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ble (1) ». La doctrine de Bossuet n'a donc varié en rien, sous l'influence de la prétendue leçon qu'il aurait reçue. Quant à Baronius, Bossuet cite deux passages de ses Annales qui « sont assez contraires », comme on a eu raison de le remarquer. Puis, il ajoute : « Que si ce savant cardinal, dans un travail aussi grand que celui des Annales de l'Église, n'a pas pu examiner toutes les choses avec une égale exactitude, et que, pour n'avoir pas pris des principes assez fermes en cette. matière, il ne soit pas bien d'accord avec lui-même; ou que, dans un ouvrage si vaste, il lui arrive quelquefois d'oublier en un endroit ce qu'il aura établi en un autre c'est à nous à ne déférer à ces sentiments qu'autant que nous les trouverons soutenus par de bonnes raisons ». Mais le grand évêque est si loin de dire « qu'on ne l'y prendra plus de se fier à ce cardinal Baronius », qu'il ajoute presque aussitôt, ch. xxv: « Un ouvrage composé de tant de volumes, que l'on donne l'un après l'autre et dans des temps si éloignés, peut n'avoir pas toujours toute la justesse et la suite nécessaires. Il faut prendre les choses en gros et profiter des lumières que nous donne un savant auteur, pour assurer davantage les faits et pousser plus avant les recherches. >>

On ne sait pas trop pourquoi, à propos du livre de l'Exposition et de l'Eucharistie, M. Rébelliau dit, p. 64, que Bossuet, « devançant l'apologétique moderne », montre surtout dans l'amour « et la raison du miracle et le motif d'y adhérer, et déjà en y mettant beaucoup de cette poétique onction qu'au temps du romantisme Lacordaire, l'abbé Gerbet et Ravignan devaient plus largement oser ». — D'abord, ce n'est pas à « l'apologétique moderne » que revient l'honneur d'avoir cherché dans l'amour la raison de la foi en l'Eucharistie : c'est à l'apologétique de tous les temps, répétant le mot de saint. Jean Et credidimus charitati quam habet Deus in nobis (1 Épitre IV, 16). Saint Thomas et saint François de Sales, pour ne citer que les plus illustres, avaient admirablement expliqué cette pensée, que Bossuet, dans les Méditations sur l'Evangile, reprend et développe avec une hardiesse dont

:

(1) Avertissement,

n'approchent ni Lacordaire, ni Gerbet, ni Ravignan; car aucun d'eux n'aurait osé dire : « Dans le transport de l'amour humain, qui ne sait qu'on se mange, qu'on se dévore, qu'on voudrait s'incorporer en toutes manières, et, comme disait ce poète, enlever jusqu'avec les dents ce qu'on aime pour le posséder, pour s'en nourrir, pour s'y`unir, pour en vivre? Ce qui est fureur, ce qui est impuissance dans l'amour corporel, est vérité, est sagesse, dans l'amour de Jésus : « Prenez, mangez, ceci est mon corps »; dévorez, engloutissez, non une partie, non un morceau, mais le tout (1).

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M. Rébelliau a tort encore de passer complètement sous silence l'Éclaircissement sur le reproche d'idolatrie, 1689-90, l'Explication de quelques difficultés sur les prières de la Messe, 1689, la Lettre sur l'adoration de la croix, 1691-92, et de ne dire qu'un mot, p. 177, des Instructions pastorales si importantes sur les promesses de Jésus-Christ à son Église, 17001701, ainsi que de la cause de la rupture des négociations entre Bossuet et Leibniz à propos de la réunion des Églises: cette rupture eut lieu en 1701 et toute la responsabilité en retombe sur le philosophe de Hanovre, devenu «< tout à coup politique et courtisan, et se montrant plus subtil, plus sophiste, plus difficultueux que les théologiens de la confession qu'il professait », parce que, dévoué corps et âme à la maison de Brunswick- Hanovre, il ne voyait pour elle de chance à monter sur le trône d'Angleterre que « dans l'exclusion et la haine de la religion romaine, comme il l'écrivait en 1707 à Fabricius, et dans l'éloignement de tout ce qui semblerait être de la tiédeur à l'égard des partisans de Rome ». Ce n'est donc pas la faute de Bossuet, c'est uniquement celle de Leibniz, si l'on a vu échouer le rêve généreux longtemps caressé par le plus loyal et le plus sincère des évêques catholiques.

