Sayfadaki görseller
PDF
ePub

du xvII° siècle, en France et en Europe. Il est le continuateur des Thucydide et des Polybe, des Salluste et des Tacite, qu'il égale et surpasse même en vigueur et profondeur dans l'analyse psychologique et morale des grands événements du monde et des hommes qui les ont préparés. Il est, bien plus que Voltaire et Montesquieu, le véritable précurseur de nos historiens du XIXe siècle, Chateaubriand, Augustin Thierry, Michelet, Guizot, Thiers et M. le duc de Broglie. Il les a de vancés, sinon dans leur style pittoresque, éminemment suggestif, du moins dans leur méthode scientifique, dans la recherche, le choix et l'interprétation des documents originaux, comme aussi dans l'art d'évoquer, de ressusciter le passé par la couleur locale dont il revêt les personnes et les choses, par les portraits en pied qu'il nous a laissés de tant d'hommes du xvi et du XVII° siècles, et par le charme d'un récit sur lequel il a jeté, comme en se jouant, la simplicité et la magnificence du plus grand style de notre langue française.

7 juin 1900.

VIII

Le dernier historien de Bossuet.

C'est dans la Collection des Grands Ecrivains français que vient de paraître la dernière étude d'ensemble sur Bossuet.

Les admirateurs de l'illustre prélat, magnifiquement glorifié par Léon XIII, dans sa Lettre du 4 décembre 1898 au cardinal Perraud, puis dans sa Lettre du 8 septembre 1899 au Clergé de France, et dont le second centenaire, en 1904, doit être marqué par l'érection d'un monument digne enfin de « l'aigle de Meaux », attendaient avec impatience cette publication.

Ils espéraient que le portrait définitif du plus grand de nos écrivains serait signé du nom de M. Brunetière, l'éminent critique qui, après avoir tant et si bien écrit sur Bossuet, aurait fixé, dans une étude dernière, plus complète, plus achevée que les précédentes, plus imprégnée surtout de l'esprit catholique vers lequel il a su marcher à grands pas, grâce à « ce qu'on apprend à l'école de Bossuet » (1), les traits immortels de celui dont il a parlé, le 30 janvier 1900, à Rome, devant un des plus beaux auditoires (2) que puisse rêver un orateur de son envergure.

A défaut de M. Brunetière, M. Crouslé, le savant et distingué professeur de la Sorbonne, l'auteur de Fénelon et Bossuet,

(1) C'est le titre de la conférence donnée par M. Brunetière à Besançon, le 25 mars 1900.

(2) Il y avait dix cardinaux, entre autres le cardinal Mathieu, un grand nombre de prélats et parmi eux Ms Touchet, évêque d'Orléans, les membres des ambassades de France au Vatican et au Quirinal, en tout un millier de personnes, l'élite de la société romaine.

semblait indiqué pour faire le portrait d'un homme qu'il a très bien apprécié, dans l'histoire de la querelle si délicate et si complexe du Quiétisme.

M. l'abbé Lebarq, qui connaissait Bossuet mieux que personne en France, étant, hélas! mort à la peine, après avoir perdu la vue pour nous donner l'édition définitive des Œuvres oratoires de l'évêque de Meaux, on s'est adressé, pour peindre Bossuet, à l'un de ceux qui, dans ces derniers temps, en avait le mieux parlé, M. Rébelliau, ancien professeur de l'Université de Rennes, actuellement bibliothécaire à l'Institut. Sa thèse remarquable, Bossuet historien du protestantisme, 1891, et l'excellent article Bossuet de la grande Histoire de la langue et de la littérature française de M. Petit de Julleville, le désignaient, en quelque sorte, au choix des personnes chargées de mener à bonne fin la Collection entreprise par M. Jusserand et la maison Hachette.

Le Bossuet de M. Rébelliau pouvait être digne de figurer à côté de petits chefs-d'œuvre comme Madame de Sévigné et Saint-Simon de M. Gaston Boissier, George Sand de M. Caro. Madame de La Fayette et Lacordaire de M. le comte d'Haussonville, Racine de M. Larroumet, Boileau et Corneille de M. Lanson, Marivaux de M. Gaston Deschamps et Flaubert de M. Faguet.

M. Rébelliau fait connaître Bossuet par des traits souvent justes il y a telles pages de son livre sur l'Orateur, sur la Morale dans la prédication de Bossuet, chapitres II et ш, sur Bossuet historien, chapitre vi, qui semblent bien près de contenir le dernier mot de la critique et dont il faut chaleureusement féliciter l'auteur.

Cela veut-il dire que M. Rébelliau, qu'ont loué sans restriction les Débats, le Correspondant du 25 décembre, le Bulletin des Facultés catholiques de Toulouse, la Revue de Louvain, les Études des PP. Jésuites (1), et même la Revue Bossuet, qui prévoit pourtant que «< certains bossuétistes seront fàchés », satisfera tous les amis sincères de Bossuet?

