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tirs du grand homme. » De tout cela, M. Rébelliau ne dit absolument rien, comme il ne dit rien des Commentaires latins de Bossuet sur l'Écriture Sainte: Commentaires sur les Psaumes, parus en 1691, avec une Dissertation préliminaire de toute beauté, le chef-d'œuvre de la critique au XVIIe siècle, d'après le P. Longhaye; Commentaires sur les Cantiques de l'Ancien et du Nouveau Testament, 1691; Supplément aux Psaumes, Supplenda in Psalmos, 1693; Commentaires sur les livres de Salomon les Proverbes, l'Ecclésiaste, le Cantique des Cantiques, à propos duquel Bossuet a écrit des choses délicieuses et sublimes, la Sagesse, l'Ecclésiastique, 1693; le De Excidio Babylonis, 1701-1702; l'Explication de la prophétie d'Isaïe sur l'enfantement de la sainte Vierge et du Psaume XXI, 1704. Ainsi sont passés sous silence presque tous les travaux de Bossuet sur cette Écriture Sainte, qu'il voulait commenter tout entière, comme en fait foi le privilège qui lui fut accordé en 1689 : Notas in universam Sacram Scripturam, et dont il disait à son clergé de Meaux que « son vœu suprême était de vieillir et de mourir sur ces livres : In his senescere, in his immori summa votorum est ». Ce vœu fut réalisé, puisque l'abbé de Saint-André nous dit de Bossuet mourant : « Il continuait tous les jours la lecture de l'Écriture Sainte; je lui ai lu jusqu'à cent fois un même chapitre, tant il y trouvait de consolation... Surtout la prière du Seigneur avant la Cène, en saint Jean, chapitre XVII, animait beaucoup sa piété. » Et quand vint le dernier jour, ou plutôt la dernière nuit, le 12 avril 1704, à 4 heures du matin : « Je lui lus distinctement quelques passages de l'Écriture, rapportés dans le rituel de Paris et qui sont très propres à l'état où il se trouvait, et un peu avant quatre heures et demie, il poussa deux ou trois soupirs assez légers, avec lesquels il rendit sa sainte âme à Dieu, sans agonie et sans aucune convulsion. Grande âme de Bossuet, nourrie de la Bible, saintement passionnée pour la Bible et quittant la terre aux accents de la Bible, vous connaît-on et vous a-t-on fait connaître, quand on ne dit pas un mot de vos travaux sur la Bible, qui ont été les plus chers de votre vie sacerdotale et épiscopale?

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Une autre lacune presque aussi regrettable dans le Bossuet

de M. Rébelliau, c'est celle qui concerne les Lettres de Bossuet, Lettres de direction et Lettres diverses. Sans doute, M. Rébelliau les connaît; il les cite même parfois fort à propos. Mais il fallait une étude d'ensemble sur ces Lettres, qui forment cinq gros volumes de l'édition Lachat, xxvi-xxx, et qui, si elles ne nous donnent pas autre chose que ce qui est dans le reste des OEuvres de Bossuet, « un style plein, serré, illuminé d'images saisissantes, imprégné d'émotion ardente ou tendre, et par-dessus tout juste et naturel jusque dans le sublime » (1), sont «< une révélation en un sens la plus précieuse de toutes »>, parce qu'elles nous confirment dans la conviction de «< la parfaite unité et de l'absolue sincérité de l'œuvre, comme le dit très bien M. Lanson, et de la vie de Bossuet... Toutes les accusations qu'on a portées contre lui et qu'une étude approfondie des autres œuvres parviendrait à détruire, tombent plus facilement à la lecture des Lettres. >> En effet, « il n'y a pas trace d'une idée personnelle; il n'y a pas un mot qui n'ait en vue le service de Dieu et l'utilité du prochain ». On y voit que Bossuet n'était ni complaisant ni flatteur pour le roi, ni dur ni âpre pour Fénelon. Toute sa Correspondance « est là pour témoigner quelle àme tendre c'était », quelle sympathie il éprouvait pour les faiblesses humaines, et avec quel bon sens suprême il réglait tout. La thèse de M. l'abbé Bellon, Bossuet directeur de conscience, sans parler de ce que j'ai écrit moimême à ce sujet (2), pouvait au moins fournir à M. Rébelliau les indications nécessaires pour mettre en relief l'excellence d'une direction, qui n'était ni impérieuse, ni autoritaire, ni enveloppante, mais qui, par un libéralisme aussi rare que précieux, ne tendait qu'à se rendre inutile, en donnant à l'âme dirigée les moyens de se suffire à elle-même. Il y a là tout un côté de Bossuet trop peu connu et d'autant plus digne de l'être pourquoi M. Rébelliau n'a-t-il pas voulu le mettre en lumière avec plus de soin qu'il ne l'a fait?

