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mort, quelle magnifique oraison funèbre n'écrit-il pas en quelques lignes, dans sa Lettre au P. Jacques de La Cour, abbé de la Trappe : « Quoique la nouvelle que vous me mandez, Monsieur, soit bien dure, par la perte que je fais d'un tel ami, je vous suis obligé de l'attention que vous avez eue à m'en donner avis. Je vous demande de tout mon cœur la même part à votre amitié que celle dont m'honorait le cher défunt. Je ne puis en dire autre chose, sinon que c'était un autre saint Bernard en doctrine, en piété, en mortification, en humiliation, en zèle et en pénitence; et la postérité le comptera parmi les restaurateurs de la vie monastique. Dieu veuille multiplier ses enfants sur la terre! Il sera bien reçu de ceux qu'il a envoyés dans le ciel devant lui en si grand nombre. » Fidèle à son saint ami jusque par delà la tombe, M. de Meaux charge un de ses grands vicaires, l'abbé de SaintAndré, d'aller à la Trappe pour avoir les renseignements et les papiers nécessaires afin de faire écrire une vie de Rancé, dont «< la simplicité, dit-il, doit être le seul ornement ». Il regrette de ne pouvoir lui-même composer cette vie; mais « il dira son sentiment sur la Trappe avec beaucoup de franchise, comme un homme qui n'a d'autre vue que celle que Dieu soit glorifié dans la plus sainte maison qui soit dans l'Église et dans la vie du plus parfait directeur des âmes dans la vie monastique qu'on ait connu depuis saint Bernard. Si l'histoire de ce saint personnage n'est écrite de main habile et par une tête qui soit au-dessus de toutes vues humaines, autant que le ciel est au-dessus de la terre, tout ira mal ». Et comme M. de Séez lui a dit qu'il y avait « d'admirables (lettres de Rancé) aux supérieurs de l'ordre et qui étaient vraiment prophétiques et apostoliques pour l'expression et les sentiments », mais qui pourraient «< soulever tout l'ordre », il ajoute qu'il se faut bien garder de les perdre, puisqu'elles pourront avoir leur temps ». ». Qu'aurait donc dit le grand évêque, dans sa sollicitude pour la mémoire de l'illustre abbé de Rancé, s'il avait vu sa Vie écrite par un de nos plus grands écrivains, Chateaubriand, mais répondant si peu aux exigences de M. de Meaux pour le « nouveau saint Bernard »? La profonde tendresse que Bossuet donnait à ses amis se

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manifestait surtout dans les deuils qui les brisaient.

Il faut lire la longue lettre que, vers 1672, il écrivait à la maréchale de Schomberg, pour adoucir les regrets que lui causait toujours la perte de son mari : « Je vois dans ces peines d'esprit, lui dit M. de Condom, une marque d'une foi bien vive et d'une amitié bien chrétienne. Il est beau, Madame, que dans une affliction si sensible votre douleur naisse presque toute de la foi que vous avez en la vie future, et que, dans la perte d'une personne si chère, vous oubliiez tous vos intérêts pour n'être touché que des siens. » Et alors Bossuet écrit comme un traité de la Consolation chrétienne, infiniment supérieur aux trois traités semblables de Sénèque. Il termine par ces paroles délicates : « J'avoue que votre douleur, naissant des pensées de l'éternité, le temps ne doit pas lui donner d'atteinte. Qu'elle ne cède donc pas au temps; mais qu'elle se laisse guérir par la vérité éternelle et par la doctrine de son Évangile. Voyant durer vos inquiétudes, j'ai cru que le service que je vous dois m'obligeait à vous la représenter selon que Dieu me la fait connaître. Si j'ai touché un peu rudement l'endroit où vous êtes blessée, c'est-à-dire si je n'ai pas assez épargné votre douleur, je vous supplie de le pardonner à l'opinion que j'ai de votre constance. Je suis, etc. >> Il faut lire encore cette délicieuse lettre à Mignard, premier peintre du roi et auquel nous devons le premier portrait de Bossuet jeune évêque, dont on ne se lasse pas d'admirer, au grand séminaire de Meaux, l'expression de douceur intelligente et de bonté candide : « Je ne puis vous dire, Monsieur, combien je suis sensiblement touché de la perte que vous avez faite. Comment donc avez-vous perdu cette chère fille, dont j'ai plus tôt appris la mort que la maladie? Je prie Dieu qu'il vous donne des consolations. Nos vues sont trop courtes pour savoir absolument ce qui nous est propre. Il faut se reposer sur celui qui fait tout pour notre bien par rapport à nos fins cachées. L'innocence de cette chère et aimable enfant lui a fait trouver dans la mort la félicité éternelle, qu'une vie plus longue aurait mise en péril. Consolez-vous, Monsieur, avec Dieu. Consolez madame Mignard, et croyez que je suis touché au vif de votre mal

