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IX

Bossuet et le père Quesnel.

-S'il fallait en croire la Revue du Clergé français du 15 janvier 1901, Bossuet ne serait ni plus ni moins que l'« apologiste du P. Quesnel », de l'hérésiarque qui fut le quatrième chef des jansénistes, le « Père prieur de la secte », comme il se faisait appeler, après avoir rejeté le titre trop fastueux de « Père abbé », que portait le grand Arnauld, successeur de Jansenius et de l'abbé de Saint-Cyran, Du Vergier de Hau

ranne.

I

Voulez-vous faire plus ample connaissance avec le « Père prieur » du Jansénisme? Né à Paris, en 1634, de parents honnêtes, il suivit avec distinction les cours de théologie en Sorbonne et entra dans la Congrégation de l'Oratoire dès 1657. Il s'y consacra tout entier à l'étude de l'Écriture Sainte et des Pères et composa de bonne heure des livres de piété, qui le firent placer par ses supérieurs à la tête de leur maison de Paris, quoiqu'il n'eût encore que vingt-huit ans. C'est pour l'usage des jeunes élèves confiés à ses soins qu'il écrivit l'ouvrage destiné à devenir le trop fameux livre des Réflexions morales. Ce n'étaient d'abord que quelques pensées sur les plus belles maximes de l'Évangile elles plurent au marquis de Laigue, qui en fit un grand éloge à l'évêque de Châlons-surMarne, Félix de Vialard. Celui-ci résolut de les adopter pour son diocèse et l'Abrégé de la morale de l'Évangile, ou Pensées chrétiennes sur le texte des quatre évangélistes, parut à Paris

en 1671, avec un mandement de l'évêque de Châlons et l'approbation des docteurs.

Le P. Quesnel travaillait en même temps à une édition des OEuvres de saint Léon le Grand, d'après un manuscrit apporté de Venise. Elle parut en 1675, et comme elle n'avait été guère faite que pour attaquer les prérogatives du Saint-Siège et la primauté des successeurs de Pierre, dont Quesnel parle comme Calvin et Marc-Antoine de Dominis, au dire du P. Lupus lui-même, augustin peu suspect aux yeux du parti janséniste, elle fut mise à l'Index le 22 juin 1676, à cause des notes et des dissertations de l'auteur. « On m'a envoyé plusieurs mémoires de Rome, écrivait Quesnel à Magliabecchi le 30 avril 1677, des choses que l'on a trouvées mauvaises dans le saint Léon qu'on fait imprimer; mais pour vous dire la vérité, tout cela est bien mince et n'est guère capable de me faire peur.» « L'honneur que l'on m'a fait de me mettre dans l'Indice de Rome, écrivait-il encore le 7 mai suivant, m'a attiré la connaissance de cette Éminence (le cardinal Barberin, doyen du Sacré Collège) qui me témoigne beaucoup de bonté, et m'a envoyé beaucoup de diverses leçons (variæ lectiones) pour corriger ou plutôt pour confirmer les corrections que j'ai faites dans le texte de saint Léon. » C'est déjà fort irrévérencieux; mais voici l'appréciation du décret de l'Index: « C'est un libelle diffamatoire, dit le P. Quesnel dans une prétendue analyse qu'il en fait, c'est un libelle diffamatoire, contraire à la loi de Dieu et aux bonnes mœurs, plein d'impostures et de faussetés. C'est une entreprise schismatique, une erreur plus qu'intolérable, qu'une congrégation telle que celle de l'Inquisition ait entrepris de condamner et de défendre les avis salutaires de la Sainte Vierge. C'est une insolence insupportable qu'une congrégation de moines, présidée par un clerc habillé de rouge, ait la hardiesse de proscrire des livres approuvés par des évêques. C'est un attentat nouveau, un renversement horrible, qu'un petit moine appelé inquisiteur se donne une pareille hardiesse, etc.»

