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En tout cas, telle était l'autorité dont M. de Meaux jouissait comme canoniste que Louis XIV, en 1699, lui demandait un Mémoire sur le cas de l'ancien évêque de Fréjus, le duc d'Aquin, qui, après avoir donné sa démission, s'opposait au sacre de son neveu et à celui de l'abbé de Fleury, nommé à cet évêché. Ce Mémoire est un modèle de discussion savante et lumineuse.

IX

Ainsi donc, toute la science ecclésiastique, latin, grec, hébreu même (Bossuet l'apprit pour les réunions du Petit Concile), sciences physiques et naturelles, philosophie de saint Thomas, théologie spéculative, positive, mystique et polémique, Écriture Sainte et exégèse traditionnelle, histoire de l'Église et droit canonique, Bossuet la possédait et nous en a laissé d'immortels chefs-d'œuvre.

Aussi Massillon s'honorait-il en l'appelant, en 1711, «l'homme

Il s'agit simplement d'établir l'origine divine de l'autorité des évêques et de recourir, selon l'usage du temps, à la puissance temporelle, pour faire accepter par des religieuses récalcitrantes les droits sacrés de la puissance spirituelle et de la juridiction épiscopale.

D'ailleurs, Mme Louise de Lorraine, qui courait les bals l'hiver et les bains de mer l'été, fit appel à Rome contre Bossuet et, quoiqu'on fût alors au plus fort de la brouille qui avait suivi les Articles de 1682 et qui ne devait finir qu'en 1693, Rome donna raison à l'évêque contre l'abbesse de Jouarre. Si M. Landry avait plus impartialement étudié la question, il ne lui semblerait pas « difficile de concilier », page 124, les actes de Bossuet avec ses paroles de 1686, dans l'Oraison funèbre de Michel Le Tellier, et sa Lettre à Mm2 de Soubise, du 25 avril 1694, « si favorable au principe de la juridiction ecclésiastique ».

Il en conclurait aussi que « les moines de Rebais ne furent pas plus mal traités que les moniales de Jouarre ». Il n'y a que les Réaume et les Davin pour reprocher à Bossuet la sainte énergie avec laquelle il mit fin à des candales intolérables.

M. Landry, du reste, dans sa légitime horreur pour les « libertés gallicanes » et les «< droits régaliens »>, oublie un peu trop ce qu'avait d'avantageux, malgré ses abus, une législation profondément imprégnée d'esprit chrétien et foncièrement protectrice de ces Religieux et Religieuses, dont nos hommes d'État, jacobins et sectaires, ont osé dire qu'il y a « trop de moines politiques et de moines d'affaires ».

AUTOUR DE BOSSUET.

T. II.

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de toutes les sciences ». Il faut ajouter « et l'homme de toutes les vertus », quand on a lu les Avertissements de sœur Cornuau en tête des Lettres de direction de Bossuet. On y voit la piété, la bonté, la douceur, la condescendance, l'humilité profonde d'«< un prélat également saint, charitable, savant, éclairé, zélé, élevé à la plus pure, la plus sûre et la plus sainte spiritualité ».

S'il ne fut pas un saint, au sens strict du mot, ce n'est pas parce « qu'il avait trop de bon sens » pour cela, comme l'a dit impertinemment M. Lanson, mais parce que, pour la sainteté, il faut une héroïcité de vertus extraordinaires (1).

Néanmoins, tel qu'il est,« prêtre et le plus grand des prêtres », a dit Paul Janet, avec la double auréole de Père de l'Église et de prélat « pur comme un ange », saint au sens ordinaire du mot, il offre à nos regards l'idéal que Sa Sainteté Léon XIII souhaitait naguère de voir réaliser dans cette chère France qu'il aime tant et à laquelle il faut, disait-il aux jeunes séminaristes bisontins, actuellement à Rome, des prêtres aussi saints que savants, aussi savants que saints.

(1) Voir plus loin notre Conférence à Montpellier: La grande âme sacer· dotale et épiscopale de Bossuet.

14 décembre 1899.

II

Victor Hugo contre Bossuet (1)

Sainte-Beuve disait un jour (2) : « Bossuet a eu et aura encore des adversaires. >>

Il en avait au XVIIe siècle, puisque La Bruyère, son admirateur, son ami, membre du Petit Concile et recommandé par le grand évêque au grand Condé pour être le précepteur de son petit-fils, pouvait dire de M. de Meaux, à l'Académie, le 15 juin 1693 (3), qu'il avait «< fait parler si longtemps une envieuse critique et qu'il l'avait fait taire » ce qui n'était vrai qu'en partie : car ni Jurieu, ni Basnage, ni Richard Simon ne se taisaient en 1693; ils devaient même parler encore, et très haut et très fort, comme les quiétistes, comme les casuistes, comme les jansénistes, contre l'illustre prélat.

