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fond dans cette grande âme. On peut le voir par ses Sermons, pleins d'allusions patriotiques : « La France, a-t-on dit en lui appliquant une de ses paroles, la France n'a pas eu d'âme plus française que la sienne. » De là sa charité incomparable pour l'âme royale de Louis XIV, auquel il écrivait en 1675, à propos de Mme de Montespan, deux Lettres de toute beauté, dans leur respectueuse et apostolique franchise; pour l'âme royale de la duchesse d'Orléans, qu'il consolait délicieusement sur son lit de mort; pour l'âme du grand Condé, de la Princesse Palatine, de Mlle de La Vallière, de Mme de Montespan, du maréchal et de la maréchale de Schomberg, du maréchal de Bellefonds, du grand maréchal de Turenne, du duc de Foix, qui, mourant de la petite vérole au point << qu'il ne voyait goutte et que ses mains étaient toutes gâtées », prenait les mains de Bossuet et les lui serrait de joie. Le grand orateur manqua ainsi un de ses sermons de l'Avent de 1665, mais s'acquit aux yeux du roi et de la cour une admiration profonde pour « son bon cœur, qui lui avait fait exposer sa propre vie pour son ami (1) ».

Les âmes des gens du peuple ne lui étaient pas moins chères que celles des grands. Il entendait leurs confessions à Metz avec un zèle qui ne se démentit jamais à Meaux. « Il donnait autant d'application, dit sœur Cornuau, aux personnes peu éclairées et d'un petit génie » qu'aux autres. Un jour, il consacra trois heures à faire faire une confession générale à une âme pénible à entendre, et comme on s'en étonnait: « Eh! pourquoi suis-je fait? dit-il. Cette âme n'a-t-elle pas été rachetée du sang de Jésus-Christ? Et n'est-elle pas l'objet de son amour, comme celle d'une personne d'esprit et de naissance distinguée?»>

Il répondait à Fénelon, qui lui reprochait d'écrire pour la populace: « Où il s'agit d'instruction, l'on ne connaît point de populace; toutes les âmes rachetées sont du même prix. en Jésus-Christ. » Il poussait si loin cet amour des petits, des ouvriers, des vignerons de Meaux, que le médecin Rochard, imbu des préjugés aristocratiques de l'époque, va jusqu'à lui

(1) Le Dieu, Mémoires, p. 93-94.

AUTOUR DE BOSSUET.

T. II.

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reprocher de trop faire pour des gens de si petite condition. Bossuet, dit Le Dieu, « les traitait comme saint Jean avec ces termes de tendresse : « Mes enfants, mes petits enfants, mes bien-aimés ». Il eut la consolation de faire cesser par sa charité, entre plusieurs désordres parmi ce peuple, celui des rendez-vous de Bemcelle, qui étaient la ruine des familles et la source de leurs divisions (1). » Il courait à Versailles pour demander et obtenir, tantôt la grâce de sept à huit protestants condamnés à mort, après une sédition, tantôt celle d'un berger, coupable d'homicide.

Et les pauvres, mes Frères, comme il en a fait admirablement ressortir « l'éminente dignité »>! Comme à Metz, à Paris, à Meaux, il s'est constitué « l'avocat » des déshérités de la fortune, de ses « très chers et très honorés frères» en JésusChrist! Comme il a plaidé leur cause, sans se lasser jamais et en tonnant contre le « riche superbe et impitoyable »>!<< Ne tremble-t-on pas de porter sur soi la subsistance, la vie, le patrimoine des pauvres? (2)... Et tu ne sens pas, misérable, que la cruauté de ton luxe arrache l'âme à cent orphelins, auxquels la Providence divine a assigné la vie sur ce fonds (3)? »

Telle était son éloquence à la cour, en 1662, qu'après l'avoir entendu, la princesse de Conti vendit pour 60.000 livres de pierres précieuses afin de secourir les pauvres. - A Meaux, il allait lui-même visiter les hôpitaux; «< il entrait dans une grande connaissance des maladreries », établissait partout des sœurs de saint Vincent de Paul et des Dames de charité. C'était sa plus grande joie, avec celle de secourir les pauvres personnellement, surtout en 1693 et 1699, années de misère, où il se dépouilla de tout et refusa de l'argent à son neveu, pour mieux «< subvenir aux besoins des indigents ».

