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Il y a là tout un réquisitoire contre Bossuet, dont M. Rébelliau commence par dire qu'il n'était pas « janséniste, à proprement parler », pour en venir à prétendre «< qu'il a pris visiblement parti » et « s'est rangé décidément du côté des jansénistes >>.

Quoique j'aie déjà montré à plusieurs reprises, dans la Revue de Lille, janvier-avril 1900, et dans la Revue du clergé français, 1er novembre 1899, mai-juin 1900, comme dans ma thèse Bossuet et les saints Pères, que Bossuet, bien loin d'être janséniste soit pour le dogme, soit même pour la morale, avait été, au contraire, antijanseniste toute sa vie, il faut réfuter une à une toutes les assertions de M. Rébelliau, contredites formellement par l'histoire de Bossuet et du xvII° siècle. Quand est-ce donc que « cet élève de Nicolas Cornet, ennemi » des jansénistes, dont il avait fait condamner les cinq propositions extraites de l'Augustinus, cet élève de saint Vincent de Paul, un autre ennemi aussi déclaré de « la secte », avait pu faire « augurer » à MM. de Port-Royal << un futur allié »?

Était-ce en 1660, dans le Panégyrique de saint François de Sales, où il condamnait catégoriquement le dogme janséniste, en disant que « Jésus-Christ s'est déclaré le Sauveur de tous et que, par là, il nous fait connaître qu'il n'y a aucune condition qu'il n'ait consacrée et à laquelle il n'ait ouvert le chemin du ciel »? Il y réprouvait aussi la morale janséniste, en affirmant que la charité chrétienne « est sévère à ceux-là sans rigueur et douce à ceux-ci sans flatterie ».

Était-ce en 1662, dans l'Oraison funèbre du P. de Bourgoing, où il faisait contre le Jansénisme doctrinal une sortie si violente que le janséniste Hermant l'accusait de « s'aplanir (ainsi un chemin qui le conduisait aux dignités de l'Église »? (1)

Était-ce en 1663, dans l'Oraison funèbre de Nicolas Cornet, où, devant vingt prélats et la plupart des docteurs jansénistes de la Sorbonne, il ne se contentait pas, comme le dit M. Rébelliau, « d'avoir un mot de blâme pour les directeurs trop

(1) Voir Encore Bossuet et le Jansénisme, dans Autour de Bossuet, 1.

rigides », mais flagellait les « rigueurs très injustes » des <«< docteurs austères », « non moins extrêmes » que les casuistes, si bien que « l'ennemi de notre salut se sert également des uns et des autres, employant la facilité de ceux-là pour rendre le vice aimable, et la sévérité de ceux-ci pour rendre la vertu odieuse »? Le jeune orateur faisait ensuite un célèbre tableau de l'erreur janséniste et de ses partisans, << éloquents, hardis, décisifs, mais plus capables de pousser les choses à l'extrémité que de tenir le raisonnement sur le penchant ». Il glorifiait enfin Nicolas Cornet pour avoir fait << l'extrait des cinq propositions » et « donné le moyen à tous les autres (catholiques) de courir unanimement contre les nouveautés inouïes » du Jansénisme. On avouera que c'est tout autre chose qu'un « futur allié » des jansénistes que faisait « augurer » le jeune archidiacre de Metz.

L'abbé Le Dieu, qui nous peint « MM. de Port-Royal cantonnés à tous les coins de l'auditoire », pendant le Carême de 1661 aux Grandes Carmélites, ajoute que Bossuet «< avait été bien éloigné de faire aucune liaison avec l'abbé de la Lanne, ni de suivre sa doctrine », franchement janséniste. « De dire quelle intention avaient ces messieurs en s'attachant à notre abbé avec tant d'assiduité, continue Le Dieu dans ses Mémoires, p. 74, c'est ce qu'il est inutile de deviner. Le zèle et la liberté apostolique du prédicateur, ses grands talents, sa sublime éloquence, son savoir, sa doctrine si solide, si saine et si chrétienne, étaient d'assez puissantes raisons pour les attirer, comme tant d'autres de tout rang et de toute condition; car, de s'imaginer qu'ils aient eu la pensée de gagner un docteur orthodoxe, élevé, comme nous avous vu, dans des principes opposés, il n'y a nulle apparence. Aussi avouait-il qu'il n'a seulement jamais été tenté par aucun d'eux. Cet esprit ferme et inébranlable dans l'amour de la vérité, n'a pas eu, en toute sa vie, le moindre doute sur les décisions de l'Église dans ces matières du temps. >>