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heur. >> On a vu comment M. de Meaux consolait son neveu et se consolait lui-même de la mort d'un de ses frères par les pensées de la foi la plus vive et la plus résignée.

Quelque temps après, en septembre 1701, il écrivait à lord Perth, à propos de la mort de Jacques II: « Mon cœur me presse de vous témoigner la part que je prends à votre juste douleur et en même temps de vous supplier humblement de prendre quelque temps à présenter au jeune roi et à la reine. mes très profonds et très fidèles respects... Dieu est le Seigneur; il sait les moments. Il a des couronnes à donner, dont rien ne peut approcher sur la terre. Tout ce qui passe n'est rien; tout ce qui finit, comme dit saint Paul, doit presque être compté comme n'étant pas. On fait des voeux, on offre des sacrifices, on espère, on attend les temps que Dieu a réservés à sa puissance. Dieu seul sait ce qui est bon. >>

III

Avec cette affectueuse bonté pour ses amis, Bossuet était d'une simplicité charmante, à laquelle on ne croit guère, mais qui, pourtant, éclate à chaque page de sa Correspondance. — « Je vous écris sans cérémonie, dit-il en 1658(1er février) à M. de Monchy, disciple et ami de saint Vincent de Paul, je vous écris sans cérémonie, pour ne perdre point le temps ni les paroles; mais je n'en suis pas moins, etc. » — Plus tard, déjà évêque de Condom, il écrit le 9 septembre 1672 au maréchal de Bellefonds : « Je laisse aller ma main où elle veut, et mon cœur cependant s'épanche en admirant les miséricordes que Dieu vous a faites... Tôt ou tard, mon petit ouvrage (l'Exposition de la doctrine catholique) servira aux huguenots; la contradiction de deçà et l'approbation incroyable qu'il reçoit à Rome me font comme voir, d'un côté, le diable qui le traverse, et de l'autre, Dieu qui le soutient. Je ne finirais pas, si je ne me retenais. Je ne parle point ici (1); il faut donc bien que j'écrive, et que j'écrive, et que j'écrive.

(1) Pendant les onze ans de son préceptorat, il n'a parlé que trois fois, en 1670 le 4 octobre, en 1672 le 5 juin, et en 1675 le 4 juin.

Hé! ne voilà-t-il pas un beau style pour un si grand prédicateur? Riez de ma simplicité et de mon enfance, qui cherche encore des jeux. »

