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tant nous ne canonisons pas. Et que serait-ce, si l'on rapprochait des polémiques violentes de tel grand journaliste de notre siècle contre un illustre évêque les Lettres de Bossuet, << aussi tendre pour les personnes qu'inflexible contre la doctrine », de Bossuet qui pouvait dire : « Niez hardiment que j'en sois capable (d'emportement) »; de Bossuet, qui, aussitôt après sa victoire, envoya un de ses grands vicaires à Cambrai, et duquel il ne dépendit point que la querelle se terminât. par une réconciliation, au lieu de se terminer par la lettre dure et hautaine de Fénelon, rejetant l'honneur de faire l'oraison funèbre du grand Bossuet?

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Bossuet, dit excellemment un libre penseur (1), « était tout amour et toute charité », et c'est là la cause de la souveraine efficacité de son zèle apostolique, que font trop oublier ses autres gloires. Dès 1652-53, le jeune archidiacre de Sarrebourg visitait les six archiprêtrés ou doyennés placés sous sa dépendance, y voyait « les errants », les traitait avec mansué tude, «<les attirait par la douceur, par l'insinuation, comme faisaient les saints Pères» (2), et il obtenait un grand nombre d'abjurations, entre autres celle d'un avocat fameux, Gaspard de Lallouette, pour lequel il prêchait à Toul un éloquent sermon, le 27 avril 1653. - La Réfutation du Catéchisme de Paul Ferri par le jeune archidiacre de Metz, en 1655, se terminait par un si pathétique appel aux « frères errants » que « tout le parti huguenot en fut ébranlé » et que le Journal des Savants (8 septembre 1704) et les Mémoires de Niceron nous attestent qu'un grand nombre de réformés quittèrent le prêche pour l'Église catholique. Ce qui est encore plus méritoire, c'est que Bossuet, par ses sermons sur Jésus-Christ objet de scandale et sur le Messie promis, attirait et convertissait les Juifs à Metz, entre autres les deux frères de Veil, dont l'un même devint prêtre, mais pour passer, hélas! trente ans plus tard, à l'anglicanisme, malgré les larmes de Bossuet. Supérieur du Séminaire de la Propagation de la foi, Bossuet lui envoyait

(1) M. Lanson, Bossuet.

(2) Le Dieu, Journal, 13 avril 1703.

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en foule des nouvelles catholiques, ou des protestantes et des juives prêtes à abjurer.

Son ministère. à Paris ne devait pas être moins fécond. Sans parler de la reine mère Anne d'Autriche, qu'il assista à ses derniers moments, de la duchesse d'Orléans, qu'il ramena d'une vie légère à une vie très pieuse, quel mérite que celui d'avoir arraché au monde, pour les donner à Dieu, des âmes comme celles de Mlle de La Vallière, de Mme de Montespan, de La Rochefoucauld, « mourant entre ses mains », comme dit Mme de Sévigné, de Louis XIV, retiré de l'adultère et du désordre, de la princesse Palatine et du grand Condé, rappelés de si loin à la piété la plus édifiante! Quelle gloire que celle d'avoir fait abjurer le ministre luthérien Besson, le marquis de Dangeau, son frère le marquis de Courcillon, leur nièce Mlle de Péray, le grand maréchal de Turenne, ses neveux, les comtes de Lorge et de Rozan, leur sœur, Mlle de Duras, Pellisson, le ministre Rossel, « l'un des plus considérables du royaume » et son fils! L'Exposition de la doctrine catholique sur les matières de controverse, « ce livre d'or », comme l'appelaient l'évêque de Paderborn et Leibniz, amena les abjurations par milliers on en compta 30.000 en France, en 5 ans, de 1677 à 1682, et votre compatriote Brueys avouait que « son changement était dû uniquement à l'Exposition ellemême et aux efforts qu'il lui avait fallu faire pour y répondre ». Qui saura jamais « le nombre infini », dit Le Dieu, de luthériens et d'anglicans qu'elle convertit en Italie, en Allemagne, en Suède, en Hollande, en Écosse, en Angleterre, où les traductions du livre de Bossuet se multiplièrent en peu de temps et produisirent des effets si heureux que le ministre protestant Jurieu s'écriait : « Le monde s'entête de l'Exposition; l'on ne voit de toutes parts que des chutes scandaleuses. >> A cet hommage involontaire et forcé s'ajoute celui de milord Perth, qui, converti avec toute sa famille, comme son ami de Bordes et le duc de Richemond, fils naturel de Charles II, pouvait écrire en 1685 à Bossuet : « Vous êtes comme un autre saint Paul, dont les travaux ne se bornent pas à une seule nation et à une seule province; vos ouvrages parlent présentement en la plupart des langues de l'Europe, et vos

prosélytes publient vos triomphes en des langues que vous n'entendez pas. »

L'Histoire des Variations, en 1688, produisit à son tour de merveilleux effets, dans le Languedoc surtout, où les intendants et le clergé la donnaient aux nouveaux convertis et où le P. de La Rue attestait à Bossuet lui-même, en 1701, << qu'elle portait de grands fruits ». Elle convertissait l'anatomiste danois Winslow, qui abjura entre les mains de Bossuet, et tel était son succès dans les pays protestants que, quarante ans après son apparition, les ministres la réfutaient encore, tout comme Jurieu, Basnage et tant d'autres l'avaient fait aux premiers jours, pour en paralyser les effets.