Un pareil témoignage est décisif. Voyons néanmoins à l'œuvre « l'allié » des jansénistes. En 1664-1665, Hardouin de Péréfixe a recours à lui pour amener à récipiscence les religieuses récalcitrantes de Port-Royal, et Bossuet leur écrit une

Lettre, que Mme de Maintenon devait faire publier en 1709 comme excellente pour convertir les dernières jansénistes. M. de Meaux, en janvier 1703, « l'estimait très importante, parce qu'il y répond, disait-il à Le Dieu (Journal, 1, 372), à ce que M. Arnauld avait écrit de plus fort pour la justification des religieuses de Port-Royal. C'est ce qui est traité ici (dans cette Lettre) au long et d'une manière très solide, quoique simple et proportionnée à la portée de ces filles, où l'on voit que M. de Meaux, loin d'être favorable aux jansénistes, a été, au contraire, très opposé de tout temps à leurs maximes ».

Que veut-on de plus clair et de plus formel? Le soi-disant <«< allié » des jansénistes a été « de tout temps » leur adversaire.

L'archevêque de Paris, Hardouin de Péréfixe, et Louis XIV, ennemi juré de la secte de Port-Royal, le savaient bien, lorsque, après la Paix de Clément IX en 1668, les jansénistes << renonçant entièrement, dit Le Dieu, Mémoires, p. 123, aux disputes de la grâce et s'appliquant aux controverses contre les calvinistes, demandèrent au roi l'abbé Bossuet pour censeur de leurs livres. L'archevêque de Paris fut bien aise que ce prédicateur, aussi célèbre par sa bonne doctrine que par son éloquence et par les conversions des protestants qu'il avait instruits, d'ailleurs attaché à lui comme il l'était, pût lui répondre du travail de ces messieurs. De sorte que notre abbé, déjà à la tête des prédicateurs et des docteurs, fut encore regardé, sous l'autorité du roi et de son archevêque, comme le conciliateur de tant d'habiles gens et la caution de leur doctrine ». C'est ainsi « que la grande Perpétuité fut publiée en 4669, avec l'approbation de l'abbé Bossuet... Il eut des conférences avec M. Arnauld et avec M. Nicole, à Saint-Germain en 1671, où M. Arnauld dit, au sortir de la conférence, qu'il en avait plus appris de M. de Condom, en deux ou trois heures d'entretien, qu'il n'avait fait par une longue étude. Tout cela se faisait par ordre exprès du roi, comme portent les approbations du 4 de septembre 1671, données à Paris par l'évêque de Condom et conjointement avec lui par l'évêque et prince de Grenoble, aujourd'hui le cardinal Le Camus »>.

Faut-il rappeler que, dans une Lettre fameuse au maréchal

de Bellefonds, 1672 ou 1677, Bossuet traite « de pure chicane » tout ce que disent les jansénistes, pour établir qu'on a tort de croire « que les propositions sont véritablement dans Jansénius et qu'elles sont l'âme de son livre »?

Faut-il dire encore qu'en 1681, prêchant à la Cour la Fête de Pâques, il proteste contre « le faux respect des sacrements, qui fait que les jansénistes) les abandonnent, de peur, disentils, de les profaner »>?

