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discours en l'air et des calomnies sans fondement, il apaise sa conscience et se prépare une échappatoire en disant : « Je n'en sais rien; je veux croire qu'on lui fait tort (1). » Il me semble que j'entends celui « qui, en frappant de sa lance et en jetant les traits de ses calomnies, s'il est surpris dans le crime de nuire frauduleusement à son prochain, dit: Je l'ai fait en riant (2) ». Celui-ci, après avoir lancé ses traits avec toute la violence et toute la malignité dont il est capable et après les avoir trempés dans le venin de la plus noire calomnie, dit à peu près dans le même esprit : « Je n'en sais rien, je ne le garantis pas »>; mais s'il n'en savait rien, il fallait se taire, et n`alléguer pas, comme il le fait, pour toute preuve des ouï-dire, ou quand il lui plaît, la réputation (3), à qui il fait raconter ce qu'il veut et qu'on n'appelle pas en jugement. »

C'est donc Jurieu seul qui «< a lancé tous ces traits >> odieux et qui«< fait raconter ce qu'il veut » à l'opinion publique, laquelle n'est pour rien dans ces « calomnies sans fondement ».

III

Ainsi, pas de « chronique scandaleuse >>> au XVIIe siècle contre le grand évêque; pas de propos sérieux « incriminant ses mœurs >> car ni Jurieu, ni Bussy-Rabutin, ni le factum de Jacques Boutet, « marchand bourgeois de Paris », ne. disent absolument rien d'acceptable pour un esprit impartial.

Par contre, « l'irréprochable régularité de mœurs » de Bossuet, depuis sa jeunesse jusqu'à sa mort, nous est attestée par toute une nuée de témoins, depuis saint Vincent de Paul jusqu'à Saint-Simon. Les supprimer, comme le fait M. Beaugrand, ce n'est pas les anéantir. C'est seulement se donner le tort d'une partialité, que nous avons maintes fois surprise en flagrant délit. C'est aller sans raison grossir le nombre de ceux qui ont entassé contre Bossuet «< calomnies sur calomnies >>.

(1) Tableau, lett. 6, p. 300.

(2) Proverbes, XXVI, 19. (3) Tableau, p. 281, 300.

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M. Beaugrand, moins violent que Voltaire et l'apostat Denis, n'est pas plus véridique qu'eux et il n'a pas le droit d'imputer à Bossuet un « madrigal » et un fragment sur l'Espérance, qui jurent absolument avec l'inaltérable « candeur »> d'une « innocence » sans ombre et sans nuage.

Il n'a pas non plus le droit d'accepter le témoignage de l'abbé Legendre, où les erreurs matérielles pullulent et foisonnent, et de rejeter le récit de l'abbé Fouilloux, récit qui cadre admirablement avec les faits les plus authentiques et les plus irrécusables.

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Il n'a pas enfin le droit d'infirmer et de récuser « le plaidoyer d'A. Floquet « contre Voltaire et les autres écrivains qui ont parlé du mariage de l'évêque de Meaux », ou qui ont dit que << Bossuet ne fut pas complètement étranger aux faiblesses humaines ». « Son cœur n'a battu que pour Dieu, » d'après tous les contemporains de marque. Ils lui ont rendu le même témoignage que sœur Cornuau: ils nous attestent avec une irréfragable autorité qu'il était « pur comme un ange ». << Nommez, Messieurs, disait La Bruyère en pleine Académie française, sans craindre un démenti, nommez une vertu qui ne soit pas la sienne. >>

Avril 1901.

XI

Bossuet et Montpellier. La grande âme
sacerdotale et épiscopale de Bossuet (1)

MONSEIGNEUR,

MES BIEN CHERS FRÈRES,

Il y a deux cents ans, vers la fin du xvII° siècle, votre grande et belle ville de Montpellier avait, comme gouverneur militaire, le duc de Noailles, maréchal de France en 1693 et frère du futur cardinal archevêque de Paris; comme intendant de la généralité du Bas Languedoc, Lamoignon de Basville, l'un des fils du célèbre premier Président du Parlement de Paris, qu'a glorifié Boileau dans le Lutrin (2); comme évêque de Montpellier, d'abord jusqu'en 1696, Mg Charles de Pradel, neveu, coadjuteur et successeur de Mer Bosquet, auquel votre compatriote, Ms Henry, consacrait naguère une brillante étude, et puis, à partir de 1697, Ms Colbert de Croissy, petitfils du grand Colbert. Il y avait alors un autre évêque à Béziers, Mgr Jean-Armand de Rotundis de Biscaras; un autre évêque à Lodève, d'abord Ms de Lagarde de Chambonas, de 1671 à 1690, puis Mg Phélippeaux du Verger; un autre évêque à Saint

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(1) Discours prononcé dans l'église Notre-Dame des Tables à Montpellier, le 20 décembre 1900, devant Sa Grandeur Mgr de Cabrières et un auditoire où était réunie l'élite de la ville. L'Éclair disait le lendemain : « Nous sortons de Notre-Dame, ravis du discours de M. Delmont, professeur à l'Université catholique de Lyon, sur le grand évêque de Meaux. Le meilleur éloge que que l'on puisse faire de l'orateur, c'est qu'il a été digne en tous points de son sujet... Il nous est impossible d'analyser une conférence qui n'a pas duré moins d'une heure et demie, et qui a paru trop courte; tout l'auditoire est resté suspendu aux lèvres du disciple de Bossuet, » etc.