Quand on parle ainsi, on peut, on doit aller loin. Le P. Quesnel n'y manqua pas, si bien que M. de Harlay, archevêque de Paris, instruit de son inflexible opposition à la bulle d'A

lexandre VII et de son entier dévouement au parti janséniste, l'obligea à quitter Paris pour Orléans, en 1681. Un formulaire ayant été dressé dans le but d'empêcher les Oratoriens d'enseigner le Jansénisme et quelques opinions nouvelles en philosophie, il s'agissait de signer ce formulaire ou de quitter l'Oratoire. Le P. Quesnel prit ce dernier parti, tout en exhalant sa bile contre le formulaire : « Il y a dans cet écrit, dit-il, des puérilités, des choses contraires à la bonne théologie, des asservissements indignes d'une compagnie de personnes libres et d'honnêtes gens, des pièges tendus exprès à la simplicité et à l'innocence des particuliers, et des points même contraires à la piété et aux bonnes mœurs... Le fait de Jansénisme, qui est renfermé dans le statut et dans la formule, ne peut être souscrit purement et simplement sans que l'on autorise par cette souscription l'hérésie monstrueuse à laquelle ce fait a donné naissance de nos jours: hérésie... source d'une infinité d'autres... et qui tend à renverser les États les mieux affermis en favorisant la révolte... Pourrait-on souscrire un fait dont la fausseté est connue ou dont la vérité est au moins douteuse (1)?

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Quesnel se retira aux Pays-Bas en 1685 et alla se consoler à Bruxelles auprès du grand Arnauld. C'est alors qu'il commença à jouer un rôle. Il soulevait ses ex-confrères flamands contre le formulaire. 11 fomentait des troubles dans les universités de Louvain et de Douai. Il excitait le clergé batave contre ses évêques et contre le Souverain Pontife. Il remplissait les PaysBas d'écrits pernicieux. Cette activité, aussi dangereuse qu'infatigable, fit chasser Quesnel et Arnauld des États du roi d'ESpagne en 1690. Mais ils revinrent à Bruxelles en s'y cachant et Arnauld y mourut en 1694, après avoir désigné Quesnel comme « chef d'une faction malheureuse ». Celui-ci avait administré au mourant l'Extrême-Onction et le saint Viatique, sans avoir aucun pouvoir de l'Ordinaire. Bien plus, il se fit dans son appartement et de sa propre autorité, malgré le refus de permission qui lui était venu de Rome, un oratoire. domestique, où il célébrait la messe quand bon lui semblait.

(1) Causa Quesnelliana: Bruxelles, 1704, pp. 332 et suiv.; pp. 10 et 11.

Écrivain d'une incroyable fécondité, Quesnel publia successivement les Dogmes de la discipline et de la morale de l'Eglise, 1676; la Lettre à un député du second ordre, adressée en 1684 à M. Davaux, plénipotentiaire de France à Ratisbonne, par <«<les disciples de saint Augustin »; la Tradition de l'Église romaine sur la prédestination des saints et la grâce efficace, 1687; l'Apologie historique de deux censures de l'Université de Douai, par M. Gery, bachelier en théologie, 1688 (Gery est un pseudonyme de Quesnel, dont l'ouvrage fut censuré en 1690 et 1697); les Mémoires importants pour servir à l'histoire de la Faculté de théologie de Douai, 1695; l'Histoire abrégée de la vie et des ouvrages de M. Arnauld. 1695; la Défense des deux Brefs d'Innocent XII aux évêques de Flandre, 1697; l'Histoire du Formulaire qu'on a fait signer en France et de la paix que le Pape Clément IX a rendue à cette Église en 1668, 1698; l'Histoire abrégée de la paix de l'Église de Mons, 1698; la Solution de divers problèmes très importants, 1699; la Paix de Clément IX, ou démonstration de deux fuussetés capitales avancées dans l'Histoire des cinq propositions contre la foi des disciples de saint Augustin, etc., 1701, sans parler des Prières chrétiennes en forme de méditation, 1695, de Jésus-Christ pénitent, 1697, du Jour évangélique, 1699, de la Conduite chrétienne touchant la confession et la communion, des Élévations à JésusChrist, de l'Idée du sacerdoce, de l'Analyse des Proverbes et de V'Ecclésiaste, du Bonheur de la mort chrétienne, etc.