Qu'on ne nous parle donc plus comme d'une nouveauté du zèle démocratique qui « va au peuple ». Il y a dix-neuf siecles que l'Église «< va au peuple », et Bossuet savait y aller admirablement.

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Les âmes de ses religieuses, d'une Mme d'Albert, dans son exquise distinctión; d'une Mme de Luynes, d'une Mme du Mans, d'une sœur Cornuau, de Mines de Lusancy, de la Maisonfort, de Béringhen, lui semblaient la part la plus belle de son troupeau.

Mais elle ne lui faisait point oublier les âmes des frères errants, des calvinistes de son diocèse et de toute la France. Le roi, les évêques des provinces même les plus éloignées, lui envoyaient des familles entières pour les convertir. Il était en relation avec les protestants d'Allemagne, de Hollande, de Suisse, de Suède, d'Angleterre, et lui-même écrivait au chancelier d'Écosse, milord Perth, qu'il serait ravi d'aller en Angleterre pour ramener au catholicisme l'ile des Saints, dont il aimait à pressentir le retour dans le giron de l'Église.

Quelle âme d'apôtre que celle de notre grand Bossuet, qui embrassait l'univers dans sa sollicitude épiscopale, rêvait de réunir les églises d'Allemagne à l'Église romaine et y travaillait longtemps, avec l'abbé de Lockum, Molanus, avec Leibniz, avec Louis XIV, avec le Pape Clément XI, qui lui demandait en 1702 un Mémoire à ce sujet! La politique, hélas! et la guerre empêchèrent le succès d'une entreprise bien digne de tenter le grand cœur de Bossuet, comme elle a tenté le grand cœur de Léon XIII, ainsi que le disait à Rome même M. Brunetière.

La

La charité de M. de Meaux était aussi douce et bénigne qu'universelle et ardente, et rien de plus faux que l'opinion, malheureusement trop répandue, qui l'accuse de raideur, de dureté, d'allure autoritaire, superbe et dominatrice. douceur évangélique de Bossuet vit et palpite encore dans les portraits qui nous restent de lui dans le portrait peint par Mignard et qui représente Bossuet jeune évêque; dans le portrait gravé par Nanteuil en 1674; dans le portrait signalé par M Bellet, à Tain dans la Drôme, chez les de Gallier; dans les derniers portraits peints par Rigaud et le buste de Coysevox, où Sainte-Beuve trouvait « une expression de feu, d'intelligence et de bonté, la figure la plus digne de l'homme, selon qu'il est fait pour parler à son semblable et pour regarder

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les cieux >>. La douceur évangélique de Bossuet nous est attestée par tous ses contemporains et d'abord par ses condisciples de Dijon et de Navarre, dont il « se fit des amis fidèles pour toute sa vie », quoiqu'il « les surpassât tous, mais sans leur donner de jalousie, dit Le Dieu, parce qu'il était doux ». Les témoins de ses premières prédications à Metz disent qu'il avait l'esprit de saint Augustin, de traiter les errants avec paix et douceur », et qu'il s'appliquait << avant toute chose, dit Le Dieu, à rendre l'Église douce et aimable »>, si bien que le ministre Paul Ferri, dont Bossuet avait réfuté le Catéchisme, voulut avoir avec lui, en 1665-1666, des conférences préparées par la correspondance la plus cordiale: il se serait converti, sans les menaces violentes de ses coreligionnaires. L'archevêque de Paris, Hardouin de Péréfixe, présentait l'abbé Bossuet aux religieuses récalcitrantes de PortRoyal comme « un homme savant et le plus doux du monde ».

