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inspiré, lorsque, à Rome, le 30 janvier 1900, il disait avec tant de vigoureuse éloquence :

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« Les pensées éternelles font, sans doute, le style durable. On a comparé quelquefois Bossuet avec Cicéron ou avec Démosthène, et on a cru très ingénieux de dire qu'à tout le moins Démosthène et Cicéron avaient-ils une supériorité sur Bossuet, «< qui était, dans leurs discours, de n'avoir point fait de théologie ». Mais c'est précisément le contraire qu'il faut dire. Parce qu'ils n'ont point fait de théologie, c'est-à-dire parce qu'ils ne se sont point souciés, dans leurs discours, de nos relations éternelles, parce qu'ils y ont mis le temporel avant le spirituel, la « figure du monde qui passe » avant les seules réalités qui durent, c'est pour cela que toute leur éloquence n'a jamais atteint les hauteurs où se meut le génie. puissant et varié de Bossuet. Mais n'est-ce pas aussi pour cela qu'une partie de leur œuvre est devenue caduque et n'intéresse plus aujourd'hui que les érudits ou les curieux? La «< modernité » de Bossuet. Messeigneurs, une partie de sa «< modernité », celle qui nous attire à lui d'abord, et ensuite qui nous retient, c'est qu'il n'a pas eu d'autre souci littéraire que d'exprimer, dans un style définitif, des vérités éternelles : Quod ubique, quod semper, quod ab omnibus. »

Il nous est d'autant plus agréable de rendre hommage à l'illustre converti de Bossuet que M. Henry Bérenger, dans un article de la Revue des Revues, février 1900, appelle M. Brunetière «< un nonce laïque, un cardinal hors cadres, un régent de Petit Séminaire ». Le même critique a donné au même académicien le nom <«<< d'Éminence verte de ་་ politicien

en littérature et en philosophie », dont le style « écaillé, hérissé, grinçant, muni de pinces, de crocs et de dards, « s'avance vers le lecteur comme une carapace de crustacé en colère», ressemble à « des carcans d'inquisition, à des formules compliquées comme des serrures de geôles », et il termine un long réquisitoire contre lui en priant M. Loubet de faire nommer M. Brunetière « premier moutardier du Pape ».

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Ah! qu'en termes galants ces choses-là sont mises!

M. Rébelliau est-il juste pour Bossuet, quand il parle de sa

<< robustesse morale insuffisamment affinée », de la cour où il fut évidemment dépaysé, de « son aventure avec Mme de Montespan et Louis XIV qui l'y ridiculisa un peu »>, du tort qu'il eut, « sinon de permettre une entrevue d'elle et du roi, au moins d'autoriser une correspondance qu'il portait lui-même complaisamment de l'un à l'autre, sans soupçonner que cette indulgence gâtait tout? Les malintentionnés ont voulu voir là dedans, de sa part, une manœuvre touche. Chateaubriand insinue qu'il « parlementa avec l'adultère ». Mes de Sévigné et de Caylus sont plus dans le vrai, quand elles se contentent de s'égayer sur la trop bonne âme de l'évêque précepteur. Un homme fin et avisé ne se fût pas fourvoyé, ni surtout engagé à fond dans cette affaire ». J'en demande pardon à M. Rébelliau il ne s'agit pas ici de finesse « d'homme avisé »; il s'agit d'un adultère scandaleux, et c'était le devoir d'un prêtre, d'un évêque tel que Bossuet, de « s'engager à fond »>, pour le faire cesser à tout prix. Mme de Caylus n'était pas née, lorsqu'eurent lieu les affaires dont il est question, et elle ne rapporte que des commérages, comme Mme de Sévigné, « s'égayant » à tort sur un évêque admirable jusqu'au bout, dans cette « aventure ». Chateaubriand et M. Rébelliau le calomnient car Floquet a montré invinciblement que Bossuet ne <«< parlementa » pas « avec l'adultère »; qu'il fit partir de la Cour Mme de Montespan; qu'il n'autorisa ni entrevue, ni << correspondance », « complaisamment portée de l'un à l'autre ». Il suffit de lire les Lettres si apostoliques écrites par le prélat à Louis XIV, en juin et juillet 1675: « Sire, dit-il, à propos « des paroles de Dieu » qu'il a données à Mme de Montespan et qui lui ont «< fait verser beaucoup de larmes », il n'y a point de plus juste sujet de pleurer que de sentir qu'on a engagé à la créature un cœur que Dieu veut avoir. Qu'il est malaisé de se retirer d'un si malheureux et si funeste engagement! Mais cependant, Sire, il le faut, ou il n'y a point de salut à espérer. Jésus-Christ, que vous recevrez, vous en donnera la force, comme il vous en a déjà donné le désir. Je ne demande pas, Sire, que vous éteigniez en un instant une flamme si violente: ce serait vous demander l'impossible; mais, Sire, tâchez peu à peu de la diminuer; craignez de l'en