Comment se fait-il que M. Rébelliau juge fort différemment, à huit ans d'intervalle, Bossuet en tant qu'auteur du Discours sur l'Histoire universelle? En 1891, dans Bossuet historien du protestantisme, p. 127, il estime « que la critique ne peut re

(1) Méditations de l'Evangile, La Cène, xxxv jour.

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lever, dans cette vaste composition, que quelques confusions de noms, très peu d'erreurs de faits,... quelques hypothèses hasardées,... une confiance trop aveugle en Diodore, et trop de préoccupation pour ne pas dépasser les étroites limites de la chronologie d'Usher ». Et, en 1899, le même critique nous dit, Bossuet, p. 101-2, qu'il « est facile de relever beaucoup d'erreurs (dans l'Histoire universelle), « des hypothèses hasardeuses» et « des lacunes », comme « l'omission complète de l'Inde et de la Chine », « l'oubli des Phéniciens, l'oubli des arts de la Grèce, le silence sur Mahomet et les Arabes », sans parler de «< crédulités fâcheuses » au roman de Xénophon sur Cyrus. Ce changement d'opinion est d'autant moins motivé, d'autant plus inexcusable que M. Brunetière, dans deux articles remarquables, sur l'Histoire du peuple d'Israël de Renan et sur la Philosophie de Bossuet, a parfaitement établi que le Discours sur l'Histoire universelle, « le plus célèbre et presque le plus achevé des ouvrages de Bossuet », « ne laisse pas d'avoir assez glorieusement résisté » « aux vaines critiques dont il a été l'objet »... Qui croirait qu'on a sérieusement reproché - à un discours qui se termine à l'avènement de Charlemagne de n'avoir pas parlé de l'Amérique? Un autre encore s'est plaint qu'il eût passé Mahomet sous silence, comme si Bossuet, à deux reprises, et notamment à la fin du livre, n'avait pas renvoyé de parler de Mahomet et de l'islamisme à un autre Discours, qu'il n'a pas eu le temps d'écrire? On ne saurait discuter, selon le vieil adage, avec ceux qui ne conviennent pas des principes; et nous, que pouvons-nous répondre à des critiques dont le premier soin semble avoir été de ne pas lire l'ouvrage qu'ils voulaient critiquer? Quant au reproche de n'avoir tenu les promesses de son titre, et, par exemple, dans un Discours sur l'Histoire universelle, de n'avoir traité ni de l'Inde ni de la Chine, je ne dirai pas que Bossuet l'eût fait dans son second Discours; - quoique, d'ailleurs, on pût le soutenir et presque le prouver. Comme de l'islamisme et comme de Mahomet, il attendait, pour parler de l'Inde et de la Chine, qu'elles fussent entrées dans le plan de l'histoire de la civilisation occidentale. » D'ailleurs, net pourrait-on pas dire que « le premier caractère d'une histoire

vraiment universelle est de ne l'être pas?... Enfin, si Voltaire et les voltairiens se plaignent qu'il ait fait graviter l'histoire de l'univers autour de celle du peuple juif,... à qui l'érudition contemporaine a-t-elle donné raison? » A Bossuet, puisque Renan prétend qu'il n'y a que « trois histoires de premier intérêt » celle des Grecs, celle des Romains, et celle des Juifs. « Reprocherons-nous à Bossuet, il y a deux cents ans maintenant passés, de ne s'être pas fait une philosophie de l'histoire plus large (que celle de Renan)? Ne le trouverons-nous pas excusable, lui, qui n'avait pas été l'élève d'Eugène Burnouf? »

Quant à l'oubli « des arts de la Grèce », il n'est pas aussi absolu que veut bien le dire M. Rébelliau, puisque, dans la première partie du Discours, 9 Époque, Bossuet parle des «< admirables statues » des artistes grecs. Enfin, on est mal venu à lui reprocher de n'avoir pas une chronologie aussi exacte que celle que deux siècles écoulés ont à peine établie.