Les Grecs, enfants gâtés des Filles de Mémoire,

diraient à ce propos, comme à propos d'un passage célèbre de Thucydide: « Ici le lion a ri. » Ce n'est pas le seul endroit. En 1684-1685, le grand Condé ayant envoyé à M. de Meaux son fontainier: « Il n'a cessé de travailler, écrit le grand évêque, et nous a appris bien des choses que ni moi ni mes fontainiers ne savions pas... Il ne me reste plus qu'à rendre grâces très humbles à Votre Altesse Sérénissime et à lui demander pardon d'avoir retenu si longtemps son fontainier. Il a travaillé avec beaucoup de soin jusqu'à hier; et pour moi, je me suis rendu si parfait dans les hydrauliques que Votre Altesse, dorénavant, ne me reprochera plus mes âneries. » Ne prend-on pas là comme en flagrant délit la familiarité charmante de ces deux grands hommes? Bossuet parle maintes fois avec la même simplicité de sa « méchante écriture ». << Excusez, écrit-il le 10 août 1677, à Guillaume Le Roi, abbé de HauteFontaine, auprès duquel il défend longuement son ami l'abbé de Rancé, excusez si, pour vous sauver la peine que vous donnerait ma méchante écriture, je n'ai pas écrit de ma main. » Il prie le docteur Dirois, en 1682, de « déchiffrer à MT le cardinal Ricci non seulement son écriture, mais ses intentions »>. << Excusez les endroits où mon écriture vous paraîtra un peu brouillée, écrit-il le 3 avril 1686 à un de ses diocésains réfugié en Hollande : il vaut mieux que vous voyiez la simplicité d'un frère qui cherche à gagner son frère que la politesse d'un discours étudié. » Il dit à M. de Lamoignon de Basville, intendant du Languedoc, 12 novembre 1700: « Je crains, en faisant décrire, de perdre le temps de faire partir cette lettre, et je vous demande pardon d'épargner si peu vos yeux. » 11 prie, le 30 août 1701, M. Brisacier, supérieur du Séminaire des Missions étrangères, « de prendre le temps le plus commode à son Éminence (le cardinal de Noailles) pour lui faire la lecture (de ma lettre), ajoute-t-il, et en même temps lui sauver la peine de lire mon écriture, qui devient tous les jours

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plus pénible pour moi et plus difficile pour les autres ». « Permettez-moi, Monsieur, dit-il, le 19 mai 1702 à M. de Malezieu, chancelier des Dombes, dans la longueur et dans l'importance du discours que j'ai à vous faire, d'épargner ma main et vos yeux. »

Bossuet avait donc mille fois raison de s'appeler « le plus simple des hommes », et Fénelon ne faisait tort qu'à luimême, en se moquant de cette parole.

Simple, mais non pas « trivial », comme le dit M. Rébelliau. Bossuet pratiquait la modestie et l'humilité à un degré éminent, comme le prouve sa Correspondance. - Dès 1658, il écrit à saint Vincent de Paul, à propos de la mission de Metz : « Pour ce qui me regarde, Monsieur, je me reconnais fort incapable d'y rendre le service que je voudrais bien; mais j'espère de la bonté de Dieu que l'exemple de tant de saints ecclésiastiques et les leçons que j'ai autrefois apprises en la compagnie, me donneront de la force pour agir avec de si bons ouvriers, si je ne puis rien de moi-même. » Et quand il a eu dans cette mission un succès merveilleux, puisque le directeur, M. de Chandenier, prie saint Vincent de Paul de l'en remercier par une lettre, il se contente d'écrire au saint à propos de ses missionnaires : « Ils ont enlevé ici tous les cœurs... Recevez-les donc, Monsieur, avec bénédiction et actions de grâces; et ayez, s'il vous plaît, la bonté de les remercier avec moi de l'honneur qu'ils m'ont voulu faire de m'associer à leur compagnie et à une partie de leur travail. Je vous en remercie aussi vous-même; et je vous supplie de prier Dieu qu'après avoir été une fois uni à de si saints ecclésiastiques, je le demeure éternellement, en prenant véritablement leur esprit et profitant de leurs bons exemples. » Le 8 février 1674, déjà évêque depuis cinq ans, il écrit au maréchal de Bellefonds: << Priez pour moi, je vous en conjure. Au reste, une fois pour toutes, ne me parlez jamais de mon innocence, et ne traitez pas de cette sorte le plus indigne des pécheurs; je vous parle ainsi de bonne foi par la seule crainte que j'ai d'ajouter l'hypocrisie à mes autres maux. » Quelques jours plus tard, le 6 avril, il dit au même maréchal : « Je suis bien aise que mes lettres vous aient édifié. Dieu m'a donné cela pour vous; et

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