Sayfadaki görseller
PDF
ePub

mystères qu'elle nous révèle de par Dieu, il n'est rien de plus lumineux que les motifs de crédibilité, les raisons de croire, qui nous font nous incliner devant « l'autorité de l'évidence ou l'évidence de l'autorité », ainsi que parle de Bonald; que Jouffroy lui-même, après avoir écrit Comment les dogmes finissent, avouait, dans un moment de sereine impartialité, qu'on trouve dans le «< petit livre qu'on fait apprendre aux enfants et sur lequel on les interroge à l'église,... le Catéchisme,... une solution de toutes les questions posées (par la philosophie), de toutes sans exception.... Origine de l'homme, origine de l'espèce, question des races, destinée de l'homme en cette vie et en l'autre, rapports de l'homme avec Dieu, devoirs de l'homme envers ses semblables, droits de l'homme sur la création, l'enfant n'ignore rien; et quand il sera grand. il n'hésitera pas davantage sur le droit naturel, sur le droit. politique, sur le droit des gens car tout cela sort, tout cela découle avec clarté et comme de soi-même du christianisme ». - «La foi, disait un grand savant de ce siècle, est le télescope de la raison et du cœur. » Elle est aussi « le garde-fou » de la raison humaine, et Bossuet, pour s'en être inspiré, ne cesse pas plus d'être philosophe que tous les grands génies qui n'ont pas voulu d'une philosophie séparée de la religion; que saint Augustin, saint Anselme, saint Thomas, saint Bonaventure ou même Pascal, qui ont si bien montré jusqu'où peut s'élever la raison aidée par la foi. Pasteur ne disait-il pas : «Quand on a beaucoup étudié, on revient à la foi du Breton. Si j'avais étudié davantage, j'arriverais à la foi de la Bretonne.» Est-ce que pour lui la foi était « l'obscurité »? Non, elle était la « lumière », comme pour Bossuet.

Quant aux « belles ambitions de la raison pure »>, Bossuet ne leur refuse pas << sa sympathie », puisqu'il écrit à Leibniz en août 1693: « Autant que je suis ennemi des nouveautés qui ont rapport avec la foi, autant suis-je favorable, s'il est permis de l'avouer, à celles qui sont de pure philosophie; parce qu'en cela on doit et on peut profiter tous les jours, tant par le raisonnement que par l'expérience. » M. Rébelliau aurait pu et dû se rappeler le fameux passage du Sermon sur la mort: « Je ne suis pas de ceux qui font grand état des con

་་

naissances humaines; et je confesse néanmoins que je ne puis contempler sans admiration ces merveilleuses découvertes qu'a faites la science pour pénétrer la nature, ni tant de belles inventions que l'art a trouvées pour l'accommoder à notre usage. L'homme a presque changé la face du monde.... Je ne puis considérer sans admiration ces règles immuables des mœurs que la raison a posées. »>Mais « demandez aux philosophes profanes ce que c'est que l'homme : les uns en feront un Dieu; les autres en feront un rien; les uns diront que la nature le chérit comme une mère et qu'elle en fait ses délices; les autres, qu'elle l'expose comme une marâtre, et qu'elle en fait son rebut; et un troisième parti, ne sachant plus que deviner touchant la cause de ce mélange, répondra qu'elle s'est jouée en unissant deux pièces qui n'ont nul rapport, et ainsi, que par une espèce de caprice, elle a formé ce prodige qu'on appelle l'homme ». Rien donc de moins sûr que « les belles ambitions de la raison pure >> et ce n'est pas seulement un homme de foi comme Bossuet, c'est

[ocr errors]

Le moins crédule enfant de ce siècle sans foi,

Alfred de Musset, qui nous dit, en parlant des

faiseurs de systèmes,

Sophistes impuissants qui ne croient qu'en eux-mêmes :
L'un me montre ici-bas deux principes en guerre,