L'antijansénisme de Bossuet était si connu que, lorsqu'il fut question de lui pour Meaux, en 1681, le docteur janséniste Michel Julien, curé depuis 41 ans d'Étrépilly dans ce diocèse, écrivait à Pierre Janvier, janséniste, lui aussi, et curé de Saint-Thibaut-lès-Meaux : « On parle de M. de Novion ou de M. Bossuet; cela étant, il n'y a rien à espérer ni pour vous, ni. pour moi. >>

Étrange « allié », on l'avouera, qui enlève toute «< espérance » à ses prétendus alliés! Ce n'est pas même «< l'amitié bien timide », dont on l'accuse.

A ce propos, M. Rébelliau se trompe en parlant « de Félix de Vialard, évêque janséniste de Soissons, auprès duquel Bossuet voulait aller apprendre les vertus et devoirs d'un vrai prélat ». D'abord, Félix de Vialard de Herse n'était pas évêque de Soissons, mais de Châlons. Et puis, il n'était pas «< janséniste » : les Jésuites eux-mêmes le défendent contre cette accusation. Rempli d'amitié pour l'auteur de l'Exposition, il avait déployé, dans sa laborieuse et édifiante vie, un dévouement sans bornes pour son troupeau, et son expérience consommée le rendait apte à donner à Bossuet les plus sages conseils (1).

En 1688, dans l'Histoire des Variations, M. de Meaux protestait encore contre les jansénistes, en disant : « Ne croyez jamais rien de bon de ceux qui outrent la vertu. »

Et voilà comment, pendant trente années, de 1660 à 1690, Bossuet avait combattu le Jansénisme doctrinal et moral. M. Rébelliau appelle cela « mesurer son appui aux jansénistes agissants » (??), « rester le type du prélat juste milieu ». Que faudrait-il donc que Bossuet eût fait contre les jansénistes, (1) Floquet, Bossuet précepteur du Dauphin, p. 583.

pour passer aux yeux de notre critique comme leur adversaire? Aurait-il dû « les écraser » tous, pour s'entendre accuser de « brutale » « intolérance »?

<«< Mais, nous dit-on, sa théologie était nourrie de saint Augustin, l'oracle de Port-Royal. » Sans doute: seulement, autre chose est le saint Augustin de Port-Royal, défiguré, dénaturé, au point d'attirer les foudres de l'Église, et autre chose est le saint Augustin de Bossuet, le véritable saint Augustin, en qui les catholiques de tout temps ont vénéré, vénèrent encore « le docteur de la grâce », le maître de saint Thomas, l'Ange de l'École, qui n'a jamais passé pour janséniste et dont la philosophie et la théologie ont été souvent exaltées et recommandées par l'Église et surtout par Sa Sainteté Léon XIII.

<«< Mais, dit-on encore, Bossuet qualifiait d'hérésie le molinisme des Jésuites. » — Non certes, ou plutôt, il y a dans le molinisme une théorie opposée au thomisme,-à la prémotion physique c'est le congruisme, contre lequel l'Église, après la fameuse Congrégation De auxiliis, entre Dominicains et Jésuites, défendit toute censure. Bossuet respecte si bien cette défense que, dans le Deuxième Avertissement aux Protestants, il lave les molinistes du reproche de semi-pélagianisme, formulé par Jurieu. Mais il y a aussi, dans le molinisme, une autre théorie « sur les forces naturelles auxquelles on attache la grâce », dont Bossuet dit au cardinal de Noailles, le 23 mai 1701, que la Société « de Jésus ne l'a pas adoptée », d'après l'auteur de l'Histoire de la Congrégation De auxiliis, et « qu'elle est purement et manifestement semi-pélagienne ». Or, c'est ce qu'a proclamé, dans un décret de censure, l'Assemblée de 1700: pourquoi en rendre Bossuet seul responsable? D'autant plus qu'il dit fort bien « qu'il faut restreindre (la défense de se condamner les uns les autres) à la principale matière de l'examen, qui est celle de la congruité par la science moyenne... M. de Reims, dans son Ordonnance sur la grâce, a bien distingué la doctrine de la grâce congrue d'avec celleci (celle des forces naturelles auxquelles on attache la grâce), puisqu'il a toléré l'une et condamné l'autre ». Bossuet ne fait pas autre chose : c'est son droit strict et absolu.

« ÖncekiDevam »