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Nicolas Colbert, évêque de Luçon, parlait de même, et Me de La Fayette disait, en 1670, à propos de M. de Condom: << C'est l'homme le plus doux, le plus franc qui ait jamais été mis à la cour. >> Mlle de La Vallière écrivait, en 1674, au maréchal de Bellefonds : « C'est un homme admirable par son esprit, par sa bonté, par son amour de Dieu. » Le terrible Saint-Simon, après avoir constaté que Bossuet était «< d'une modestie parfaite, d'une douceur charmante », y revient encore et affirme que ce prélat était «< doux, humain, affable, de facile accès et fort aumônier ». - Le Mercure galant, le P. Campioni, le P. de La Rue, parlent de « sa bénignité » en harmonie parfaite avec le nom de Bénigne qu'il portait si bien.

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Le Dieu, dans ses Mémoires, dans son Journal, insiste à chaque page sur « la douceur », sur « la mansuétude de Bossuet pour sa famille, ses amis, ses domestiques même », qu'il excusait par bonté. Il avait gagné le cœur de tous ses prêtres, en allant assister à leurs conférences, « où są bonté et sa douceur se faisaient particulièrement remarquer », où il leur parlait, dit encore Le Dieu, « avec une douceur paternelle et une charité pastorale ». Il était désolé, en 1700, d'avoir à sévir contre un pauvre prêtre coupable, et il le fit sans porter atteinte à la réputation de douceur que lui avait value tout

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son épiscopat. « Les étrangers mêmes qui l'ont fréquenté, dit Le Dieu, ont connu et senti cette douceur », et le chancelier d'Écosse, milord Perth, «< qui avait recours au saint..., et non pas au grand homme », était si ravi de ses lettres << pleines de bonté », de ses lettres « très divines », disait-il, qu'il << aurait acheté avec joie trois heures de conversation avec lui, en allant nu-pieds jusqu'à Meaux et demandant son pain durant tout le chemin (1) >>.

Qu'on ne nous parle donc plus de la hauteur, de « l'âpreté », de l'opiniâtreté de Bossuet dans l'affaire du Quiétisme. C'est oublier que, pendant quatre ans, il couvrit du manteau de sa charité fraternelle les erreurs de Fénelon, qui, sans cette discrétion, n'eût jamais été nommé archevêque de Cambrai : il ne voulut avoir d'autre prélat consécrateur que Bossuet, dont il se disait «<le petit enfant », « le petit écolier ». Au début de la querelle, pendant un an et demi, Bossuet sè tint toujours sur le terrain théologique, et il n'en vint aux personnalités que poussé à bout et pour se défendre de l'accusation d'avoir violé le secret de la confession (2), crime le plus horrible dont on puisse accuser un prêtre. « Je n'en suis point touché par rapport à moi, écrivait-il pourtant (3); je n'en souffre que par rapport aux fidèles », qu'on égare par des théories. << où il y va de toute la religion >>. S'il lui échappe un mot sur Priscille et Montan, qui peut blesser son adversaire, il l'explique et le rétracte aussitôt, en montrant qu'il n'a jamais attaqué la moralité de son confrère (4).

Comparez sa polémique contre Fénelon avec celle de saint Bernard contre Abélard, avec celle de saint Jérôme contre saint Augustin: vous verrez que le plus doux des polémistes, ce ne sont pas ces saints, c'est notre grand évêque, que pour

(1) Lettre du 25 juillet 1681.

(2) « Ce que dit M. de Cambrai sur le sujet de la confession est incompréhensible, ma fille, écrit Bossuet le jeudi soir (juin) 1698, à MTM d'Albert de Luynes. Il sait bien en sa conscience que je ne l'ai jamais confessé. Je ne sais ce qu'il veut dire de sa confession par écrit. Il n'articule rien de net, et il tâche seulement de donner l'idée d'un crime capital dont il m'accuse. >>

(3) Le 9 octobre 1698 à sœur Cornuau.

(4) Voir plus haut, p. 184-185.

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