Sayfadaki görseller
PDF
ePub

VI

Lisez la lettre qu'il écrivait en octobre 1685 à un gentilhomme du diocèse de Meaux, M. de Vrillac, réfugié en Hollande « Autant j'eus de joie, quand M. le baron de la F..., votre parent, me vint dire de votre part que vous vouliez rentrer dans l'Église, autant fus-je surpris et affligé, quand j'appris qu'au lieu d'exécuter ce pieux dessein, vous étiez sorti du royaume. Est-il possible que vous ayez cru qu'on ne peut se sauver dans une Église, où l'on est forcé d'avouer que vos pères se sauvaient avec les nôtres avant votre réformation? » Puis, écartant la controverse, l'excellent prélat ajoute : « Je vous écris seulement pour vous inviter à revenir et à ramener ceux que vous pourrez, même M. le Sueur. Vous me trouverez toujours les bras ouverts et je n'oublierai rien de ce que je pourrai faire pour votre service. Je joins mes prières avec les larmes de Mlle de Vrillac. Vous avez assez donné à vos anciens préjugés; revenez à la pierre dont vous vous êtes séparé... Vous y trouverez l'unité et l'autorité de l'Église universelle... Revenez donc encore une fois, je vous en conjure; je ne cesserai de vous rappeler par mes vœux et par mes prières, étant cordialement et avec l'esprit d'un véritable pasteur, etc. Oui, «< pasteur véritable » : car, sans « se rebuter de la réponse que (M. de Vrillac) a faite à sa première lettre et où Bossuet a << trop reconnu un caractère étranger et un style de ministre pour la lui attribuer », il « continue à lui écrire »: «< Quand elle serait venue de vous, dit-il, je ne cesserais pas pour cela de vous inviter au retour ». Et après avoir répondu à ses objec

[ocr errors]

l'évêque de Meaux invoque le témoignage des protestants convertis de son diocèse, qui peuvent dire s'ils ont subi de sa part aucune contrainte, et il fait cela à la face du monde entier, tant il craint peu d'être démenti.

«Ne jugeons donc pas d'après des opinions courantes, dont l'origine n'est pas très pure voyons les faits et lisons les écrits; et si, après cela, Bossuet ne parait pas le plus patient et le plus charitable des évêques, comme le plus éloquent des orateurs et le plus vigoureux des controversistes, il faudra en chercher le modèle hors de l'espèce humaine »

tions sur la vraie Église, qui ne persécute pas, qui ne fait pas << adorer du pain » et dont l'autorité vivante et parlante peut seule interpréter l'Écriture Sainte, il lui parle « en frère qui cherche à gagner son frère»: « Venez, conclut-il, et assurezvous que je ferai tout pour votre personne, que j'estime et qui m'est chère, et que je suis cordialement, etc. >> Quelle bonté prévenante! Elle n'a d'égale que celle que Bossuet témoigne à la même époque à un juif, converti d'abord, puis retourné à ses erreurs et réfugié en Angleterre : « Quelle nouvelle pour moi que celle de votre sortie hors de l'Église! Dieu m'a voulu humilier; car après ce que vous aviez écrit dans votre dernier ouvrage, je croyais que vous deviendriez un des plus grands défenseurs de notre sainte croyance, et je vous en vois l'ennemi. Mais j'espère que je ne serai pas frustré dans mon attente. Dieu a voulu vous humilier aussi bien que· moi par votre chute, pour vous rendre à son Église plus docile, plus soumis, et par là plus éclairé. Je vis dans cette espérance; et, cependant, en quelque moment que Dieu vous touche le cœur, venez à moi sans rien craindre vous y trouverez un appui très sûr pour toutes choses, un ami, un frère, un père, qui ne vous oubliera jamais et jamais ne cessera de vous rappeler à l'Église par les cris qu'il fera à Dieu. >>

