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et dispose à son gré de l'autorité royale, dont on peut dire qu'il est le dépositaire à cet égard. » Il faut reconnaître pourtant que le principal instigateur de la révocation de l'Édit de Nantes, 22 octobre 1685, ce fut le chancelier Le Tellier avec son fils Louvois.

Mais si Bossuet n'est pour rien dans une révocation qui nous paraît aujourd'hui si regrettable, on ne peut nier qu'il l'ait désirée comme tous les catholiques du temps. Dès 1662, dans son Sermon sur les devoirs des rois, il souhaitait que Louis XIV pût « éteindre dans ses États les nouvelles partialités. (Voilà pour le jansénisme.) Et quel serait notre bonheur, quelle serait la gloire de vos jours, si vous pouviez encore guérir toutes les blessures anciennes! » (Voilà pour le calvinisme.) — Bossuet avait une raison de plus que l'immense majorité de ses contemporains de désirer la révocation de l'Édit de Nantes : c'était, ainsi qu'il l'écrivait à Nicole, le 7 décembre 1691, « le triste état de la France, lorsqu'elle est obligée de nourrir et de tolérer sous le nom de Réforme tant de sociniens cachés, tant de gens sans religion et qui ne songent, de l'aveu même d'un ministre, qu'à renverser le christianisme. Je ne veux point raisonner, ajoutait-il, sur tout ce qui s'est passé en politique raffiné. J'adore avec vous les desseins de Dieu, qui a voulu révéler par la dispersion de nos protestants ce mystère d'iniquité, de purger la France de ces monstres (les sociniens) ».

Saint François de Sales est assurément le plus doux des hommes. Et pourtant, après la conversion du Chablais, dont il avait été l'apôtre, il approuva, recommanda même par un mémoire spécial les mesures prises par le duc de Savoie : toutes les églises et tous les biens d'Église restitués au clergé du diocèse; l'exercice du culte protestant interdit; les ministres expulsés; ceux des principaux bourgeois qui s'étaient obstinément refusés à entendre les prédications catholiques mis en demeure ou de se laisser instruire ou de quitter le pays dans un délai déterminé. La révocation de l'Édit de Nantes en 1685 n'a rien de plus dur, sauf les dragonnades qui l'ont précédée et suivie.

Il est certain encore que Bossuet a glorifié la révocation de

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l'Édit de Nantes, « ce miracle de nos jours », comme il l'appelle dans l'Oraison funèbre de Michel Le Tellier, où il entonne une hymne en l'honneur de Louis XIV, «< ce nouveau Constantin, ce nouveau Théodose, ce nouveau Marcien, ce nouveau Charlemagne ». Mais cet enthousiasme n'était-il pas commun à tous les catholiques de France, comme on peut le voir par les actions de grâces hyperboliques que la révocation de l'Édit de Nantes provoquait de la part de Fléchier, un évêque très doux pourtant, et par les applaudissements que lui donnaient les jésuites, Fénelon, Racine, Boileau, La Bruyère, Mme de Sévigné, La Fontaine, qui, certes, n'était ni fanatique ni féroce?

Est-ce que l'esprit du temps n'explique pas toutes ces choses, qui nous étonnent aujourd'hui ? Est-ce que les protestants d'Angleterre, de Hollande, de Suède et d'Allemagne n'étaient pas encore plus durs pour les catholiques que Louis XIV pour les protestants? Demandez-le plutôt à l'Irlande, contre laquelle venaient d'être votés, en 1673, le Bill de Test, qui interdisait à tout catholique d'être fonctionnaire, à moins de renier sa foi en l'Eucharistie, et, en 1678, la mesure qui excluait les catholiques de la Chambre des lords et de celle des Communes, exclusion qui n'a été retirée qu'en 1829, grâce à Daniel O'Connel, le libérateur de l'Irlande.