Qui, vaincus tour à tour, sont tous deux immortels.
L'autre découvre, au loin, dans le ciel solitaire,
Un inutile Dieu qui ne veut pas d'autels.
Je vois rêver Platon et penser Aristote;
J'écoute, j'applaudis et poursuis mon chemin.
Sous les rois absolus je trouve un Dieu despote;
On nous parle aujourd'hui d'un Dieu républicain.
Pythagore et Leibniz transfigurent mon être.
Descartes m'abandonne au sein des tourbillons.
Montaigne s'examine et ne peut se connaître.
Pascal fuit en tremblant ses propres visions.
Pyrrhon me rend aveugle et Zénon insensible.
Voltaire jette à bas tout ce qu'il voit debout.
Spinosa, fatigué de tenter l'impossible,

Cherchant en vain son Dieu, croit le trouver partout.
Pour le sophiste anglais, l'homme est une machine.

Enfin sort des brouillards un rhéteur allemand,
Qui, du philosophisme achevant la ruine,
Déclare le ciel vide et conclut au néant.
Voilà donc les débris de l'humaine science!...
Ah! pauvres insensés, misérables cervelles,
Qui de tant de façons avez tout expliqué,

Pour aller jusqu'aux cieux il vous fallait des ailes.
Vous aviez le désir; la foi vous a manqué.

C'est parce qu'elle ne manquait pas à Bossuet qu'il a évité «<les hypothèses » dangereuses de Descartes et de Malebranche, animaux-machines, causes occasionnelles, théorie de la vision en Dieu, optimisme. « L'obscur et pacifique thomisme du prélat », que M. Rébelliau trouve digne des mêmes ironies que l'éclectisme de Victor Cousin, demeure la doctrine philosophique, non pas obscure, mais lumineuse, que notre grand Pape Léon XIII veut voir régner dans l'Église et dans la science. On s'étonne vraiment que des Revues comme celle de Louvain, les Études et la Revue Bossuet, jalouses de maintenir les droits du Pape contre le gallicanisme de Bossuet, n'aient pas dit un mot de la désinvolture hardie avec laquelle M. Rébelliau exécute « l'obscur thomisme », glorifié par Sa Sainteté Léon XIII dans l'Encyclique.Eterni Patris. M. Rébelliau a beau dire, après Jules Simon, que la solution thomiste du problème de l'accord de la liberté humaine avec la prescience. détruit d'un côté ce qu'elle maintient de l'autre, p. 89: il ne nous fera pas croire que la théorie des « causes occasionnelles » de Malebranche, qu'il oppose à Bossuet, sauvegarde mieux la liberté et la personnalité humaines. Il ne nous fera pas croire surtout que l'illustre prélat ait eu tort de dire, à propos de ce grave problème : « Il faut, pour ainsi parler, tenir toujours fortement comme les deux bouts de la chaîne, quoiqu'on ne voie pas toujours le milieu par où l'enchainement se continue. » Ce n'est pas là « tenir les yeux fermés », ainsi que le prétend M. Rébelliau: c'est tout simplement, comme le dit Pascal, « savoir douter où il faut, assurer où il faut et se soumettre où il faut ».

En tout cas, n'est-il pas étrange que, Bossuet ayant écrit tout un Traité du libre arbitre, M. Rébelliau prétende, p. 108, - à propos du déterminisme inspiré de Polybe, « qui, dans

le Discours sur l'Histoire universelle, ne peut faire bon ménage avec le fatalisme (??) qui procède de saint Augustin »,

que

<«< Bossuet ne s'est pas plus préoccupé de résoudre (ce problème) que le problème corrélatif, du reste, de l'accord du libre arbitre humain avec la grâce divine »? M. Rébelliau n'a donc lu ni le Traité du libre arbitre ni la Défense de la tradition et des saints Pères, où le livre XIII, entre autres, discute à fond ce problème si délicat, qu'on reproche à l'auteur d'avoir négligé? Il n'en a pas ôté le mystère, impénétrable à notre raison; mais il l'a entouré de toute la « lumière » que comporte notre état présent.