Et voilà l'homme dont on a voulu faire un bourreau! Sa Correspondance nous prouve qu'il n'usa de son crédit, quand il eut été nommé en 1697 conseiller d'État de conscience, que pour faire révoquer les mesures vexatoires prises en 1685 contre les Protestants. Il est l'auteur de la Lettre que M. de Torcy, ministre des affaires étrangères, envoya le 1er novembre 1700 à tous les intendants et à tous les évêques de France: « Comme Sa Majesté a reconnu que les voies d'exhortation et de douceur font souvent plus d'effet que tous les autres moyens, elle croit qu'ils doivent être préférablement employés. Il faut sur toutes choses éviter que personne ne soit forcé d'aller à la Messe. » Pour obtenir cette décision, Bossuet avait lutté plus d'un an contre M. Le Gendre, intendant de Montauban, contre M. de Lamoignon de Basville, intendant du Languedoc, et contre tous les évêques du midi, en particulier Fléchier, évêque de Nîmes, de La Broue, évêque de Mirepoix, et ceux de

་་

Montauban et de Rieux. Les lettres de Bossuet à cette occasion lui font le plus grand honneur. Bayle écrivait, en septembre 1688, dans les Nouvelles de la République des Lettres : << Personne ne paraît en France avoir plus à cœur un retour de bonne foi des Protestants à la Communion romaine que M. l'évêque de Meaux ». Basnage, qui le réfutait en 1690, rendait un éclatant hommage à la douceur apostolique de Bossuet. Le protestant Le Vassor n'en parlait en 1698 (Traité des différends de la Religion) qu'en termes pleins de déférence. Enfin, la douceur de Bossuet pour les « frères errants »> paraissait à ses collègues dans l'épiscopat un peu scandaleuse et même très pernicieuse, comme cela ressort des lettres de Basville et surtout d'une lettre du P. de La Rue à M. de Meaux, 17 janvier 1701, si bien que Bossuet s'en défend avec fermeté dans sa lettre du 21 novembre 1700 à M. de Basville.

N'y a-t-il pas là de quoi le justifier amplement devant la postérité de toutes les accusations formulées contre lui par les Huguenots contemporains, les libres penseurs sectaires, comme Victor Hugo, et même quelques catholiques, qui oublient que ce prétendu « dictateur doctrinal », cet évêque « intolérant, dur, brutal », comme on ose l'écrire, fut de beaucoup le plus libéral des évêques de son temps, qui lui reprochaient sa modération? (1)

Que dire maintenant de la douceur et de la bonté de Bossuet pour ses prêtres qui l'adoraient, comme le prouvent les Notes de Raveneau, curé de Saint-Jean-les-Deux-Jumeaux? - Les lettres adressées par l'illustre prélat à Phelippeaux, son vicaire général, à l'abbé de Saint-André, curé de Vareddes et vicaire général, sont pleines d'une délicate cordialité, comme celle que Bossuet écrit le 3 août 1696, à M. Pastel, docteur en Sorbonne, dont le frère était aussi vicaire général de Meaux : « M. votre frère, lui dit-il, continue toujours à honorer son ministère, et c'est l'exemple de notre Église ». A plusieurs reprises, il prie son neveu, l'abbé Bossuet, d'avoir toute sorte d'égards pour Phelippeaux, qui s'occupait à Rome de l'affaire

(1) Voir ce qui a été dit plus haut, dans Victor Hugo contre Bossuet, à propos des Mémoires publiés en partie par M. J. Lemoine.

[merged small][ocr errors]