. Aussi Bossuet n'avait-il aucune peine à justifier comme théologien le droit royal de travailler contre les hérésies: les protestants eux-mêmes le soutenaient et s'en servaient. couramment. « J'ai vu dans une lettre à Mlle de Vrillac, écrivait Bossuet le 3 avril 1686, au frère de cette personne réfugié en Hollande, que la vraie Église ne persécute pas. Qu'entendez-vous par là, Monsieur? Entendez-vous que l'Église par elle-même ne se sert jamais de la force? Cela est très vrai, puisque l'Église n'a que des armes spirituelles. Entendez-vous que les princes, qui sont enfants de l'Église, ne se doivent jamais servir du glaive que Dieu leur a mis en main pour abattre ses ennemis? L'oseriez-vous dire contre le sentiment de vos docteurs eux-mêmes, qui ont soutenu par tant d'écrits que la république de Genève avait pu et dù condamner Servet au feu pour avoir nié la divinité du Fils de

Dieu? Et sans me servir de l'exemple et de l'autorité de vos 'docteurs, dites-moi en quel endroit de l'Écriture les hérétiques et les schismatiques sont exceptés du nombre de ces malfaiteurs contre lesquels saint Paul a dit que Dieu même a armé le bras des princes (Rom., XIII, 4)! Et quand vous ne voudriez pas permettre aux princes chrétiens de venger de si grands crimes, en tant qu'ils sont injurieux à Dieu, ne pourraient-ils pas les venger en tant qu'ils causent du trouble et des séditions dans les États? »

Bossuet pourra dire la même chose dans l'Histoire des Variations (1. X, 56), sans être contredit ni par Basnage ni par Jurieu, son insulteur habituel : « Je n'ai pas besoin de m'expliquer sur la question de savoir si les princes chrétiens sont en droit de se servir de la puissance du glaive contre leurs sujets ennemis de l'Église et de la saine doctrine, puisqu'en ces points les protestants sont d'accord avec nous. Luther et Calvin ont fait des livres exprès pour établir sur ce point le droit et le devoir du magistrat (1). »

Aussi M. Petit de Julleville, dans son Histoire de la Langue et de la Littérature française (III, p. 324), montre-t-il clairement que «< rien n'est plus faux que de se figurer que la Réforme s'est faite au nom de la liberté, de la tolérance, alors que tous les chefs, sauf Castellion, les avaient en horreur. Partout où Calvin était le maître ou le plus fort, à Genève, en Béarn, en Angleterre, il établissait ou faisait établir l'extermination de toute doctrine opposée à la sienne, comme l'exige formellement l'Institution chrétienne » (p. 684 de l'édition de Genève, 1888). - Ne sont-ce pas les docteurs protestants, empressés à tout permettre aux princes réformés, qui ont énoncé ce principe odieux et méprisant pour le peuple, auquel il impose la religion du maître : « Cujus regio ejus religio La religion à suivre dans un État est celle du chef de l'État »? Aussi Louis XIV n'eut, semble-t-il, qu'à se souvenir des ordonnances de sa bisaïeule, Jeanne d'Albret, en 1571, pour y trouver les dispositions qu'on lui a tant reprochées

(1) Il aurait pu citer Théodore de Bèze, qui disait « que la liberté de conscience est un dogme diabolique Libertas conscientiis dogma diabolicum v.

contre les protestants : la reine de Navarre ordonnait à tous ses sujets d'assister aux prêches, sous peine, pour la première infraction, d'une amende de 5 à 10 sous, pour la seconde de 5 à 19 livres, et pour la troisième de la prison, sans parler de peines plus graves, si la rébellion était obstinée.

Étant donnée l'adhésion presque unanime des protestants comme des catholiques du XVIIe siècle au principe de la coercition, permise contre les hérétiques aux pouvoirs régulièrement constitués, « tout ce qu'on peut demander aux prêtres modérés de ce temps, dit M. Rébelliau (1), c'est d'avoir été aussi inconséquents qu'ils le pouvaient ». Inconséquents, non; mais doux et charitables autant que le demande l'Évangile. Bossuet, qui avait été si charitable à Metz pour les protestants, << en condamnant leur erreur sans s'aigrir contre leurs personnes » (2), que le ministre Paul Ferri recherchait des conférences avec lui en 1665-1666, que Le Blanc de Beaulieu, l'avocat Lallouette, Dangeau, Turenne, de Lorges, de Duras, Mile de Duras, Claude lui-même (3), avaient été conquis par la discrétion de ses procédés, par «< ses manières honnêtes et chrétiennes, par les voies évangéliques >> qu'il employait ce sont les propres expressions d'un protestant (4) Bossuet, qui, dès 1660, disait dans le Panégyrique de saint François de Sales, à propos des protestants qu'il appelait « nos frères errants » « Rappelons-les, non par des contentions échauffées, mais par des témoignages de charité », Bossuet n'eut garde d'oublier ces principes à l'occasion de la révocation de l'Édit de Nantes.

