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rapport des lois des Douze Tables avec celles de Solon (1) quelques omissions, comme l'oubli des Phéniciens, des arts de la Grèce, sur lesquels il n'y a qu'un mot, à propos de ces «< incomparables statues », 1, 9o époque, un peu trop de confiance en la chronologie d'Usher, en Diodore de Sicile, sur l'ancienne Égypte, en Xénophon sur le compte de Cyrus, en la Chronique de Paros sur la Grèce primitive, en Tite-Live sur les origines de Rome, en Eusèbe et Lactance sur la fin de l'Empire d'Occident. Mais ne sont-ce pas là les défauts de la science historique du temps de Bossuet plutôt que de Bossuet luimême? Il ne pouvait pourtant pas deviner les découvertes des modernes orientalistes, des Champollion et des Mariette en Égypte, des Dieulafoy en Assyrie. A-t-on le droit de lui reprocher décemment de n'avoir lu ni Curtius, ni Mommsen, ni leurs récents travaux sur la Grèce et sur Rome? Il faut plutôt se féliciter de cette curiosité toujours en éveil, qui lui faisait appeler de ses vœux la découverte des « beautés de la Thébaïde ».

D'ailleurs, comme le dit très bien M. Jacquinet, « tout le travail d'informations positives ou de savantes conjectures qui, depuis Bossuet, a renouvelé l'histoire des civilisations égyptienne, grecque, romaine, n'a fait en réalité que multiplier les preuves à l'appui de ces grandes vues, qu'il a le premier saisies et fixées dans son langage immortel ».

<«< Mais, dit-on, n'est-il pas étrange de faire converger vers un seul but toutes les données de l'histoire et de les rapporter à l'établissement du christianisme? « — Non, certes car chaque fait conserve dans Bossuet sa physionomie propre et ses vraies conséquences: La Providence laisse à l'homme sa liberté pleine et entière, et les empires se meuvent sous l'influence des intérêts et des passions qui les agitent. Quant à l'établissement du christianisme, on ne saurait nier qu'il est le plus grand fait de l'histoire de l'humanité. Pourquoi, dès lors, ne pas vouloir que Dieu se soit servi du monde ancien pour préparer l'avènement de Jésus-Christ, centre véritable, principe et fin de toutes choses? « Jésus-Christ attendu, Jésus

(1) Jacquinet, pp. 75 et 552.

Christ donné », c'est toute l'histoire humaine pour quiconque a la foi. Sans doute, le christianisme n'a pas encore conquis la moitié de l'humanité, et sur 1.500 millions d'habitants que compte le globe, il n'y a que 500 millions de chrétiens, catholiques ou dissidents. Mais le christianisme n'est point fait pour certains temps et pour certains lieux : il est par essence universel, et ceux même qui résisteraient à la foi ne peuvent nier qu'elle ait été prêchée et pratiquée sous toutes les latitudes et dans tous les siècles. Que tous les hommes ne s'y soumettent pas, c'est naturel, étant données les passions que contrarie le christianisme; mais qui peut affirmer qu'un jour ne viendra point où tous les hommes accepteront l'Évangile? Qui peut soutenir, comme le remarque de Maistre, que nous ne soyons pas encore aux premiers temps de l'Église?

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Mais, dit-on encore, n'est-ce pas compromettre la croyance au libre arbitre que de soutenir comme Bossuet, après saint Augustin, que « Dieu seul sait tout réduire à sa volonté » et qu'il n'y a pas de puissance humaine qui ne serve, malgré elle, à d'autres desseins que ceux qu'elle se propose?

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Bossuet a répondu à cette objection dans son Traité du libre arbitre : « Pour Dieu, vouloir, c'est faire. » Les choses sont, parce qu'il veut qu'elles soient; elles sont telles, parce qu'il veut qu'elles soient telles. Les hommes sont libres, parce qu'il veut qu'ils soient libres. « Lui ôter le gouvernement des êtres raisonnables, ce serait lui ôter le gouvernement de ce qu'il y a de meilleur dans le monde. » Et puis, n'est-il pas «la cause première de tout ce qui est, en quelque manière qu'il soit », des actes libres comme de tous les autres? « L'homme s'agite et Dieu le mène », dit Fénelon. Comment? c'est le secret de l'Infini; mais ce secret n'enlève rien à la réalité du fait providentiel. M. Jules Simon, dans le Dictionnaire des sciences philosophiques, pense que Bossuet a su se tenir toujours dans le vrai. « Il ne voulait ni livrer l'homme à sa propre intelligence, ni le courber sous un joug qui rendrait son intelligence inutile, ni lui donner cette liberté d'action qui isole ses destinées de celles de l'univers et qui le rend indifférent à son Dieu, ni le réduire à la condition des

êtres aveugles et sourds qui subissent la loi de la Providence et concourent à ses desseins sans la comprendre. » - D'ailleurs, est-ce que Bossuet ne sait pas faire leur part aux causes humaines, tout en rapportant l'histoire païenne et et l'histoire sacrée à un seul fait, l'avènement de Jésus-Christ? Incidents particuliers, organisation sociale des peuples, conditions physiques de climat et de tempérament, influences d'ordre intellectuel et moral, suite des événements: rien ne lui échappe. « Les grands hommes, dit-il, se font les uns les autres, et si Rome en a plus porté qu'aucune autre ville qui eût été avant elle, ce n'a pas été par hasard; mais c'est que l'État romain, constitué de la manière que nous avons vu, était, pour ainsi parler, du tempérament le plus fécond en héros (111, 7). » En somme, Bossuet «< ouvre son histoire et il la conclut en chrétien; dans l'intervalle, il se borne à la faire en savant (1) ».