-

du Quiétisme. L'abbé Phelippeaux et l'abbé de Saint-André ont bien rendu à Bossuet son affection, l'un par la Relation sur le Quiétisme, 1732, l'autre par l'édifiante Relation de la sainte mort du grand évêque. Sa bénignité d'administration se fit voir surtout en 1700, lorsque Bossuet « voulut tout assoupir doucement », à propos du sieur Drouin, bibliothécaire du collège de Navarre, que sa conduite fit chasser, et à propos de deux pauvres prêtres de son diocèse, les curés de Mareuil et d'Ussy, oublieux de leurs devoirs et condamnés au bannissement par le présidial de Meaux et le Parlement de Paris: l'évêque n'osait pas sévir contre eux de peur de compromettre sa réputation de « douceur » et il fit au curé de Mareuil une pension de 300 livres, « pour arrêter ses chicanes » (1). Rien de plus touchant que la dernière lettre qu'il a dictée pour son clergé, le 4 septembre 1700: « La peine que je ressens de ne pas voir, cette année, mes chers confrères messieurs les doyens, pour apprendre d'eux, selon la coutume, l'état du diocèse, et de ne pouvoir non plus tenir le saint synode, ne peut être réparée, mon cher neveu, que par le soin que vous prendrez de me donner de leurs nouvelles et de leur apprendre des miennes. De ma part, vous leur pouvez dire que Dieu me comble de grâces, même selon le corps, non seulement en m'exemptant de toutes douleurs, mais encore en semblant vouloir tous les jours réparer mes forces par la bénédiction qu'il donne aux remèdes. De leur part, ma consolation sera d'apprendre qu'ils marchent dans la voie de la vérité, et qu'ils accomplissent leur ministère. » Ainsi dicté de mot à mot. Et plus bas, de la main de Bossuet : La paix de Jésus-Christ soit avec vous tous, mes frères.

† J. BÉNIGNE, évêque de Meaux.

On comprend donc qu'avant même que le P. de La Rue exaltåt le 23 juillet 1704, la « bénignité » de Bossuet, dans son Oraison funèbre, l'abbé Cordelier, curé du Fresnoi, ait prononcé, le 3 mai 1704, un Éloge de l'illustre défunt, devant tous les curés de la conférence à Nanteuil-le-Haudoin, et pris pour

(1) Le Dieu, Journal, I, p. 171.

[ocr errors]

texte ces paroles significatives: « In fide et lenitate ipsius sanctum fecit illum. Il l'a rendu saint dans sa foi et sa mansuétude. » Il disait, d'ailleurs : « M. de Meaux surmontait l'envie par son humilité, tempérait la gravité de ses mœurs par la douceur et la gaieté de son visage. » L'abbé Anselme le représentait, en 1718, «< comme un lion qui déconcerte l'hérésie » et comme « un agneau partout ailleurs, qui par sa douceur prévient l'esprit et gagne le cœur par sa modestie ».

Il faut opposer invinciblement ces témoignages contemporains, confirmés par les Lettres de Bossuet, à tous ceux qui nous parlent de sa «< raideur », de son « âpreté », de sa «< rudesse » superbe et hautaine contre Fénelon. Il écrivait à Mme d'Albert de Luynes, le 6 septembre 1697, à propos de son frère le duc de Chevreuse, tout à fait engagé dans le parti de Fénelon : « Si (M. de Chevreuse) vous parle de mes prétendus emportements, qui ont servi de prétexte (à M. de Cambrai pour refuser si obstinément de conférer avec moi), niez-lui hardiment que j'en sois capable, et assurez-le, sans hésiter, que, par la grâce de Dieu, je sais garder toutes les mesures de respect et de bienséance dans des conférences sérieuses. Après tout, je suis toujours ce que j'étais, aussi tendre pour les personnes qu'inflexible contre la doctrine ».

N'oublions pas que, dans la querelle du Quiétisme, d'après Bossuet, comme d'après l'abbé de Rancé, le cardinal Le Camus et le prieur de la Grande Chartreuse, « il y allait de tout pour la religion, pour l'Évangile et pour l'Église ».

N'oublions pas surtout que Bossuet recommande sans cesse à son neveu la modération, la prudence, la charit vis-à-vis de Fénelon. « Ne parlez au Pape que dans la nécessité... Contentez-vous d'écouter (1). >> << Il semble que vous l'avez pris d'un ton un peu haut et que vous devez le baisser. » Il faut << nous montrer les plus sages » (2). <<< Il faut, le moins qu'on pourra, rendre suspect et odieux notre ministère;... ne se point montrer difficile, ni pointilleux (3). » « Ne faites point d'éclat. Vous ne sauriez trop vous rendre en toutes manières irrépré

(1) Lettre du 23 décembre 1697. (2) Lettre du 30 décembre 1697. (3) Lettre du 27 janvier 1698.

« ÖncekiDevam »