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On voit après cela quel cas il faut faire des allégations de Frotté, curé-prieur de Souilly, au diocèse de Meaux, dans les Motifs de sa conversion. M. Stapfer, quoique protestant, ne les trouve que « probables », dans son Bossuet, Adolphe Monod, et M. Rébelliau parle du « factum » de ce renégat, personnage peu sympathique, visiblement porté à l'exagération », comme d'une preuve insuffisante. Pourtant, l'auteur de Bossuet historien du protestantisme retient comme vraie une mesure violente, « une seule », attribuée à Bossuet: l'arrestation de «< Cochard père et fils », le 2 avril 1685. Mais cette arrestation, postérieure à la lettre pastorale du 24 mars, est démentie par la lettre du 26 mai au P. Johnston. D'ailleurs, la dépêche de Pontchartrain, adressée à M. de Mesnards, qu'on donne comme probante contre l'évêque, n'établit-elle pas que c'est l'intendant, et non Bossuet, qui a « sollicité » l'arrestation du père et du fils Cochard, qui, du reste, ayant abjuré, furent aussitôt relâchés? M. Rébelliau lui-même se demande (p. 302-303) si l'initiative des mesures de rigueur dont on parle appartenait à Bossuet, et s'il n'a pas eu «< la main forcée », soit « par les ministres », soit par l'intendant de Meaux, soit par des collaborateurs, qui pouvaient être aussi des surveillants et des « espions ».

VII

Ce que Bossuet préférait aux violences, qu'il réprouva toujours, c'étaient les prédications. Elles réussissaient à merveille, parce que l'évêque payait de sa personne et gagnait les esprits et les cœurs. Il y avait 1.500 familles huguenotes dans le diocèse de Meaux, d'après le Mémoire de la généralité de Paris; il en sortit 1.000; il en resta 500, ce qui faisait environ « 3.000 religionnaires, dit Le Dieu, (qui n'étaient) que des gens de basse condition, la plupart pauvres vignerons, ignorant même les premiers principes de la religion et le catéchisme, trop entêtés dans leur ignorance, et qui ne pouvaient être ramenés que par une longue patience et par des instructions particulières et personnelles ». Bossuet les leur donna « dans des conférences réglées, à Meaux, à l'évêché,

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où il les faisait venir », puis dans « des conversations particulières», qui succédèrent aux conférences publiques, et « où l'on appelait tantôt une famille ou tantôt une autre, ce qui réussit mieux ». Ajoutez à cela les missions où Bossuet lui-même prêcha pour les protestants à Claye, à Compans, au Mesnil-Amelot, en 1686; à Charny-en-France, à Nanteuille-Haudoin, à Monthyon, en 1687; à Joui-le-Châtel, à Crouy, en 1688; à Bouleurre, à Silly, en 1689; à Meaux, en 1692, où « M. l'évêque prêcha bien l'espace de quinze jours ». « Tous les convertis de Crégy, dit le même témoin oculaire, Rochard, étaient ravis de l'avoir vu en chaire et entendu. » Le Dieu nous le représente « allant lui-même partout et instruisant en public et en particulier ».

Un jour, Bossuet apprend que, malgré les ordres du roi, les protestants se sont réunis; il y court, et comme on s'effraye à sa vue : « Mes enfants, leur dit-il, où sont les brebis, le pasteur doit y être. Mon devoir est de chercher les brebis égarées et de les ramener au bercail. De quoi est-il question aujourd'hui? » Et il les écoute, les réfute, les ramène à la vérité.