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tretenir. » Où sont les « entrevues » et la «< correspondance dont on fait un crime au prélat? Lisez encore ceci : Bossuet parle de Mme de Montespan, qu'il voit, comme Sa Majesté le lui a commandé : « Je la trouve assez tranquille; elle s'occupe beaucoup aux bonnes œuvres. Dieu veuille vous mettre à tous deux ses vérités dans le fond du cœur, et achever son ouvrage, afin que tant de larmes, tant de violences, tant d'efforts que vous avez faits sur vous-mêmes, ne soient pas inutiles. » — Ils le furent pourtant par la faute de Colbert et de la duchesse de Richelieu, qui préparèrent la rentrée de la favorite, par la coupable faiblesse de Louis XIV, grisé de ses victoires, mais non pas par << la crédulité du grand homme, manquant de tact, d'adresse, du sentiment des nuances et des distinctions nécessaires » aussitôt qu'il connut le projet du Roi de reprendre Mme de Montespan, il se rendit à Luzarches, au-devant du monarque, pour lui rappeler par sa présence les promesses et les engagements sacrés de Pâques et de la Pentecôte. Louis XIV comprit très bien la démarche du grand évêque : « Ne me dites rien, Monsieur, fit-il devant la Cour; j'ai donné mes ordres; ils devront être exécutés. » Bossuet, dans cette circonstance, avait été ce qu'il désirait être dans une lettre au maréchal de Bellefonds, «< comme un saint Ambroise, un vrai homme de Dieu ». Le P. de La Rue devait l'en féliciter dans son Oraison funèbre, et Saint-Simon écrire plus tard : « (Bossuet), pour interrompre le cours du désordre, avait porté tous les coups, agi en pontife des premiers temps, avec une liberté digne des premiers siècles et des premiers évêques de l'Église ». De telles paroles vengent noblement Bossuet de tout ce qu'insinuent Mme de Sévigné, Mme de Caylus, Chateaubriand et M. Rébelliau, qui s'est donné le tort de les suivre, d'oublier qu'il parlait d'un évêque et non pas d'un courtisan «< fin et avisé ».

Il est bien vrai que Mme de Maintenon écrivait en 1675 à Mme la comtesse de Saint-Géran que « M. de Condom avait beaucoup d'esprit, mais qu'il était regrettable qu'il n'eût pas l'esprit de la cour ». - Au lieu de le regretter, nous en félicitons chaleureusement Bossuet et nous lui appliquons le mot de La Bruyère: « Le reproche, en un sens, le plus honorable que l'on puisse faire à un homme, c'est de lui dire qu'il ne sait

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pas la Cour il n'y a sorte de vertus qu'on ne rassemble en lui par ce seul mot. »

Quoi de plus étrange encore que de prétendre que la correspondance avec Leibniz était une « négociation », tandis que Bossuet n'y voyait « obstinément qu'une controverse » et ne comprenait pas « ce que ces expédients peuvent contenir d'utile et d'honorable » ? Certes, il avait mille fois raison de ne pas le comprendre l'Église catholique l'en blâmerait énergiquement. La « politique» et la diplomatie d'une « négociation »>, où << tout dépend de la volonté des potentats », sont absolument opposées à une affaire d'âmes et de doctrine, relevant du Pape et des évêques. Il faut faire une gloire à Bossuet d'avoir, non pas «<lourdement », mais «<loyalement », page 200, << mis le pied sur cette diplomatie » : les Jésuites, que M. Rébelliau lui oppose, n'auraient pas été « moins intransigeants »>, et le Pape devait accorder à Bossuet la plus haute des récompenses, en le priant de rédiger un projet de réunion des Églises.

