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Ainsi, Bossuet, prononçant ses Oraisons funèbres, ne fait que verser «< des pleurs de crocodile >> (???)

Dans Les quatre Vents de l'esprit (31 mai 1881), le Livre satirique contient le dernier mot de Victor Hugo sur l'homme qui fut le prêtre :

Le vieil esprit de nuit, d'ignorance, de haine

Des clous de Jésus-Christ forme à l'homme une chaîne...
Il tient dans ses dents l'âme humaine et la grignotte,
Il inspire Nisard, Veuillot, Planche, Nonotte,

et Mer de Ségur, qui « voulait être aveugle (1),

Ne trouvant pas qu'il fit assez nuit comme ça.
Le Bon Dieu, le faisant idiot, l'exauça,

comme «< il livra les empires, le monde,

Les ames, les enfants dressant leur tête blonde,
Les temples, les foyers, les vierges, les époux,
L'homme, à l'épouvantable immensité des poux :

des poux, c'est-à-dire des prêtres. Après le Livre dramatique, qui contient une « perle », Margarita, et une « pâture », Esca, après le Livre lyrique, qui répète le thème des Contemplations, le Livre épique renferme le dernier cri du poète contre la royauté, contre Henri IV, Louis XIII, Louis XIV et Louis XV, peints sous les couleurs les plus odieuses et comme les seuls auteurs de la Révolution, qui sert de titre au poème. Louis XIV,

Conquérant coudoyé par les supplices! Nom

Où la veuve Scarron jette son ombre vile,

est plus horrible cent fois que Timour et Gengis Kan.

... Il se fit le grand bourreau de Dieu.

O spectacle admirable! exil, bagne, prison;

Des pasteurs, des docteurs, des hommes consulaires,
Courbés sous le bâton dans le rang des galères;

(1) On sait que le vénérable Mr Ségur était « aveugle» ce qui ne l'empêchait pas de faire un bien immense par la confession et la direction des âmes.

Cinq cent mille bannis, cent mille massacrés,

Dix mille brûlés vifs, rompus vifs, torturés,...

Tous les dogues du meurtre ouvrant leurs noirs naseaux;
Rivières rejetant les noyés sur les plages,
Cavalerie affreuse écrasant les villages;
Fer, ravage, viol; le carnage, le sang,

La fange, et Bossuet, sinistre, applaudissant.

La tirade est encore plus odieuse qu'éloquente.

Pourtant, la troisième série de la Légende des siècles (7 juin 1883) la dépasse en outrages pour le grand évêque de Meaux. Dans la pièce Rupture avec ce qui amoindrit, Victor Hugo. nous dit que

Molière, au fourbe ôtant sa guimpe,

Mina Bossuet comme il put.

Dans l'Élégie des Fléaux, il peint

Les larves, l'ancien pape et l'ancien empereur,
Tous les forfaits sacrés, toutes les basses gloires,
Les sanglants constructeurs des religions noires,...
L'affreux dogme sorti de l'antre de Borgia,...
Bossuet bénissant Montrevel.

Enfin, dans les Hommes de paix aux hommes de guerre, il représente

Judas buvant le sang que Jésus-Christ suait;

La ruse, Loyola; la haine, Bossuet.

Dans le Théâtre en liberté, publié depuis la mort de Victor Hugo, il y a une pièce intitulée Les Gueux, où le poète ose dire :

Quand Bossuet restaure Montespan,

Ce prêtre du Dieu Christ obéit au dieu Pan..

Ainsi donc, pour Victor Hugo, Bossuet, c'est un pontife du « dieu Pan »>, ou plutôt de Vénus; c'est le « restaurateur de la Montespan >>; c'est « la haine »; c'est le prêtre, « sinistre, applaudissant >> les bourreaux, tous les « dogues du meurtre », les « bacchantes et les ménades » du carnage; c'est l'orateur funèbre, versant « des larmes de crocodile »; c'est l'homme

AUTOUR DE BOSSUET. - T. II.

4

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digne d'être exterminé « par l'almanach », parce qu'il prend note « des actions bizarres » de Dieu; parce qu'il a écrit le <«< livret » des horreurs de l'histoire; parce qu'il «< poussait Boufflers aux dragonnades »; parce qu'il «< aimait les grands bouchers de l'autel et du trône » ; parce qu'il « bénissait Montrevel» parce qu'il jetait Jéhovah sous les pieds » d'un monarque imbécile; parce que « cet aigle a persécuté » ses diocésains, protestants et « mauvais catholiques », — ce sont là ses «< prouesses d'évêque ; parce que, s'il était « féroce >>> contre les protestants, il était « fort pleutre » devant le dieu. Louis, dont il a « dépravé dépravé» le fils, en flattant «< son instinct fauve »; parce qu'il n'a fait qu'appliquer à l'histoire, à la « légende effroyable des vieux trônes, sa vague déclamation théocratique »; parce qu'il a chanté le Te Deum sur les « dragonnades », et qu'il est ainsi le digne pendant de Marat!