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Mais c'est à Meaux surtout que Bossuet multipliait les conversions, parce que « jamais évêque n'y apporta plus de douceur et de modération ».-M. et Mme de Séguier, gentilshommes huguenots, ayant reçu des dragons, Bossuet fait venir les deux époux à l'évêché, les instruit et reçoit leur abjuration. Il apprend un jour que les protestants sont réunis très nombreux; il s'y rend aussitôt, et comme ils s'effrayent à sa vue, il les rassure : « Mes enfants, leur dit-il, où sont les brebis, le pasteur doit y être, pour les ramener au bercail. » Et alors il les interroge, les instruit, et les gagne à l'Église. Il fait si bel et si bien que, sur 3.000 religionnaires restés dans son diocèse après la révocation de l'Édit de Nantes, il en convertit 2.400, comme il l'écrivait dans un Mémoire de 1700 au comte de Pontchartrain, en lui demandant un asile pour les demoiselles de Neuville, de Chalendos et de Maulien, nouvelles catholiques sans ressource aucune.

N'est-ce pas un résultat magnifique, sans parler de l'abjuration de tant d'autres protestants et ministres, comme le procureur royal de Strasbourg, Obrecht, les ministres Saurin et Papin et leurs femmes, réfugiés à l'évêché de Meaux? Le Dieu nous montre Bossuet toujours entouré à Meaux, à Germigny, à Versailles, à Paris, de ministres venus de tous les pays de l'Europe et qu'il conquiert « par la simplicité et la candeur avec laquelle » il les instruit.

Le xvII° siècle n'a pas eu de convertisseur, d'apôtre comparable à ce grand homme, dont le dernier triomphe éclatant

eut lieu en 1703, à propos du Cas de conscience; il obtint la rétractation de presque tous les quarante docteurs jansenistes qui l'avaient signé, et il eut ainsi la joie de voir « la secte >> << enrager >> contre lui, tandis que l'emportait <<< la soumission entière et absolue » à l'Église et au Pape.

La voilà donc, cette grande âme sacerdotale et épiscopale, « à jamais à regretter », comme parle Saint-Simon. La voilà dans toute la rayonnante beauté de ses vertus intérieures et de ses vertus extérieures. La voilà telle qu'il faut la connaître 'afin de comprendre pourquoi milord Perth et sœur Cornuau appelaient M. de Meaux «< un saint », non pas un saint à mettre sur les autels, il n'a point fait de miracles, mais un saint dans l'acception ordinaire de ce mot, un saint d'une humilité héroïque, un saint pur et pieux «< comme un ange », un saint à la charité ardente, comme celle d'un Vincent de Paul, à la charité douce et attirante, comme celle d'un François de Sales, à la charité apostolique et convertissante, comme celle d'un saint Paul.

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Faut-il s'étonner que le cardinal de Noailles, prié de bénir Bossuet mourant, se soit écrié : << Mais c'est plutôt à moi de recevoir la bénédiction de M. de Meaux, et je la lui demande. »

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Et les deux bénédictions s'échangèrent sur ce lit de mort. Ah! vous pouvez mourir, ô grand évêque, en édifiant votre entourage par votre héroïque résignation au milieu des souffrances les plus atroces; vous pouvez mourir, en vous faisant relire cent fois le discours de la Cène, dans saint Jean, et en répétant sans cesse: Fiat voluntas tua. Votre vicaire général, M. de Saint-André, disait, en vous fermant les yeux : <«< Mon Dieu! que de lumières éteintes! et quel brillant flambeau de moins dans votre Église! » Non, ce « flambeau »>, ces<< lumières » ne sont pas éteints. La France et l'Église vous voient briller même avec plus d'éclat que par le passé.

La France admire en vous « la voix la plus éloquente » qui fut jamais, le plus grand nom et le plus grand écrivain de la littérature française, l'esprit « dont la cime est la plus haute », la plus lumineuse et la plus sereine.

L'Église, après vous avoir proclamé, par la voix de Massillon, « l'homme de tous les talents et de toutes les sciences ». reconnaît en vous l'homme de toutes les vertus et vous appelle avec Léon XIII « notre grand Bossuet », gloire immortelle et immortel idéal de l'épiscopat et du clergé français!

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