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du 8 septembre 1899 aux archevêques et évêques et au clergé de France.

L'âme de Bossuet avait à un degré éminent :

Premièrement toutes les vertus intérieures du prêtre et de l'évêque selon le cœur de Dieu;

Secondement toutes les vertus extérieures du zèle sacerdotal et épiscopal que bénit le ciel.

Deux pensées, dont le développement ne fera pas de Bossuet un saint il ne l'est pas il lui manque l'héroïcité des vertus, mais le modèle des grandes âmes sacerdotales, telles que vous les aimez, Monseigneur, telles que vous les bénissez d'une bénédiction large et douce comme votre cœur épiscopal.

I

Les vertus intérieures d'une grande âme sacerdotale et épiscopale, mes Frères, ce sont ces vertus qu'une certaine école appelait naguère dédaigneusement « vertus passives »>, mais que la grande voix de Sa Sainteté Léon XIII a rétablies dans T'honneur et la gloire, qui leur reviendra toujours, d'être les vrais fondements de toute vie surnaturelle et selon le cœur de Dieu.

On peut les ramener, ce semble, à trois principales: l'humilité, que saint Thomas d'Aquin recommandait à sa sœur, entrée en religion, comme le premier, le second, le troisième, le quatrième degré de toute perfection; la pureté, qui donne à notre chair «< angélisée », comme parle Bossuet traduisant Tertullien, je ne sais quel reflet de céleste beauté, et la piété « qui est le tout de l'homme », toujours au dire du grand évêque, s'inspirant cette fois de saint Paul Pietas ad omnia utilis est.

Eh bien, mes Frères, Bossuet, << orateur, historien, théologien, philosophe, d'une rare érudition, d'une plus rare éloquence, comme parle La Bruyère (1); un défenseur de la religion, une lumière de l'Église; parlons d'avance le langage de la

(1) Discours de réception à l'Académie, 15 juin 1693.

postérité, un Père de l'Église... nommez, Messieurs, une vertu qui ne soit pas la sienne », Bossuet nous apparaît comme un modèle d'humilité, un modèle de pureté, un modèle de piété sacerdotale.

L'humilité? il l'avait apprise à l'école du Christ Jésus, dont il dit, à propos de la Noël, qu'il « ne peut assez admirer cet abaissement de son Maître », « l'anéantissement du Verbe incarné », si bien que « c'est une grande entreprise de rendre vénérables par toute la terre les abaissements »> et << l'ignominie du Christ »> (1); et à propos de la Passion: « Il n'appartient qu'à Dieu de nous parler de ses grandeurs; il n'appartient qu'à Dieu de nous parler aussi de ses bassesses. Pour. parler des grandeurs de Dieu, nous ne pouvons jamais avoir des conceptions assez hautes; pour parler de ses humiliations, nous n'oserions jamais en avoir des pensées assez basses >>.... << Toute la science du chrétien est renfermée dans la Croix » (2) et par conséquent dans l'humilité.

Cette humilité, Bossuet l'avait encore apprise à l'école de saint Vincent de Paul, dont il fut, dans sa jeunesse, l'admirateur, le disciple et le collaborateur pour l'œuvre des retraites ecclésiastiques et des missions, de sorte que l'une de ses plus belles gloires, c'est « sa liaison intime avec M. Vincent », si humble, si héroïquement humble qu'il disait : « Je suis le plus rustique et le plus sot des hommes... Je suis un pécheur, le plus abominable et le plus détestable des pécheurs;.... une merveille de malice, plus méchant que le démon, lequel n'a pas tant mérité d'être en enfer que moi... Si nous n'avons l'humilité, nous n'avons rien. »

Bossuet l'eut à un degré étonnant. Loin de se laisser enivrer par ses succès oratoires, qui faisaient dire dans sa jeunesse « qu'il prêchait divinement » (3), que sa parole était « d'une beauté enchantée » (4), « incomparable »> (5), et plus

(1) 1er, 2o et 4° Sermons pour Noël.

(2) 1er et 2 Sermons sur la Passion.

(3) Muze historique de Loret, 10 mars 1657.

(4) Mémoires des Carmélites de la rue Saint-Jacques, 1668. (5) Muze historique, 22 mars 1659.

tard « qu'on croyait voir les cieux ouverts », quand il parlait de l'Esprit-Saint qui en descend, qu'on « était ravi de l'avoir entendu » (1), il méritait que Le Dieu, son secrétaire, écrivit ces paroles mémorables (2) : « Ce qui était digne d'une bien plus grande admiration (que ses succès), c'est qu'après tant d'applaudissements, M. de Meaux, rentré chez lui, s'y tenait caché, rendant gloire à Dieu lui-même de ses dons et de ses miséricordes, sans dire seulement le moindre mot ni de son action ni du succès qu'elle avait eu... Il en usait de même dans toutes les autres occasions; que si on tirait de lui quelque aveu des applaudissements de ses premières prédications, c'est par occasion, dans des temps très éloignés où il n'avait plus à craindre d'en être flatté. » Il fallut que le grand Condé lui demandât à plusieurs reprises, « et de vive voix et par écrit », un sermon qui l'avait frappé, pour que le grand orateur consentit à le lui envoyer comme « une marque de son obéissance >> et avec la persuasion que M. le Prince « perdrait peut-être en lisant le sermon l'estime qu'il en avait témoignée » (3). —- Vous croyez, sans doute, qu'il recherchait les occasions de s'illustrer par ses oraisons funèbres? Non, certes: seuls, « les devoirs de l'obéissance, du respect et de l'amitié l'engagèrent à faire ces discours qu'il ne put refuser... Il n'aimait pas naturellement ce travail, qui est peu utile, quoiqu'il y répandit beaucoup d'édification (4). »

-

Et que dire de ce dédain pour la gloire humaine avec lequel il laissa périr son Oraison funèbre d'Anne d'Autriche, ne publia de son vivant que le seul Sermon sur l'unité de l'Église, dont l'Assemblée du clergé avait demandé l'impression à l'unanimité, et abandonna à son neveu tous les manuscrits de ses Sermons, sans aucun souci de leur destinée, si bien qu'il faudra, pour les reconstituer, près de deux siècles et le travail de bénédictin de Dom Deforis et de l'abbé Lebarq? Son humilité profonde était aussi insensible à la gloire d'écri

(1) Mémoires de Rochard. Voir Autour de Bossuet, I, pp. 445-451. (2) Mémoires, p. 181.