On permettra bien, je l'espère, à l'auteur de Bossuet et les saints Pères de regretter que M. Rébelliau ait si peu insisté sur

(1) Lanson, Choix de Lettres du xvn siècle, p. 393.

(2) Voir Autour de Bossuet, I.

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ce que Bossuet orateur, Bossuet exégète, Bossuet auteur ascétique, Bossuet historien, Bossuet philosophe et politique, Bossuet théologien et polémiste, a dû, pour le fond et la forme, soit aux Pères latins, Tertullien, saint Augustin et saint Bernard, soit aux Pères grecs, saint Chrysostome, saint Basile, saint Grégoire de Nysse, saint Grégoire de Nazianze. N'en parler qu'à propos de l'éloquence de Bossuet, n'est-ce pas oublier toutes les œuvres de ce prélat qui ne sont pas oratoires et qui montrent jusqu'à l'évidence que, s'il était l'homme de la Bible, il était aussi l'homme de la tradition, la tradition faite homme, et «< comme une encyclopédie de tous les Pères », ainsi que le lui écrivait le Père Campioni, en septembre 1698? C'est pour n'avoir pas compris suffisamment le caractère traditionnel et patrologique de la doctrine de Bossuet que M. Rébelliau n'a presque rien dit de la polémique du grand évêque contre l'abbé Ellies Dupin et sa Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques. Il a même dénaturé le sens de la polémique entre M. de Meaux et Richard Simon, à propos duquel le grand évêque commença en 1693 et laissa inachevée en 1704 la Défense de la tradition et des saints Pères, l'un de ses plus savants, de ses plus beaux, de ses plus remarquables chefs-d'œuvre, malheureusement aussi l'un des plus inconnus. Raison de plus, aux yeux d'un historien de Bossuet, pour analyser longuement les deux parties de cet ouvrage : la première où il se propose « de découvrir les erreurs expresses de Richard Simon sur les matières de la tradition et de l'Église, et le mépris qu'il a pour les Pères, avec les moyens indirects par lesquels, en affaiblissant la foi de la Trinité et de l'Incarnation, il met en honneur les ennemis de ces mystères »; la seconde, où sont expliquées << en particulier les erreurs qui regardent le péché originel et la grâce, parce que c'est à ces mystères que Simon s'est particulièrement attaché ».

« Des aperçus sublimes sur le plus redoutable des mystères de la foi, des envolées superbes vers les régions inaccessibles de l'infini, des clartés souveraines répandues de haut sur des matières obscures et profondes, et, avec cela, une langue précise et vigoureuse que, seul, Bossuet a su parler; une élo

quence tantôt vive et entraînante, comme le chant du clairon qui sonne la charge, dans une lutte «< où il y va de tout pour la religion », tantôt large et abondante, comme les eaux « d'un fleuve majestueux et bienfaisant »; une ironie toute cornélienne et à la Nicomède contre la malignité d'une critique téméraire et chicaneuse, et parfois une indignation à la Pascal contre «< cet amas d'impiétés », cet «< insolent libertinage », cette «< indifférence des religions », qui sont la folie du siècle << et qui s'étalent dans les critiques de Richard Simon, enfin contre la prétention outrecuidante de « subtils grammairiens », qui croient que «< tout consiste à savoir beaude grec» voilà ce que nous offre (1) cet ouvrage simple et profond, érudit et ingénieux, persuasif et puissant.