J'ai dû montrer ailleurs (1) combien est fausse l'assertion de M. Rébelliau « qu'il n'y a pas, dans les lettres reçues par Bossuet une seule lettre de solliciteur ». Elles y sont nombreuses et émanent d'évêques et de personnages fort distingués.

M.. Rébelliau aurait pu se rappeler ce qu'écrit Le Dieu, dans ses Mémoires, pages 135, 136, 137 : « Estimé et respecté universellement à la Cour, il y vécut sans intrigue et sans autre liaison particulière que celle qui s'entretient par honnêteté et par politesse. Au milieu d'un travail continuel, on vit bien qu'il avait raison d'éviter le grand commerce du monde, et que ses occupations le dispensaient de certaines assiduités des courtisans, où il y a beaucoup de temps à perdre. Civil, d'ailleurs, et prévenant envers tous, il ne manqua jamais à aucun devoir de bienséance. Les ministres, les seigneurs étaient tous ses amis, et les princes l'honoraient de leur bienveillance et de leur estime...

<<< Pendant toute sa vie, et encore l'été de 1703, après sa fièvre

(1) Conférence faite à Lyon, aux Facultés catholiques, le 23 février 1900. Voir plus haut, page 156.

du mois d'août, il ne parut jamais à la Cour, dans les promenades publiques, qu'il ne fût environné de l'élite du clergé. C'était un bel exemple, surtout à Versailles, où cette troupe se faisait remarquer davantage dans le petit Parc, dans l'allée qu'ils avaient nommée des Philosophes, dans l'ile Royale et ailleurs. Ce vieillard, vénérable par ses cheveux blancs, dont le mérite et la dignité, joints à tant de bonté et de douceur, lui attiraient les respects des petits et des grands, dès qu'il se montrait, marchait à la tête, résolvant les difficultés qui se proposaient sur la sainte Écriture, expliquant un dogme, traitant un point d'histoire, une question de philosophie. Avec une politesse charmante, il y avait une entière liberté!... Luimême, ce grand homme, toujours naturel, simple et modeste jusqu'à la fin, faisait lire ses ouvrages à la compagnie, les soumettait à la censure; et, profitant des avis des plus simples, il faisait faire à l'heure même les corrections qu'on demandait. Ainsi fut lue et corrigée toute sa Politique, dans les promenades de son dernier séjour à Versailles, voulant enfin la donner aux pressantes sollicitations du public. Telle fut, au milieu des palais et des jardins de Louis le Grand, cette académie de sagesse, où présida l'évêque de Meaux, comme fit autrefois l'illustre et savant Alcuin, dans la célèbre école de Charlemagne.... Nous le voyons avec ses premières mœurs à la tête de toutes les personnes de mérite et de vertu, qu'il attire des provinces, qu'il attache à sa personne, qu'il élève dans l'Église et qu'il place auprès des princes en des emplois de confiance. >>

Certes, ce nouvel « Alcuin » d'un nouveau «< Charlemagne » faisait belle figure à la Cour, et c'est le méconnaître que d'en juger par quelques commérages du 15 août 1703, antérieurs, du reste, à ce qu'écrit ici Le Dieu.

Quant à la «< situation secondaire » de notre prélat, dont M. Rébelliau estime «< assez probable qu'il en souffrit », il est, non pas «< assez probable », mais absolument certain, par maintes Lettres à propos des archevêchés de Lyon et de Paris et du cardinalat, en 1697 et en 1700, que Bossuet n'eut jamais <«<le sentiment », qu'on lui prête à tort, « de n'être pas ce qu'il eût dû être dans la hiérarchie de ce régime, qu'il soutenait avec tant de dévouement et d'éclat ». D'abord, il était

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