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IV

Que peuvent valoir ces accusations haineuses et ces propos insolents? Francisque Sarcey le disait un jour, le 2 mai 1871(1), à propos d'une étrange lettre de Victor Hugo glorifiant la Commune : « Quelle misère! Peut-on être aussi parfaitement sot, quand on a du génie ? Génie et sottise, cela va donc ensemble? Hélas! oui, quelquefois. On se croit Dieu; mais Pascal l'a dit : « Qui veut faire l'ange fait la bête. » Victor Hugo se croit sublime; il n'est que grotesque. » — A la même époque, Edmond About écrivait dans le Soir : « Vicomte par la grâce de Charles X, pair de France par la faiblesse du bon Louis-Philippe, napoléonien par amour du clinquant et par je ne sais quel appétit de l'énorme, poète par une libéralité du ciel mal tombée, millionnaire par la générosité des badauds et sa propre avarice, demi-dieu par vocation, non sans quelque rivalité contre les droits antérieurs de Dieu le Père, M. Victor Hugo, quoi qu'il puisse penser de lui-même et quelque admiration qu'il inspire aux niais, n'est qu'un homme de

(1) Dans le Gaulois.

phrases, un marchand de paroles bariolées, une cymbale de charlatan... On le dit versatile à tort; il a toujours été fidèle à lui-même et à lui seul, grand-prêtre de l'autolâtrie, prêt à braver tous les martyres anodins dans l'intérêt de son propre culte, et à les monnayer instantanément... Il doit émigrer (aux États-Unis), où Barnum lui tend les bras. » — M. Jules Lemaître, au patriotisme duquel nous sommes tous heureux de rendre le plus sympathique hommage, a dit à son tour avec sa spirituelle finesse : « Ayant vécu dans le siècle qui a le mieux compris l'histoire, Victor Hugo n'en a vuʼrien que le décor et le bric-a-brac, et les papes et les rois lui apparaissent comme des porcs ou comme des tigres. Un homme pour qui Robespierre, Saint-Just, et même Hébert et Marat sont des géants, pour qui Bossuet et de Maistre sont des hommes odieux, et pour qui Nisard et Mérimée sont des imbéciles, cet homme-là peut avoir du génie; soyez sûrs qu'il n'a que cela. » On ne saurait mieux exprimer le manque absolu de bon sens et de tact qui caractérise le grand poète « apocalyptique », comme on l'appelle (1) dans la troisième phase de son évolution.

Il attaque dans Bossuet l'orateur, l'historien, l'évêque, qui aurait été, d'après lui, courtisan, pleutre et persécuteur.

Est-il nécessaire de défendre l'orateur funèbre contre un critique qui le met sur le même pied que l'obscur historien du Bas-Empire Chalcondyle et le Russe Karasmin, faisant l'Eloge de Catherine la Grande? Quant aux « pleurs de crocodile » qu'il aurait versés sur les tombes royales, cette absurbe calomnie s'effondre devant le témoignage des contemporains, qui, tous, nous parlent de la «< bonté », de « la bénignité » et de << l'onction » de Bossuet orateur. « La duchesse d'Orléans fut si touchée, dit Le Dieu (2), de l'Oraison funèbre de sa mère Henriette de France, reine d'Angleterre, qu'elle mit toute sa confiance dans le nouvel évêque. » Qui ne sait avec quelle douce piété Bossuet assista Madame mourante, «< au

(1) Le mot est de M. Brunetière.

(2) Mémoires, p. 127.

milieu de la cour fondant en larmes (1) » ; avec quel « épanchement naturel et prompt de son grand cœur attendri (2) », il prononça l'Oraison funèbre de cette princesse et fut si touchant et si pathétique que, d'après Voltaire lui-même, « il obtint le plus grand et le plus rare des succès, celui de faire. verser des larmes à la cour. Il fut obligé de s'arrêter après ces paroles «< O nuit désastreuse, ô nuit effroyable, où retentit tout à coup comme un éclat de tonnerre cette étonnante nouvelle Madame se meurt; Madame est morte, etc... » L'auditoire éclata en sanglots et la voix de l'orateur fut interrompue par ses soupirs et ses pleurs. » - « Pleurs de crocodile », sans doute, comme ceux que provoqua l'Oraison funèbre de la princesse Palatine, ainsi que l'atteste Le Dieu dans ses Mémoires « Dans l'action même, dit-il, (Bossuet) fut touchant jusqu'aux larmes; les princes et les princesses en pleurèrent, comme je fis aussi et tant d'autres. »> Inutile de parler de

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l'abjuration du duc de Richemond, à propos de laquelle M. de Meaux prêcha le 21 octobre 1685, à Fontainebleau, avec tant d'onction que « la cour fondit en larmes ». Larmes « de crocodile », dirait encore Victor Hugo, comme celles que Chateaubriand versait, lorsque, après avoir lu l'Oraison funèbre du grand Condé, après avoir vu « l'orateur emboucher la trompette épique et donner comme en se jouant un chant d'Homère », il le contemplait « appelant les peuples, les princes, les prélats, les guerriers, au catafalque du héros », et, « s'avançant lui-même avec ses cheveux blancs », pour << faire entendre les accents du cygne, montrer Bossuet un pied dans la tombe, et le siècle de Louis XIV, dont il a l'air de faire les funérailles, prêt à s'abîmer dans l'éternité ».

Si Bossuet orateur est l'homme auquel s'applique le mieux, en dépit de Victor Hugo, le Pectus est quod disertos facit, Bossuet historien n'a pas plus besoin d'être défendu contre les grossières injures de l'auteur de William Shakespeare. Il y a un abime entre M. de Meaux et l'historien Procope, qui,

(1) Mémoires, p. 128.

(2) Le mot est de Sainte-Beuve.

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