(2) Préface de 1683 et chant VIo.

Pons, Mgr Percin de Montgaillard, et même un autre évêque à Agde, qui tous avaient fort affaire avec les protestants, très nombreux dans la région.

Eh bien, mes Frères, toutes ces autorités militaires, civiles, ecclésiastiques, et les protestants eux-mêmes, étaient en relations cordiales et pleines de respectueuse déférence avec le grand évêque de Meaux, « l'âme du siècle de Louis XIV », où il régnait à côté du grand roi et sur le roi lui-même par le double ascendant de la doctrine et du génie.

Le duc de Noailles, dès 1682, entendait M. de Meaux lui « parler très souvent » de Brueys, ancien ministre du Consistoire de Montpellier, qui, après avoir publiquement attaqué la présence réelle de Notre-Seigneur dans l'Eucharistie, s'était laissé convertir par Bossuet et, devenu veuf sur ces entrefaites, avait reçu les saints ordres. Il se consacrait entièrement à la défense du dogme catholique, en attendant de collaborer avec Palaprat à des comédies comme le Grondeur et l'Avocat Pathelin. « M. de Noailles, écrivait Bossuet à Brueys, sait bien la part que je prends à ce qui vous touche, puisque je lui ai parlé très souvent de vous, et je puis dire aussi que je l'ai trouvé très disposé à vous rendre service. » — En 1684 (1), le duc de Noailles confiait à M. de Meaux des papiers très importants, comme l'attestent deux Lettres de l'évêque, qui se dit « à lui de tout son cœur », lui promet de lui « répondre à loisir » et lui pose cinq questions précises « touchant la proposition de s'en tenir aux canons », faite par quelqu'un qui n'est << pas loin du royaume de Dieu ». Telle était l'intimité du duc de Noailles et de Bossuet que celui-ci ne craignait pas, le 31 octobre 1684, de lui demander une lettre pour M. le premier Président de Toulouse en faveur de M. de Naves, qu'il s'agissait de faire nommer capitoul. Le 26 décembre 1695, Bossuet écrivait au maréchal pour le féliciter de la promotion de ses deux frères, l'un transféré de l'évêché de Châlons à l'archevêché de Paris, et l'autre nommé évêque de Châlons. <«< Au nom de l'intérêt sincère que je prends en ce qui regarde votre famille,... je suis très aise, disait-il, de voir un saint

(1) Le 23 octobre.

succéder à un saint, et s'il est permis de le regarder un peu, un ami qui m'est très cher à un autre qui me l'est au dernier point. >>

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L'intendant Lamoignon de Basville avait dû connaître Bossuet, alors qu'il était M. de Condom, précepteur du Grand Dauphin et membre de l'Académie Lamoignon, ainsi appelée du premier Président chez lequel elle se réunissait. En tout cas, votre intendant était convaincu comme M. Le Gendre, intendant de Montauban, que M. de Meaux était « le modèle et l'oracle qu'on devait consulter sur les affaires de la religion les plus épineuses (1) ». Il lui envoyait en 1698 par Mr de La Broue, évêque de Mirepoix, et en 1700 par son frère, M. le Président de Lamoignon, une consultation et un Mémoire, où il essayait d'établir qu'il fallait forcer les protestants à aller à la messe. Bossuet, qui, depuis qu'en 1697 il avait été nommé conseiller d'État d'Église, ne travaillait qu'à faire rapporter les mesures de rigueur édictées en 1685, lors de la Révocation de l'Édit de Nantes, et qui y réussit en obtenant une circulaire, dont il passe à bon droit pour l'auteur et que le marquis de Torcy envoya aux évêques et aux intendants le 1er novembre 1700, Bossuet répondit, dès 1698 (2), qu'il ne fallait user d'aucune contrainte pour faire aller les protestants à la messe. Le 11 juillet et surtout le 12 novembre 1700, il se déclarait formellement opposé à la manière de voir de M. de Lamoignon et de la plupart des évêques du Midi : l'évêque de Nîmes, Fléchier; l'évêque de Mirepoix, de La Broue; l'évêque de Montauban, l'évêque de Rieux, très bien intentionnés sans doute, mais beaucoup moins libéraux que Bossuet, qui avait empêché dans son diocèse toute dragonnade et toute rigueur. Heureusement, M. de Basville, après avoir envoyé à M. de Meaux les Mémoires des évêques languedociens, lui écrivait le 16 janvier 1701 : « Je souhaite profiter de vos décisions, de vos lumières. Je reconnais que les miennes sont trop faibles pour une matière aussi délicate et aussi importante... Je suivrai avec plaisir tous les partis que vous jugerez les plus raison

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(1) Lettre de M. Le Gendre à Bossuet, 21 avril 1700. (2) Voir, page 73, son Mémoire de 1698 à Louis XIV.

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