le Dieu, Mémoires, p. 94.

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