VI

Quelques jours avant cette révocation, au synode de septembre 1685, il disait aux prêtres de son diocèse, d'après

(1) Bossuet historien du protestantisme, p. 300.

(2) Sermon pour la véture d'une nouvelle catholique (Purification),

1654.

(3) Bossuet ne s'opposa point à l'impression de la relation qu'avait faite M. Claude de leur Conférence (1679, Lettre du 10 avril).

(4) Du Bourdieu dans de Bausset, Histoire de Bossuet, X, 16.

Raveneau, curé de Saint-Jean-les-Deux-Jumeaux, qui rapporte les paroles de son évêque, que, «< si les gens du roi usaient de contrainte, ils étaient tenus, eux prêtres, à beaucoup de ménagements. Il ne faut, ajoutait-il, que de la douceur de notre part, à nous qui sommes les dispensateurs des miséricordes. de Dieu, et non les exécuteurs de ses vengeances ».

On ne saurait être plus évangélique. Aussi de quel cœur. n'écrivait-il pas quelques jours plus tard, le 17 octobre 1685, à M. de Vrillac, qui était parti pour la Hollande, afin de le prier, de le « conjurer » de « revenir » se jeter dans « les bras toujours ouverts » de « son véritable pasteur prêt à le recevoir cordialement (1)»! Malgré une réponse très dure, il renouvelait ses instances le 3 avril 1686, avec « la simplicité d'un frère qui cherche à gagner son frère (2) ».

Est-ce là le fait d'un « persécuteur », d'un homme «< féroce »? Qu'on lise la Lettre de Bossuet écrite, le 2 mars 1686, à un juif retiré en Angleterre et revenu à ses erreurs, après les avoir abjurées. Le grand évêque, désolé, supplie le fugitif de croire qu'il trouvera toujours en lui « un appui très sûr pour toutes choses, un ami, un frère, un père qui ne l'oubliera jamais,

(1) Voici la première Lettre de Bossuet : « Autant que j'eus de joie, quand M. le C. de La T., votre parent, me vint dire de votre part que vous vouliez rentrer dans l'Église, autant fus-je surpris et affligé, quand j'appris qu'au lieu d'exécuter ce pieux dessein, vous étiez sorti du royaume... Je ne veux point me jeter sur la controverse; je vous écris seulement pour vous inviter à revenir et à ramener ceux que vous pourrez, même M. Le Sueur. Vous me trouverez toujours les bras ouverts, et je n'oublierai rien de ce que je pourrai faire pour votre service... Revenez donc encore une fois, je vous en conjure je ne cesserai de vous rappeler par mes vœux et par mes prières, étant cordialement et avec l'esprit d'un véritable pasteur, »> etc.

(2) « Je continue de vous écrire, lui disait-il, sans me rebuter de la réponse que vous avez faite à ma première lettre. J'y ai trop reconnu un caractère étranger et un style de ministre pour vous l'attribuer; en un mot, j'ai senti qu'elle ne venait pas d'un esprit comme le vôtre; mais quand elle en serait venue, je ne cesserais pas pour cela de vous inviter au retour... Excusez les endroits où mon écriture paraitra un peu brouillée : il vaut mieux que vous voyiez la simplicité d'un frère qui cherche à gagner son frère, que la politique d'un discours étudié. Venez et assurez-vous que je ferai tout pour votre personne, que j'estime et qui m'est chère, et que je suis cordialement, » etc.

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