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n'a besoin, pour se défendre contre «< l'esprit de dénigrement », que de la vérité seule, sans « la pompe des centenaires », « des panégyriques et des apothéoses (1) », il ne reste <<< qu'un peu d'écume », comme il le dit quelque part (2) dans son magnifique langage.

(1) Revue du Clergé fr., p. 391.
(2) Sermon sur l'ambition, 1662.

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<< Calomnies sur calomnies >>

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C'est en ces termes que Mathieu Marais, l'avocat érudit, auteur du Journal et Mémoires sur la Régence et le règne de Louis XV, 1715-1737, écrivait au président Bouhier, 28 mars et 8 avril 1735, pour caractériser la fable méchante et inepte du mariage de Bossuet, mise en circulation par J.-B. Denis, prêtre de mœurs dissolues, qui, chassé de Meaux par Mer de Bissy, dont il était le secrétaire, avait apostasié à Genève avec un ancien valet de chambre de Bossuet, Lasalle, et publié à Londres, en 1712, ou plutôt en Hollande ses Mémoires, anecdotes de la cour et du clergé de France, contre les évêques de Bissy, de Coislin, de Noailles et Bossuet.

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Depuis lors, il est vrai, cette calomnie avait été reproduite par les protestants et les libres penseurs par Jordan, Histoire d'un voyage littéraire fait en 1733, en France, en Angleterre et en Hollande, avec un discours préliminaire de M. de La Croze, 2o édition, 1736, La Haye : - par le marquis d'Argens, l'auteur des Lettres juives, dans ses Mémoires secrets de la république des lettres, ou le théâtre de la vérité, 1738, Amsterdam; par Voltaire, dans le Siècle de Louis XIV, 1751, sans parler de ses Lettres (1) et de ses rimes cyniques:

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par La Beaumelle, dans ses Mémoires pour servir à l'histoire de Mme de Maintenon, 1756;- par l'Encyclopédie universelle, article Bossuet; par Prosper Marchand, dans son Dictionnaire historique, 1758; — par l'abbé Irailh, dans les Querelles littéraires, 1761; - par Maurepas, dans ses Mémoires si peu sérieux, 1792; - par Potter, dans son Histoire du

(1) Lettre à M. l'abbé de Breteuil, 1735.

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christianisme et des églises chrétiennes, depuis Jésus jusqu'au XIXe siècle, et quelques autres auteurs aussi obscurs que haineux.

Mais tant d'hommes sérieux avaient si bien réduit à néant cette calomnie l'abbé Jacques Fouilloux et l'abbé Le Dieu dont il s'inspire, en 1712, dans une Lettre où il dit : « Voici ce que j'appris avant-hier d'un vertueux prêtre qui a été plus de vingt ans auprès de lui (Bossuet) »; Levesque de Burigny, dans sa Vie de M. Bossuet, 1761; l'abbé Barral, Le Roy et Dom Clémencet, dans leurs réponses aux Querelles littéraires, 1762; d'Alembert lui-même, dans son Éloge de Bossuet, 1779, où il rétracte ce qu'il écrivait à Voltaire, le 18 février 1768 (1); le cardinal de Bausset, dans son Histoire de Bossuet, 1814, Pièces justificatives du livre Ier, no 1; Floquet, dans un Appendice de 30 pages au 1er volume de ses savantes Études sur la Vie de Bossuet, 1855; MM. l'abbé Drioux, Garnier, Bourgeois, Rébelliau, éditeurs du Siècle de Louis XIV dans ces derniers temps, qu'il semblait bien que les grossières imaginations de l'apostat Denis et de Voltaire, plus ou moins inspiré par <«<fen M. Secousse » lui écrivant à Berlin ce « que son oncle avocat avait fait quelque cinquante années auparavant » (??) (2), étaient à tout jamais reléguées dans le domaine des fantaisies perverses que s'interdit la critique sérieuse.

Quel n'a pas été notre étonnement, lorsque, dans la Revue d'histoire littéraire de la France de janvier-mars 1901, nous avons vu M. Ch. Beaugrand rééditer sous une forme nouvelle des calomnies cent fois réfutées et s'efforcer de les accréditer, en opposant à Floquet les Mémoires de Legendre, publiés en 1863, postérieurement, il est vrai, à l'Appendice cité plus haut, mais bien longtemps avant la mort de Floquet, qui les a certainement connus, sans changer d'opinion.