Un autre jour, dit Le Dieu, « il se fit une grosse assemblée de sept à huit mille hommes ou femmes religionnaires au milieu de la paroisse de Nanteuil (1), près de Meaux. Quelques-uns des plus rebelles arrêtés, leur procès instruit, il y eut la peine de mort prononcée contre trois ou quatre. M. de Meaux fit surseoir à l'exécution par son autorité et par ses sollicitations à la cour. Il obtint même leur grâce, par une lettre du ministre de la maison du roi, le 14 juin 1688. Il y avait des femmes coupables aussi bien que des hommes. Il fit modérer les peines des uns et des autres, qui furent presque toutes réduites à une amende honorable devant l'église et au bannissement. En d'autres rencontres, il employa tout son crédit pour tirer de la mort des malheureux, et entre autres un pauvre berger de Monthyon, qui avait tué un homme sans malice. Il y aurait plusieurs exemples semblables à rapporter (2) ».

(1) Et non pas de Lisy, comme le dit M. Druon dans un livre d'ailleurs excellent, Bossuet à Meaux. Paris, Lethielleux.

(2) Mémoires, I, p. 290.

Si, après cela, on n'est point convaincu que Bossuet « la haine», Bossuet « féroce » « bénissait Montrevel », poussait << Boufflers aux dragonnades », et, « sinistre, applaudissait >> les « grands bouchers de l'autel et du trône », « les ménades, les bacchantes du meurtre »,... c'est que l'on préférera l'histoire vraie aux hallucinations sanglantes de Victor Hugo.

Toujours est-il que, sur 3.000 religionnaires, 2.400 se convertirent, comme Bossuet le constatait en 1700, dans un Mémoire à M. le comte de Pontchartrain, pour les réunis de son diocèse. Frotté lui-même, le renégat Frotté, prétend avec une mauvaise humeur apparente « qu'en moins de deux heures Bossuet les persuadait de tous les mystères de l'Église romaine ». L'évêque de Meaux, plus modeste, avoue qu'il a conquis les «< frères errants » par des missionnaires, des prêtres, des maîtres, des maîtresses, qu'il veut multiplier. « Il n'y a rien de plus nécessaire que les livres français, ajoutet-il, pour le bon succès de l'ouvrage; j'en ai composé exprès pour cela, et j'ai répandu plus de deux mille exemplaires de mon Catéchisme, de prières et d'autres ouvrages. J'ai pris des mesures pour en faire des impressions au moindre prix qui se pourra, et s'il plaisait à Sa Majesté de nous aider dans ce dessein si nécessaire, une somme de mille écus nous mettrait au large, afin que personne ne manquât d'instruction. >>

Des livres au lieu de « dragonnades », voilà ce que Bossuet sollicite et obtient de la cour. Et pourtant, d'après l'Ane Patience, ou Victor Hugo qui le souffle,

Bossuet est feroce et Fenelon est tendre.

Oui, « tendre », profondément « tendre », comme l'atteste sa Correspondance, toute pleine de « surnoms familiers par lesquels sa tendresse s'approprie, pour ainsi dire, son objet : c'est mon cher Panta (Pantaléon de Beaumont, son neveu), mon cher Fanfan (le marquis de Fénelon, encore un neveu), mon cher bonhomme, la petite duchesse, le « bon », « les marmots », les << deux bambins », les « ex-bambins » (ses petitsneveux). Eh bien, cet homme si « tendre », pendant ses missions de Saintonge et de Poitou, écrivait à Seignelay des

Lettres et un Mémoire, publié par M. Gazier, où il demande contre les protestants « une autorité vigoureuse et toujours vigilante », sinon pour « leur faire du mal », du moins pour leur faire << sentir une main toujours levée », prête à « leur en faire ». « Je ne puis, Monsieur, écrit-il le 21 avril 1686, m'empêcher de vous dire en secret que, pour finir, il faudrait choisir en chaque lieu certains esprits envenimés et contagieux qui retiennent tout le reste... et les exiler dans le cœur du royaume... Dans cet exil, ils serviraient d'otages pour leur famille, qui ne pourraient déserter. » Si Victor Hugo, qui écrivait un jour :

Oh! n'exilez personne! Oh! l'exil est impie,

trouve de la «< tendresse » dans Fénelon, quelle incomparable charité ne doit-il pas reconnaître en Bossuet, qui, à la même époque, au lieu « d'exiler » des «< otages », rappelait instamment les fugitifs, leur ouvrait son palais épiscopal comme un refuge assuré et arrachait à la mort les rebelles condamnés par la justice du roi?