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Mais, dit-on enfin, les cadres où se meut l'humanité sont plus vastes que ceux où Bossuet l'enferme : il manque à sa prétendue histoire universelle l'histoire de plus des deux tiers de l'humanité, l'histoire de la Chine, celle de l'Inde, du Japon, de l'Amérique, et c'est vraiment une conception trop étroite que celle qui subordonne les empires anciens à une nation, les Juifs, «< ce misérable peuple, dit Voltaire, rebut du monde et s'en croyant le centre ». A cette objection ont répondu Robert Fluit dans sa Philosophie de l'histoire, Nisard et Renan lui-même, comme M. Brunetière l'a fait remarquer à plusieurs reprises, dans son article Bossuet de la Grande Encyclopédie, dans la Philosophie de Bossuet, Études critiques, vi, et naguère encore dans son Discours de Besançon, où il disait avec une ironie mordante :

« Assurément, Bossuet aurait pu parler de l'Océanie; malheureusement, à l'époque où il écrivait son Discours, elle n'était pas encore découverte; cela l'excuse peut-être un peu.

«Il est vrai qu'il n'a pas parlé davantage de l'Amérique; mais c'est aux environs de 1492 que l'Amérique fut découverte et son Discours sur l'Histoire universelle s'arrête aux er

(1) Rébelliau, p. 134.

virons de l'an 800. Il était difficile d'y faire entrer l'histoire de l'Amérique.

La Perse et la

<< Mais l'Afrique et l'Asie? direz-vous. Syrie tiennent assez de place dans le Discours sur l'Histoire universelle et on ne saurait nier que ces empires fissent partie de l'Asie. Et l'Égypte qui tient tout un chapitre, n'est-elle donc plus en Afrique?

« Un écrivain a reproché à Bossuet de n'avoir pas parlé des Arabes et du mahométisme. Peut-être cet écrivain auraitil bien fait de lire la dernière phrase et la dernière ligne du Discours sur l'Histoire universelle; il y aurait lu que l'écrivain remettait à un autre discours de parler de Mahomet et de

ses successeurs.

« Vous voyez, conclut M. Brunetière, ce que valent les reproches adressés au Discours sur l'Histoire universelle.

& Et puis, qu'est-ce que les pages qui lui manquent auraient ajouté à l'histoire de la civilisation qui est l'objet du Discours sur l'Histoire universelle? Rien du tout.

<«< C'est ici que nous revenons à la manière de Bossuet de simplifier les questions. Dans son Discours sur l'Histoire universelle, il va ainsi au cœur de la question : « Toute l'histoire du monde est coordonnée par la Providence pour arriver à la fondation de l'Empire romain sur les ruines de tous les autres empires, et à l'unité de la Religion par l'unité de l'Empire. >>

Celui qui s'est trouvé bien malgré lui obligé de rendre justice à Bossuet, c'est Renan, qui a fait cet aveu qu'il n'y avait au monde que trois histoires dignes d'intérêt la juive, la grecque et la romaine. Bossuet, avec sa manière d'aller au centre des questions, Bossuet l'avait dit avant lui et c'est pour cette raison qu'il avait coordonné son Histoire universelle comme nous le savons. >>

Pour conclure, il faut ajouter que le Discours sur l'Histoire universelle conserve une vraie valeur « scientifique »; qu'il renferme des jugements pénétrants sur le monde antique, des mots profonds et originaux qui résument tout un ensemble de faits sous-entendus, enfin des observations dont on n'a, depuis Bossuet, « dépassé ni la justesse ni la profondeur ».

« Bossuet, dit Chateaubriand, est plus qu'un historien; c'est un Père de l'Église, c'est une, prêtre inspiré, qui a souvent le rayon de feu sur le front, comme le législateur des Hébreux. Quelle revue il fait de la terre! » Saint-Marc Girardin développe admirablement cette dernière idée : « Quelle admirable revue de tous les peuples! s'écrie-t-il. Comme ils viennent tour à tour devant Bossuet témoigner de leur faiblesse et avouer que Dieu seul est grand! C'est en vain qu'ils veulent s'arrêter et faire halte; il faut marcher, il faut courir. Bossuet pousse les uns sur les autres les siècles et les empires. Marche! marche! dit-il à l'Égypte, et le trône majestueux des Pharaons, et ce sacerdoce imposant, et ce peuple grave et sérieux disparaît bientôt. Marche! marche! dit-il à la Grèce, et ces républiques turbulentes, cette nation de poètes et d'orateurs, avec tous ses chefs-d'œuvre et tous ses trophées, va se perdre dans le gouffre de la puissance romaine. - Marche! Marche! dit-il à Rome elle-même, et ce peuple invincible, qui sert d'instrument aux desseins de Dieu, sera à son tour effacé de la terre, qu'il n'aura conquise que pour Jésus-Christ; son aigle, qui croyait voler au gré de la politique du Sénat, est forcé de reconnaître que son vol était tracé et qu'elle a suivi le doigt de Dieu plutôt que l'ambition des Sylla et des Pompée. Ainsi, Dieu est partout: il change et renouvelle à son gré la figure du monde; et, à la voix de Bossuet, l'antiquité semble se réveiller du tombeau pour s'entendre révéler ce Dieu inconnu qui présidait à ses destinées et qui est le seul qu'elle n'ait point adoré. »>

IV

Mais le Discours sur l'Histoire universelle est moins un ouvrage d'histoire que de philosophie de l'histoire, où il s'agit de faire voir «< ces coups dont le contre-coup porte si loin » et de << remarquer dans chaque temps ces secrètes dispositions qui ont préparé les grands changements et les conjonctures importantes qui les ont fait arriver ». Tout autre est la Conférence avec M. Claude, pur récit historique, écrit par Bossuet,

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