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Car enfin, quand est-ce que Bossuet « a défrayé la chronique scandaleuse de son temps »? Est-ce à Navarre, où M. Vincent, «ce saint homme, dit Le Dieu (1), doué d'un discernement exquis, connut aussitôt le mérite de l'abbé Bossuet... fut frappé de l'étendue et de la solidité d'un esprit si pénétrant et si lumineux, et encore plus de sa piété sincère, de l'innocence de ses mœurs, de sa simplicité, si on ose le dire, ou plutôt de sa candeur..., de sa modestie qui était peinte sur son visage, avec toutes ses vertus si chéries et si estimées de M. Vincent >> »? Est-ce à Metz, où, de 1652 à 1659, << il était le premier, de jour et de nuit, à tous les offices de l'Église, comme s'il n'eût d'autre talent que de chanter les louanges de Dieu, et où, « après les offices, il s'enfermait dans son cabinet et sur ses livres (2) »? — Est-ce à Paris, alors qu'un prélat comme Nicolas Colbert, évêque de Luçon, écrivait à son frère, le grand Colbert, dans une lettre secrète : « L'abbé Bossuet prêche une morale austère, mais qui est bien chrétienne. Ceux qui le connaissent disent qu'il vit comme il prêche. Il m'a paru en toute occasion avoir beaucoup d'esprit, et je sais qu'il a bien de la vertu? » A la même époque, dans un factum composé par des adversaires de l'archidiacre de Metz, auquel ils disputent, six années durant, 1660-1666, le prieuré de Saint-Sulpice de Gassicourt, on lit ce témoignage significatif : « M. l'abbé Bossuet porte sa recommandation avec lui; il est prédicateur; ses mœurs sont exemplaires; la vertu est peinte sur son visage. » Un peu plus tard, le professeur Maury, qui « l'avait admiré dès ses plus tendres années,

...teneris qui te miratus ab annis,

qui l'avait suivi des yeux et des oreilles dans toute sa carrière,

Perque gradus omnes oculis sumque aure secutus,

avouait qu'il n'avait remarqué en lui que « des merveilles de génie, que des merveilles de pureté de mours ».

(1) Mémoires, p. 30. (2) Mémoires, p. 45.

Ingenii audivi, morum miracula vidi (1).

Bossuet <<< défrayait-il la chronique scandaleuse de son temps », lorsque, devenu évêque de Condom et précepteur du Dauphin, il voyait le maréchal de Bellefonds lui parler «< de son innocence », si bien que, dans sa modestie alarmée d'un tel éloge, le saint évêque priait le maréchal (2) de ne lui parler jamais ainsi et de « ne pas traiter de cette sorte le plus indigne des pécheurs ». Au même moment, Mlle de La Vallière, devenue sœur Louise de la Miséricorde, disait de celui qui l'avait arrachée à la cour: « C'est un homme admirable par son esprit, par sa bonté et son amour de Dieu. » — · Mme de Montespan, furieuse contre Bossuet, qui l'a fait partir de la cour en 1675, envoie des émissaires à Dijon, à Navarre, à Metz, à Paris, à Saint-Germain, à Versailles, partout où est passé le courageux prélat, pour découvrir à tout prix quelque tare dans sa vie sacerdotale; mais Bossuet a si peu « défrayé la chronique scandaleuse » que Mme de Montespan et ses émissaires en sont pour leurs frais (3). Bossuet n'est si fort contre les adultères royaux que parce qu'il est absolument irréprochable dans sa vie et ses mœurs.

Faut-il rappeler ici la querelle du quiétisme et le mot tristement célèbre sur la « nouvelle Priscille qui a trouvé son Montan pour la défendre »? Ah! comme les Cambraisiens eussent été ravis de pouvoir venger leur archevêque, en opposant à M. de Meaux les bruits même calomnieux de « la chronique scandaleuse »? Mais rien, absolument rien n'avait jamais effleuré la réputation de l'illustre prélat.