« Mais, dit-on, n'a-t-il pas demandé à Pontchartrain d'enfermer aux Nouvelles Catholiques les demoiselles de Chalendos (et non pas de Chalendes) et les demoiselles de Neuville? Quelle horreur! »> Horreur? non, certes; mais simplement acte de charité épiscopale, assurant un asile et du pain à de pauvres orphelines sans foyer et sans ressources aucunes. Lisez la lettre à Pontchartrain: « Il y a aussi les trois demoiselles de Neuville, sans père et sans mère, dont le frère est en Angleterre, au service du roi Guillaume. Elles n'ont rien, non plus que les demoiselles de Chalendos. » Le cœur de l'évêque réclame pour des enfants abandonnés un refuge que « Sa Majesté a eu la bonté de lui faire espérer ».

sur

Quant au nommé Baudoin et à sa femme, « mauvais catholiques de Fublaines », enfermés à l'hôpital en juillet 1703, s la demande de Bossuet, au dire de Victor Hugo, l'histoire n'en parle pas plus que Le Dieu, quoique son Journal signale à la même époque une sévérité nécessaire contre le curé d'Ussy, << malheureux chicaneur qui désolait sa paroisse »; cette

sévérité répugnait à Bossuet : « Après avoir passé sa vie dans la réputation de beaucoup de douceur, dit Le Dieu, il craignait d'être accusé de dureté et d'injustice pour ses curés. »

Le fait qui prouve le mieux que,« pour ce qui regarde la religion, comme parle Le Dieu, jamais évêque n'y apporta plus de douceur et de modération » que Bossuet, c'est qu'il obtint de Louis XIV une Déclaration, édictée en septembre 1698 et modifiant les arrêts qui avaient suivi la révocation de l'Édit de Nantes. Une Instruction fut envoyée aux intendants, et le roi écrivit aux évêques une longue lettre, « dans laquelle, comme dans l'Instruction, il est facile de reconnaître le langage et les principes de Bossuet ». Bausset Histoire de Bossuet.)

(De

Rien de plus édifiant encore que sa Correspondance avec M. de Lamoignon de Basville, intendant du Languedoc; M. Legendre, intendant de Montauban; M. de La Broue, évêque de Mirepoix; l'évêque de Nîmes, Fléchier, l'évêque de Rieux et l'évêque de Montauban. Toutes ces personnes, « dont j'estime tant les sentiments », dit Bossuet, avaient écrit de longs Mémoires au roi pour établir qu'il fallait forcer, contraindre les hérétiques à aller à la messe et même à faire leurs pâques, sans quoi ils ne seraient jamais instruits de notre religion, et dans certaines contrées, comme Alais »>, où il n'y avait que des nouveaux convertis, «< il ne paraîtrait pas que l'on eût fait abjuration ». « Le roi, dit Le Dieu (Mémoires, p. 190), obligea Bossuet de donner son avis... Il fit un mémoire contraire (à ceux de ses collègues du Midi)... La cour l'approuva et y conforma sa conduite; ainsi toutes les violences ont cessé; ces rudes peines portées par les édits, de traîner les relaps sur la claie après leur mort, et autres, sont demeurées sans exécution. On s'est contenté des peines pécuniaires, et encore, dans le diocèse, les faisait-il ôter autant qu'il pouvait. M. l'intendant se plaignait de sa douceur; il ne cessait de lui reprocher sa modération, dont, disait-il, les religionnaires abusaient. Jamais il ne lui refusait les grâces qu'il lui demandait. Plusieurs sont revenus à l'Église de bonne foi par ces moyens. >>>

N'était-ce pas là un véritable triomphe pour Bossuet? Et si

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