Sous ce titre Est-ce un madrigal de Bossuet? M. Beaugrand nous présente un document inédit « d'un recueil manuscrit de la bibliothèque Sainte-Geneviève, formé vers 1670, sur l'Espérance, par Monsieur l'évêque de Condom », où l'on voit une

(1) Il y parlait d'un Saint-Hyacinthe, « fils ou bâtard de Bossuet »>. (2) Lettre de Voltaire à Burigny, juillet 1761.

AUTOUR DE BOSSUET. — T. II.

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analyse subtile des plaisirs que donne en amour l'espérance, préférable à la possession totale, et de l'art qu'emploie << une maîtresse habile » pour « éterniser l'amour », « en n'accordant jamais une faveur qu'elle n'en montre une autre », le tout couronné par ce madrigal :

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Un amant plus ambitieux

Voudrait sans doute avoir une autre récompense;

Pour moi, je sais borner mes vœux.
Faites-moi vivre en espérance,
Iris, et je suis trop heureux.

Pour rendre vraisemblable l'authenticité de ce madrigal attribué à « Monsieur de Condom », M. Beaugrand se fait l'écho <«< des bruits fâcheux » qui auraient couru sur le compte de Bossuet. «En butte, comme tous les hommes en vue, aux coquetteries des grandes dames, il a pu se trouver, à une certaine époque de sa vie, dans un état d'âme tel qu'il ait écrit notre fragment sur l'Espérance. Du reste, ce morceau, d'une psychologie fine et profonde, ne parait pas, même pour la forme, indigne du talent de Bossuet; et c'est une raison de plus de s'en rapporter au contemporain, si instruit des badinages littéraires qui divertissaient alors les salons à la mode, qui (1), dans le recueil de Sainte-Geneviève, où il figure à côté de pièces relatives à Henriette d'Angleterre, nous l'a transcrit sous le nom de M. de Condom. »>

Sans doute, M. Beaugrand a bien conscience que « l'expérience des choses de l'amour », que nécessite l'écrit sur l'Espérance, « empêchera plus d'un admirateur de ce grand homme de lui attribuer cette composition d'un caractère plutôt profane ». Mais il ne s'agit pas ici « d'admiration »>; il s'agit de vérité, de justice historique, et la question se pose ainsi : Peut-on, sans preuves positives, attribuer à un homme, illustre ou non, ce qui jure avec le caractère bien connu de sa vie tout entière? Non, certes: « Nemo reputatur malus, nisi probetur. Personne ne doit passer pour méchant, sans qu'on l'ait prouvé. »

(1) Voilà bien des qui, dans cette phrase lourde et embarrassée.

Or, M. Beaugrand ne donne aucune preuve contre Bossuet et il le calomnie tout le long de son article.

I

D'abord, de ce qu'un document inédit est attribué à «< M. de Condom » par un anonyme, qui ne donne pas du tout le texte et l'écriture de l'auteur, faut-il en conclure que Bossuet est nécessairement en cause?

Il ne le semble pas. Il a seul porté le nom de «< M. de Condom » pendant deux années, 8 septembre 1669-7 novembre 1671. Mais à partir de cette dernière date, où Bossuet, démissionnaire de l'évêché de Condom, était remplacé par Jacques de Goyon-Matignon, connu sous le nom d'abbé de Thorigny et sacré seulement à la fin de mars 1673 par Bossuet lui-même, il y eut deux «< Monsieur de Condom » : le précepteur du Dauphin, qui garda le titre de l'évêché noblement résigné par lui, et son successeur, le véritable << ordinaire >>> de l'église de Condom. Cela devait durer jusqu'en mai 1681, où Bossuet fut nommé évêque de Meaux.

M. Charles Beaugrand, qui peut-être ignore ce fait, ne nous dit nullement pourquoi l'auteur du madrigal et du fragment. sur l'Espérance serait « M. de Condom » l'ancien plutôt que << M. de Condom » le nouveau, l'abbé de Thorigny, que SaintSimon appelle tout court « homme de bien, mais rien au delà ».

Dieu me garde d'en conclure qu'il est l'auteur d'une analyse psychologique de l'espérance amoureuse, peu édifiante pour un prélat! Ce serait commettre l'injustice que je reproche à M. Beaugrand, mais avec cette circonstance atténuante, en ma faveur, que le même Saint-Simon parle tout autrement de Bossuet que de son successeur à Condom: «Tant de science et d'éloquence, dit-il dans la Notice biographique sur Bossuet, publiée par P. Faugère, soutenues d'une grande régularité de mœurs, d'une modestie parfaite, d'une douceur char. mante, etc. ».

Il est vrai que M. Beaugrand donne, comme preuve positive

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