Fléchier, écrivant le 23 avril 1704 à l'abbé Bossuet sur la mort récente de son oncle, lui disait : « Les mœurs de M. de Meaux étaient aussi pures que sa doctrine »; et le 23 juillet 1704, le P. de La Rue, prêchant l'oraison funèbre du grand prélat devant le diocèse qui l'avait connu pendant 22 années, ne craignait pas de dire: « Il fut irréprochable dans sa vie, jusqu'à faire rougir la plus hardie médisance. »>

(1) Vers publiés en 1672.

(2) Lettre du 8 février 1674.

(3) Floquet, d'après Le Dieu, I, p. 559.

Hélas! pourquoi faut-il que la critique postérieure n'ait pas reculé même devant la calomnie? Pourquoi faut-il que M. Beaugrand ne cite en faveur de M. de Meaux que « le jugement d'une dévote sur son directeur », comme si saint Vincent de Paul, Nicolas Colbert, les compétiteurs de Bossuet pour le prieuré de Gassicourt, le professeur Maury, le maréchal de Bellefonds, Mile de La Vallière, les émissaires de Mine de Montespan, les Cambraisiens, Fléchier, le P. de La Rue, Le Dieu enfin, étaient aussi des « dévotes », des «< pénitentes », dont on se débarrasse, en disant que « leur jugement n'est point parole d'Évangile »>!

Mais, nous dit M. Beaugrand, il y a telle Lettre de BussyRabutin, du 22 février 1673, où il est dit que « ce n'est pas seulement comme beau-frère ou comme aîné, que M. de Condom trouve à redire « à la conduite de sa belle-sœur, Mme Antoine Bossuet », « d'une rare beauté et d'un esprit au-dessus de son sexe »>, mais d'une conduite scandaleuse. « Il en a eu d'autres raisons; je ne sais si elles durent encore. » — D'abord. Bussy-Rabutin, l'auteur de l'Histoire amoureuse des Gaules, 1658-1660, est la plus méchante langue de France et de Navarre ayant calomnié sa cousine, Mme de Sévigné, il peut bien calomnier un évêque, dont la belle-sœur lui plait et le désespère. Bussy-Rabutin se trompe, d'ailleurs, en faisant de M. de Condom l'aîné de son frère Antoine Antoine est né en 1625, le cinquième enfant d'une famille dont Jacques-Bénigne n'est que le septième, en 1627. Et puis, la correspondante de Bussy-Rabutin, Mme de Scudéry, lui réplique « que M. de Condom veut qu'on croie qu'il est fort (indifférent) pour tout le sexe ». Cette réponse est plus que suffisante pour tout autre que M. Beaugrand.

Il est vrai qu'il croit triompher en proposant aux Bossuétistes << une tâche digne de leur zèle » : un supplément d'informations sur l'état civil « de la Mauléon, qu'un factum d'un de ses adversaires représente comme ayant des «< amis dans tous les états, parce qu'elle est bonne à tous. Un laquais caudataire, un écuyer meneur, un carrosse qui voiture partout Catherine Gary, l'équipage du sieur Champin qui la suit partout, l'empressement d'un charitable prélat, redoutable par son crédit,