(3) Lettre de Bossuet sans date, mais antérieure à 1669.

(4) Le Dieu, Mémoires, p. 181-2.

vain qu'à celle d'orateur : « Jamais homme, dit Le Dieu (1), ne fut plus éloigné de la démangeaison de se faire imprimer. Il nous a dit cent fois : « Je ne comprends pas comment un homme d'esprit a la patience de faire un livre pour le seul plaisir d'écrire... » Il n'écrivait donc pas qu'il n'y fût forcé par quelque nécessité ou quelque grande utilité, et quand il avait composé son ouvrage, si la raison de le publier cessait, il le supprimait. » - C'est ainsi que sont « demeurés ensevelis dans son cabinet », ou èn manuscrits, des chefs-d'œuvre comme le Traité de la Connaissance de Dieu et de soi-même, le Traité du Libre Arbitre, la Politique tirée des propres paroles de l'Écriture sainte, la Tradition défendue sur la matière de la communion sous une espèce, la Défense de la Tradition et des saints Pères, le Traité de la Concupiscence, les Méditations sur l'Évangile et les Élévations sur les Mystères, « audessus desquelles il n'y a rien dans notre langue », au dire de M. Brunetière. « Quand on pressait (M. de Meaux) de donner (ses ouvrages philosophiques) au public : « C'étaient, disaitil, des choses dont il ne fallait pas seulement parler (2). »

Comprenez-vous maintenant que le protestant libre-penseur Bayle ait écrit au XVIIe siècle : « Voilà un prélat qui n'est pas du nombre de ceux qui écrivent pour écrire »; et qu'un autre protestant libre-penseur de nos jours, M. Stapfer (3), ait dit, lui aussi : « Jamais grand homme, jamais homme ne fut plus humble et plus naturellement humble que Bossuet »?

Comprenez-vous encore que le grand évêque parlât aux personnes qu'il dirigeait, sœur Cornuau, Mme d'Albert, Mme de Luynes et bien d'autres, « avec un humilité profonde », qui les ravissait et dont les Avertissements qui précèdent les Lettres de piété et de direction portent le témoignage, répété à chaque page? Il ne se considérait que comme « le dispensateur de la parole de Dieu », comme « un canal par où passaient les instructions pour les autres », comme un « indigne

(1) Mémoires, p. 153-4.

(2) Mémoires de Le Dieu, p. 154.

(3) Bossuet, Adolphe Monod.

ministre » du Seigneur. « Un homme de ma médiocrité, disait-il, ne pourrait suffire à tout », s'il n'agissait «< avec tranquillité et repos ». « L'humilité de ce prélat, quoique si connue, ajoute sœur Cornuau, était encore bien au delà de tout ce qu'on peut en penser. »>

Faut-il raconter ici qu'il n'eut jamais la moindre ambition? Nicolas Cornet voulut à deux reprises en faire le grand maître du collège de Navarre, dont Mazarin était le protecteur, ce qui devait sourire au futur titulaire. Il préféra aller s'ensevelir dans sa stalle de chanoine, en province. — On parlait pour lui d'une cure de Paris menant à l'épiscopat : il la refusa, ou du moins ne fit rien pour l'avoir. — C'est malgré lui, sur les instances de Louis XIV et de ses conseillers, qu'il accepta le préceptorat du Dauphin. Ce préceptorat fini, il s'interdit de demander aucun siège épiscopal. - Quand la voix publique le nommait archevêque de Lyon, en 1693, et archevêque de Paris, en 1695, il écrivit aux religieuses de Jouarre « Tout ce qu'on a dit de l'archevêché de Lyon n'est que chimère... Quand vous souhaitez qu'on m'offre (1) et que je refuse (Paris), vous voulez contenter la vanité; il vaut bien mieux contenter l'humilité et dire avec David sur cette petite humiliation, si c'en est une Bonum mihi quia humiliasti me. » Lorsqu'en 1698 et 1699, le nonce, Ms Delphini, voulait le faire nommer cardinal, Bossuet défendit plusieurs fois à son neveu, alors à Rome, de faire et de dire quoi que ce soit à ce sujet (2). S'il acceptait avec joie le titre de conseiller d'État et d'aumônier de la duchesse de Bourgogne, il n'avait nullement sollicité le premier de ces titres, ni même bien envié le second (3).

Lorsqu'en 1701, on parlait pour lui d'un cordon de l'ordre du Saint-Esprit, « il reçut fort mal ce compliment, dit Le Dieu. C'est ainsi qu'il éloignait tout ce qui pouvait blesser sa modestie tant soit peu, et qu'il rejetait les flatteries des indiscrets et des importuns... Sur la modestie, il ne peut souffrir

(1) Lettre à Mme d'Albert de Luynes, vendredi (août) 1695.
(2) Voir plus haut, Bossuet d'après sa Correspondance, p. 169.
(3) Ibidem, p. 209.

AUTOUR DE BOSSUET.

-- T. II.

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