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Il avait des adversaires au XVIIIe siècle, où il devint le point de mire et la cible des encyclopédistes, de Voltaire surtout, qui, non content d'attaquer, dans son Essai sur les mœurs et l'esprit des nations et dans son Dictionnaire philosophique, l'auteur du Discours sur l'Histoire universelle, « le plus éloquent des Français (4) », comme il l'appelle, émaillait ses lettres de rimes cyniques sur la fable calomnieuse, qu'il n'a pas pu s'abstenir d'insérer dans le Siècle de Louis XIV, du prétendu mariage de Bossuet avec Mlle Desvieux. Aussi Jo

(1) Conference faite à Paris, au Cercle catholique du Luxembourg, le 15 décembre 1899, devant Mgr de Briey, évêque de Meaux, ses grands vicaires et un auditoire d'élite, religieux, prêtres, dames du monde, journalistes, étudiants, etc.

(2) Causeries du lundi, XIII, p. 187.
(3) Discours de réception à l'Académie.
(4) Siècle de Louis XIV, ch. XXXII.

seph de Maistre pouvait-il dire que, « parmi les grands hommes du grand siècle, il n'en est pas que le siècle suivant ait plus tâché de déprécier (1) ».

Bossuet a eu des adversaires dans notre siècle, et ils lui sont venus de deux camps tout à fait opposés : du camp des catholiques ultramontains, où de Maistre lui-même, Lamennais, Rorhbacher, dom Guéranger, l'abbé Réaume, M. l'abbé Davin, Ms Fèvre, M. Charles Gérin, lui ont si amèrement reproché son gallicanisme réel et son jansénisme imaginaire ; et du camp des libres-penseurs sectaires, comme Sismondi, Henri Martin, Scherer, qui prétend que Bossuet n'est pas un << penseur » (2), et qu'on « a bientôt fait le tour de ses idées »; Paul Albert, qui l'appelle « un philosophe borné »>, << tout ce qu'il y a de plus médiocre » comme «< politique », et avec cela «< un artiste », c'est-à-dire la chose du monde la plus opposée à ce que fut le grand évêque, dont tous les écrits et toutes les paroles étaient « des actes » et qui ne fit rien pour l'art et la gloire; M. Hémon, qui, à propos de M. Brunetière et Bossuet, a vivement attaqué les idées théologiques et philosophiques de M. de Meaux; Renan, enfin, qui le traite de «<rheteur », de « déclamateur », « n'ayant jamais eu d'autre philosophie que celle de ses cahiers de Navarre », et qui finit par l'appeler « le fondé de pouvoir de tous les défauts de l'esprit français ».

Mais personne, en notre siècle, ne s'est montré violent contre Bossuet comme Victor Hugo.

Il ne s'agit pas, bien entendu, du Victor Hugo de la Restauration, chantant Louis XVII, Moïse sur le Nil, et appelé <«<l'enfant sublime », non point par Chateaubriand, mais par Alexandre Soumet.

Il ne s'agit même pas du Victor Hugo du Gouvernement de Juillet et des deux premières années de la République de 1848, du Victor Hugo des Feuilles d'automne, des Chants du crépuscule, des Voix intérieures, des Rayons et les Ombres,

(1) Observations critiques sur une édition des Lettres de Me de Sévigné.

(2) Etudes critiques, vi.

où l'esprit chrétien disparaît peu à peu après la Prière pour tous, mais où il en reste encore assez pour flétrir Voltaire,

Ce singe de génie,

Chez l'homme en mission par le diable envoyé.

Il s'agit du Victor Hugo d'après la fin de 1849, où «< il avait suffi, dit M. Brunetière, qu'on ne lui donnât pas un portefeuille de ministre, pour exciter son incommensurable orgueil », et lui faire adorer ce qu'il avait brûlé, brûler ce qu'il avait adoré,

Ces deux moitiés de Dieu, le Pape et l'empereur,

Dieu lui-même et sa religion sacrée. Il s'agit du Victor Hugo. d'après 1852, devenu, de légitimiste, d'orléaniste, de bonapartiste, républicain radical et socialiste.

Le chrétien sincère, qui écrivait en 1822 que « l'histoire des hommes ne présente de poésie que jugée du haut des idées monarchiques et des croyances religieuses », n'était plus qu'un blasphémateur impie, haineux, sectaire, souillant de sa bave, pendant trente-trois années, tout ce que nous aimons de notre double amour de catholiques et de Français.

Victor Hugo demeure quand même le poète « le plus extraordinaire » de notre langue, le plus extraordinaire, et non pas « le plus grand », parce que, comme dit M. Brunetière, <«< il n'appartient pas à la famille des génies bienfaisants » (1); parce que, malgré l'imagination ou la faculté de vision la plus puissante que Dieu ait jamais donnée à un poète, malgré la « fécondité de son invention verbale, l'ampleur de sa rhétorique et les ressources infinies de sa virtuosité (2) », « il aura été, parmi les grands poètes, l'un des maîtres les plus dangereux qu'il y ait eu;... il aura troublé, pour des siècles, la limpidité de l'esprit français >>.

Il n'a pas eu, d'ailleurs, de rival dans l'art de lancer l'in

(1) Brunetière, Nouvelles questions de critique, p. 278.

(2) Brunetière, Nouveaux Essais sur la Littérature contemporaine,

p. 66.

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