coup

Si M. Rébelliau s'était bien pénétré de cette Défense, il ne parlerait pas, p. 180, de « la nécessité d'un divorce de la religion et de la science » qui « s'imposait » à Bossuet, dans une polémique où il faisait preuve plus que jamais et d'une << religion » et d'une « science » étroitement unies. Il ne ferait pas dire à Bossuet que « saint Augustin, sans hébreu, a tout vu et tout su; que l'étude de la Bible se réduit à la connaissance des saints Pères »; que la tradition tient lieu de tout, alors que Bossuet dit simplement avec l'Église catholique : «< Pas de nouveautés en dehors de la Tradition. Nihil innovetur nisi quod traditum est. Vous avez contre vous, non pas seulement saint Augustin, mais le consentement unanime des Pères : vous êtes nécessairement dans l'erreur. La tradition de l'Église et des saints Pères tient lieu de tout à ceux qui la savent, pour établir parfaitement le fond de la religion ». C'est là ce qui sépare des protestants, qui n'admettent d'autre autorité que celle de la Bible, les catholiques, qui reconnaissent deux sources de vérité, la Bible et la Tradition. Bossuet parle comme tous les vrais catholiques et il n'est, quoi qu'en dise M. Rébelliau, ni <«<le proscripteur ou l'étouffeur de toute histoire et de toute connaissance », ni le partisan «< d'une réaction vers la tyrannie, pour le silence et les ténèbres (2) », pour l'histoire

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(1) Voir Bossuet et les Saints Pères, p. 646-47. (2) Page 181.

et l'exégèse « bâillonnées» (!!). Ces injures gratuites contre Bossuet et ses « draconiennes étroitesses » ne retombent-elles pas sur celui qui se les permet dans son protestantisme inconscient?

Même pour les parties de l'œuvre de Bossuet qu'analyse M. Rébelliau, il n'est pas un guide toujours sûr.

Ainsi, par exemple, il parle en termes excellents de l'éloquence de Bossuet, qui « a tout ou presque tout de l'orateur idéal» « l'abondance », l'imagination du « poète » qui « vivifie» les choses, surtout « le besoin de se mettre et de se tenir en contact avec son public », et au lieu de la parole impérieuse d'un « pontife de l'ancienne loi », qu'on lui prête à tort, « une sorte de déférence prévenante et toute modeste pour les hommes qui l'écoutent » et auxquels « il parle en ami ». Mais s'il était juste de faire ressortir les défauts du jeune orateur de Metz: « excès d'idées », « excès de dialectique », « excès de couleurs », ce que Chateaubriand appelle si bien »> l'écume au mors du jeune coursier », il était nécessaire de remarquer qu'avec cette fougue de la jeunesse et ces inégalités d'un style parfois de mauvais goût, Bossuet avait déjà des qualités oratoires incomparables, un feu singulier, un élan merveilleux, l'onction d'un cœur inspiré par le zèle le plus ardent, «< la première sève de l'enthousiasme créateur »>, une familiarité hardie, un pathétique ingénu, une verve soudaine aux brusques saillies, qui font qu'on se demande si jamais Bossuet fut plus merveilleusement orateur qu'à l'époque du Panegyrique de saint Bernard, 1653, et du Panégyrique de saint Paul, 1657. Il se surpassa, pourtant, dans ses Sermons de Paris, 1659-1670, mais sans qu'il faille dire, avec Gandar et M. Rébelliau qui le répète, que, sous l'influence de saint Vincent de Paul, Bossuet « mortifia » son éloquence et apprit«< la simplicité, la charité ». D'abord, dès 1654, il demandait au ciel «< ces deux beaux ornements de l'éloquence chrétienne, la simplicité et la vérité ». De plus, quand on examine de près le Carême des Minimes et celui des Carmélites, prêchés en 1660 et 1661, on ne remarque nullement que l'orateur ait «< mortifié » sa parole. Les Sermons de 1660 sont « des improvisations sur le papier»; ceux de 1661, « plus

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