Bossuet, il est vrai, prend à Descartes sa méthode psychologique et sa vraie règle de bien juger, qui « est de ne juger que quand on voit clair ». Mais il fait très nettement, en 1687 et 1689, le départ entre les théories de Descartes «< contraires à la religion », ses théories « utiles contre les athées et les libertins », et ses « opinions tout à fait indifférentes ». Il est, d'ailleurs, inexact de diré que Bossuet, précepteur du Dauphin, <«< a consenti à joindre d'abord Platon et Aristote, puis Descartes, aux Pères saint Augustin et saint Thomas », puisque, à Navarre, Bossuet avait été élevé dans les idées aristotéliciennes, et que c'est à elles qu'il doit ce qu'il pense des relations de l'âme et du corps, et de ce «< quelque chose de sensible» qui se mêle toujours ou presque toujours aux opérations de l'esprit. Conclure de là qu'il y a des rapports « entre Bossuet et Locke ou Auguste Comte même », p. 93, voir en Bossuet «< comme une manière de positiviste chrétien » (??), p. 100, c'est ne tenir aucun compte de la conclusion, aussi thomiste et platonicienne qu'éloquente et admirable, du Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même; c'est juger la philosophie de Bossuet à travers un prisme qui la dénature à peu près complètement, pour n'y laisser voir que des « inconséquences heureuses », qui permettent à l'intelligence de Bossuet de loger en elle à côté de la foi religieuse une dose notable de foi scientifique », p. 108, en attendant que bientôt soit rompu « l'équilibre et le commerce discret que la modération de Bossuet avait réussi quelque temps à établir entre la raison et la foi », p. 136.

«

Combien est mieux inspiré que M. Rébelliau, M. Crouslé, lorsqu'il dit, dans son Bossuet et les Protestants:

«< De même que (Bossuet) est l'antidote de la philosophie moderne (il s'agit du rationalisme évolutionniste), il peut être encore l'antidote de la folie qui s'est emparée du monde et d'une multitude d'esprits honnêtes, qui déplorent à bon titre l'anarchie des idées, la dissolution de la morale et la décomposition évidente de la société. Quand on voudra retrouver le bon sens égaré,... on se remettra à lire Bossuet.

<< Quand même le système religieux que Bossuet a défendu avec une foi, une persévérance et une force incomparable, serait absolument discrédité parmi les hommes, il leur resterait toujours à prendre chez lui des leçons d'amour de la vérité, de charité, de raisonnement vigoureux et de l'éloquence la plus naturelle qu'il y ait jamais eu et qu'on est charmé de rencontrer chez un écrivain dont la prose s'élève souvent à la hauteur des plus grands poètes lyriques.

« Ce génie qui pouvait, sans effort, lutter avec les prophètes bibliques, aima mieux, pour l'ordinaire, ne s'adresser qu'au sens juste qui se trouve dans la plupart des hommes, vou-lant être entendu du plus grand nombre, qu'il désirait éclairer et non surprendre par l'admiration. La gloire littéraire qu'il a dédaignée lui est venue comme par surcroît. Son âme était au-dessus des ambitions du monde, au milieu duquel il a vécu avec une parfaite connaissance des hommes, mais en visant toujours plus haut et s'entretenant sans cesse avec son grand Dieu. »

III

La Politique de Bossuet n'a pas plus, que sa philosophie, le bonheur de plaire à M. Rébelliau. Il trouve d'abord « qu`il y a quelque artifice ou. si l'on veut, quelque inconsciente illusion » à demander à la Bible des maximes de gouvernement. - Sans doute, Bossuet intitule son livre Politique tirée des propres paroles de l'Écriture Sainte, et c'est ce qui scandalise Voltaire, tournant en ridicule la sottise d'un prêtre assez fa

« ÖncekiDevam »