Il n'a certainement pas cette prétention. D'ailleurs, depuis

(1) 20 novembre 1900.

que cette étude sur le dernier historien de Bossuet a paru dans la Revue de Lille et dans une brochure tirée à part, M. Alfred Baudrillart, l'un des éniments directeurs du Bulletin critique, a consacré un long article de 9 à 10 pages (25 octobre 1900), à relever, comme je le fais moi-même, ce qu'il y a de défectueux dans le livre de M. Rebelliau. Il y trouve « un art si délicat », mais aussi une « thèse » étrange sur deux périodes de la vie de Bossuet, l'une de progrès, l'autre de décadence: elle « a quelque peu scandalisé », « ou plutôt il en est, même parmi les esprits les plus distingués, qu'elle a surpris et choqués. D'un mot, on accuse M. Rébelliau d'avoir rapetissé Bossuet. Ce livre, je l'avoue, ne me paraît pas donner une idée tout à fait adéquate de la grandeur de Bossuet ».

>>

Me voilà donc en compagnie « des esprits les plus distingués », et M. Baudrillart en est un, pour regretter que le Bossuet de M. Rébelliau ne soit pas le vrai Bossuet.

L'œuvre de M. de Meaux est si étendue, si large, si compréhensive que, pour en faire le tour, il faut bien du temps, du travail et des connaissances, non seulement historiques et littéraires, mais encore théologiques, mystiques, canoniques, exégétiques, que tout le monde ne peut pas avoir dans l'Université de l'État, où l'on ne cultive guère les branches de la science ecclésiastique, que Bossuet possédait éminemment.

Il ne s'agit ici ni de « panégyrique à outrance », ni de « dithyrambes» (1) en l'honneur de Bossuet. Il s'agit de la vérité pure, qu'on peut méconnaître de la meilleure bonne foi du monde.

On ne s'étonnera donc pas, je l'espère, que, tout en payant un légitime tribut d'éloges au talent, à l'art, à la compétence de M. Rébelliau, je signale, à la suite, d'ailleurs, de M. Brunetière, dans la partie bibliographique de la Revue des DeuxMondes, 1er janvier 1900,- quelques inexactitudes et quelques lacunes dans son travail, à propos d'abord de la vie de Bossuet, puis de ses œuvres, enfin de son caractère.

(1) Revue Bossuet, 25 janvier, p. 61.

I

M. Rébelliau ne raconte pas tout d'un trait la vie de M. de Meaux, comme M. Lanson l'a fait pour Corneille, Boileau, Bossuet lui-même, 1891, M. Larroumet pour Racine, M. Faguet et la plupart des critiques pour les auteurs qu'ils ont voulu juger. Il s'en tient à la méthode suivie par Le Dieu, dans ses Mémoires, écrits immédiatement après la mort de Bossuet et où l'on sent encore l'influence du manteau d'Élie et du grand évêque; par Levesque de Burigny, dans sa Vie de M. Bossuet, en 1761; par le cardinal de Bausset, dans son Histoire de Bossuet, 1814; et par Floquet, dans ses savantes Études sur la vie de Bossuet, 1855, et Bossuet précepteur du Dauphin, 1864. Cette méthode consiste à rendre compte des œuvres en même temps qu'on expose les circonstances dans lesquelles elles furent composées. Comme les écrits de Bossuet sont tous « des actes » et s'expliquent par sa vie ellemême, il n'y a certainement pas lieu de reprocher à M. Rébelliau le choix d'une méthode dont il était le maître et que, d'ailleurs, il serait injuste d'apprécier autrement que par l'emploi qu'il en a su faire.

Rien de plus exact, de plus juste que ce qu'il dit sur la famille Bossuet, sur les ancêtres, drapiers à Seurre, anoblis en 1517 avec armoiries « portant d'azur à trois roues d'or », au lieu de la vieille devise: Bois bossu est bon; sur les excellents parlementaires, issus de cette noblesse de robe et devenus maires de Dijon, comme le grand-père et l'oncle du grand Bossuet, ou échevin et avocat des droits municipaux de la ville à Paris, comme son père Bénigne, en attendant qu'il fùt conseiller au Parlement de Metz. M. Rébelliau met parfaitement en relief les traits caractéristiques d'une famille, où dominaient la vie laborieuse, l'attachement à la royauté nationale, pendant la Fronde comme pendant la Ligue, et surtout le sentiment religieux, puisqu'un des oncles du futur évêque de Meaux, « une de ses tantes, son frère aîné, l'une de ses sœurs entrèrent en religion, et son père lui-même, quand il fut veuf, prit les ordres mineurs et mourut diacre » :

« ÖncekiDevam »