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qui, sollicitant, donne à la Gary, sa blanchisseuse, les heures destinées à faire un maître de l'univers; une dame du premier rang, qui va chez tous messieurs les juges, accompagnant. la demoiselle de Mauléon pour leur cacher Catherine Gary ». - Mais c'est un principe élémentaire de critique qu'il faut écarter les allégations d'un adversaire acharné, surtout quand la fausseté en est évidente. Or, ici, cette fausseté saute aux yeux. Me de Mauléon n'avait pas à cacher Catherine Gary: elle s'appelait bel et bien de ce nom de Mauléon, que lui donnent les actes authentiques du Parlement, 1703-1706. De plus, « la Gary » ou la Mauléon n'était pas la « blanchisseuse >> de Bossuet, et s'il lui avait « donné les heures destinées à faire un maître à l'univers », quel scandale pour toute la cour, et comme Mme de Montespan aurait eu vite fait de le découvrir, de le dénoncer et de se débarrasser ainsi d'un prélat gêneur! Enfin, comment la Mauléon, ayant à son service tant de << bourses d'amis », laquais, écuyer, prélat redoutable, sieur Champin, doyen de Saint-Thomas du Louvre, trouvait-elle le moyen de ne pas même payer « ses arrérages » et d'être à la fin << réduite à l'aumône? » Il y a là toute une série de calomnies abominables contre une personne, malheureuse assurément, mais que nous n'avons aucun droit de croire coupable, étant donné surtout ce fait qu'elle est intimement liée avec l'abbesse de Faremoutiers, Mme de Béringhen (Lettre du lundi de la Pentecôte, 1687, Lettre du 21 juillet, citée par Floquet, I, p. 564), et que Bossuet la communie le 11 mai 1703, dans la chapelle des Bénédictins anglais, à Paris, où il avait été célébrer la messe pour le roi Jacques II, qui y était inhumé. Si, d'ailleurs, des relations coupables avaient jamais existé entre la Mauléon et Bossuet, en « aurait-il toujours tiré de bonnes quittances, qui ont servi après sa mort à l'abbé Bossuet d'à présent »>?

M. Beaugrand, pour établir que Bossuet, «< au moins par quelque imprudence, ou quelque démarche inconsidérée, a prêté le flanc aux mauvais propos », cite une Lettre « d'une de ses pénitentes », Mlle de La Vallière, au maréchal de Bellefonds, à propos d'un voyage en Bourgogne et FrancheComté, que M. de Condom allait faire en 1674 avec le Dauphin :

AUTOUR DE BOSSUET. - T. II.

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« Exhortez-le, dit-elle, à n'avoir que le moins de commerce qu'il pourra avec ces gens dangereux :... vous m'entendez bien. Vous savez qu'à Tournay on était obligé de communiquer plus qu'on n'aurait voulu et l'on ne peut être trop sur ses gardes.» D'abord, rien n'autorise M. Beaugrand à conclure, comme il le fait, qu'il s'agit ici de « la belle-sœur de Bossuet, qui, l'année précédente, avait fait beaucoup parler d'elle ». Il s'agit, non d'une personne dangereuse, mais de « ces gens dangereux » et qui étaient à Tournay précédemment, ce qui n'est point le cas de Mme Antoine Bossuet.

Et puis, Me de La Vallière écrit : « Ses intentions seront toujours dans la dernière pureté. » Quel témoignage explicite, éloquent, en faveur de la vertu de Bossuet! Enfin, quand on suit la Correspondance de Bossuet, du maréchal de Bellefonds et de Mlle de La Vallière, en 1673-74, on voit clairement que « les gens dangereux » dont il est question sont les amis de Mme de Montespan, qui n'aimait pas M. de Condom et lui en voulait d'avoir fait entrer au Carmel Mlle de La Vallière, en attendant qu'il la fit partir elle-même de la cour, temporairement en 1675, et définitivement en 1682.

Reste « l'odieuse imputation du ministre Jurieu. Ce fougueux huguenot, dit M. Beaugrand, a imprimé sans hésiter que la rumeur publique attribuait à l'illustre champion de l'Église catholique « neuf enfants et plusieurs concubines (1) » et Bossuet, protestant avec une gravité tout épiscopale contre ces bruits calomnieux, qu'il traite de «< discours en l'air »>, n'en reconnaît pas moins leur existence (2) ». — D'abord, il n'est pas vrai que l'insulteur de Bossuet «< imprime sans hésiter >> ces horreurs contre M. de Meaux. Il dit, au contraire : « Je n'en sais rien. Je veux croire qu'on lui fait tort. » En second lieu, Bossuet ne « reconnait » nullement « l'existence » de ces « discours en l'air », de ces « bruits calomnieux ». Voici son texte, dénaturé par M. Beaugrand : « Sur le sujet du landgrave, il ose m'accuser de choses que l'honnêteté et la pudeur ne me permettent pas de répéter. Comme il sait bien que ce sont là des

(1) Tableau du socinianisme, 1690, p. 300-301.

(2) Sixième avertissement aux Protestants, II° partie, no cxv.

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