Ce qui faisait le mérite et le succès du P. Quesnel, c'est qu'il avait «< un profond sentiment religieux, une onction véritable, qu'on rencontrait rarement dans les autres écrivains du parti, et une grande force de pensée ». Ces paroles de l'Encyclopédie catholique de l'abbé Glaire, XIII, p. 237, expliquent pourquoi l'Abrégé de la morale de l'Evangile, ou Pensées chrétiennes sur le texte des quatre évangélistes, fut approuvé par Mr Félix de Vialard, qui y fit mettre pourtant un grand nombre de cartons (1). En 1679, parut un nouveau volume avec des réflexions encore très courtes sur les autres parties du

(1) Aussi n'y trouve-t-on que 5 des 101 propositions condamnées en 1713, les 12°, 13, 30, 42e et 65.

Nouveau l'estament: Ms de Vialard ne connut pas ce livre (1). En 1687, nouvelle édition de tout l'ouvrage en trois volumes. En 1693, Quesnel le donna plus complet en quatre volumes, que l'on appela « les quatre grands frères ».

Mgr de Noailles, évêque de Châlons-sur-Marne, approuva l'édition de 1695, après y avoir exigé quelques corrections, quelques adoucissements, et son mandement du 23 juin recommandait aux fidèles les Réflexions morales, où l'on trouvait « le pain de la parole tout rompu et tout prêt à être distribué..., le lait des âmes faibles et un aliment solide pour les plus fortes ».

Nommé archevêque de Paris, Mgr de Noailles condamna le 20 août 1696, par une Ordonnance dont Bossuet était le principal auteur, le livre de l'abbé de Barcos, l'Exposition de la foi catholique touchant la grace et la prédestination. Furieux, les jansénistes répondirent par un libelle, que M. Urbain a tort de donner comme étant du bénédictin Dom Thierry de Viaisnes, alors que l'abbé Vacant, dans un savant travail des Annales ecclésiastiques (1889-90), a prouvé qu'il n'est pas de lui (2) Problème ecclésiastique proposé à M. l'abbé Boileau de

(1) Les jansenistes, le Dictionnaire de Moréri et le supplément de l'abbé Goujet ont donc tort d'invoquer l'autorité de M' Félix de Vialard, dont le mandement figurait indûment en tête de l'édition de 1679 et des autres éditions publiées après son décès en 1680, augmentées de plus d'un tiers et profondément altérées par tout le venin du Jansénisme. Mr Félix de Vialard était un saint prélat, auprès duquel Bossuet voulait aller se préparer à son ordination épiscopale.-M. Urbain, en l'accusant de Jansénisme, a contre lui les Jésuites eux-mêmes, qui l'en défendent. Dictionnaire des Jansénistes, col. 795; Migne.

(2) En 1706, tome IV de l'édit. de 1873, p. 373-75, Saint-Simon montre qu'on trouva « dans l'abbaye d'Hautevillers les brouillons originaux et plusieurs lettres à ce sujet de la main de l'abbé Boileau... Elles furent envoyées au cardinal de Noailles... Boileau ne les put, ni osa méconnaître »>.

M. de Boislisle, dans sa grande édition de Saint-Simon, tome VI, p. 99, note 4, nous dit : « On attribua le Problème au P. Doucin, au P. Gerberon, au P. Daniel ou au P. Souastre, de la même Compagnie. Ce dernier l'avait fait imprimer en Flandre et en avait fait la distribution; mais l'archevêque le croyait plutôt sorti de la plume du P. Daniel, « l'Achille de sa Compagnie envers et contre tous >> (Mémoires de l'abbé Le Gendre, p. 244-245)... Le chancelier Daguesseau, qui fit condamner le Problème, raconte que, plus tard, le bénédictin dom Thierry de Viaisnes, étant en

AUTOUR DE BOSSUET.

T. II.

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