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Pour bien montrer que c'est sans parti pris aucun en faveur de Bossuet que nous critiquons son dernier historien, nous n'admettons point ce que dit M. Rébelliau, quand il prétend que Montesquieu, étudiant la grandeur romaine, ne fait que « répéter >> Bossuet. Non, il ne le répète pas: il cherche les causes politiques là où Bossuet cherche les causes morales et découvre ce qu'il nomme « le fond d'un Romain ». Montesquieu raisonne en homme d'État là où Bossuet s'émeut, en peignant à grands traits le peuple romain. Montesquieu multiplie les comparaisons du présent avec le passé et semble faire un cours de politique, tandis que Bossuet, pressé d'épuiser sa matière, ne regarde que Rome. Enfin, il parle en chrétien, tandis que l'auteur des Considérations parle en philosophe.

Il ne faut pas non plus croire à l'absence de « préventions gallicanes » chez l'illustre prélat, qui, «ne trouvant pas trace dans les textes de la Pragmatique Sanction attribuée à saint Louis, n'en dit mot, » p. 106. D'abord, dans l'Histoire de France, Bossuet écrit que, quoique saint Louis «< fût très attaché et très soumis au Saint-Siège, il ne souffrait pas que la cour de Rome entreprit sur les anciens droits des prélats de l'Église gallicane ». Voilà bien, hélas! une prévention galli

cane, aggravée par ce que Bossuet dit ailleurs, dans le Sermon sur l'Unité de l'Église :

<< Saint Louis publia une pragmatique pour maintenir, dans son royaume, le droit commun et la puissance des ordinaires selon les conciles généraux et les institutions des Saints Pères. Qu'on ne nous demande plus ce que c'est que les libertés de l'Église gallicane; les voilà toutes dans ces précieuses paroles de l'ordonnance de saint Louis. >> Bossuet ne pouvait pas deviner ce que la critique contemporaine a découvert sur la Pragmatique, qui remonte à Charles VII et non pas à saint Louis.

Cela ne nous empêche pas de placer Bossuet parmi les historiens, et au «< premier rang », quoi qu'en pense M. Rébelliau, p. 118: « la maitrise » de l'historien, auteur du Discours sur l'Histoire universelle et de l'Histoire des Variations, est incontestable et incontestée, aux yeux de tous les critiques impartiaux.

Ce qui, dans Bossuet, déplaît encore plus à M. Rébelliau que ses Histoires, qu'il trouve si défectueuses, quoique «< scientifiques », c'est sa philosophie qui n'existe pas : ce qui manque à Bossuet pour être philosophe, p. 86-88, c'est «< le propos délibéré d'appliquer à la science de l'être en général et de l'homme moral en particulier la raison seule et rien que les moyens de connaissance qu'elle admet »; c'est encore <«< la sympathie pour les belles ambitions de la raison pure » et « le besoin de sortir de la prison sacrée » où l'enferme la foi : or, « qu'on ne se figure pas que, pour lui, foi implique lumière tout au contraire. Qui dit foi dit obscurité;... et cette foi n'est, en somme, que l'acceptation courageuse des ténèbres» et un acte de la volonté et de l'amour. Voilà bien des passages où la Revue Bossuet aurait dû désirer autre chose que « plus de justesse et de précision ». Ils sont empreints d'un esprit nettement anticatholique, que le P. Chérot, dans les Études, 20 nov. 1900, devait au moins signaler.

:

Faudra-t-il donc apprendre à M. Rébelliau, qui semble l'ignorer, que notre foi est essentiellement « raisonnable, rationabile obsequium nostrum», comme le dit saint Paul; que, s'il y a dans cette foi des ténèbres et des obscurités, à cause des

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