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cel, dans une pièce de vers latins en l'honneur du lauréat de Navarre.

Cette habitude de parler et d'écrire en latin s'accrut encore pendant le préceptorat du Dauphin, pour lequel Bossuet révisa la Grammaire latine, le Dictionnaire, la Prosodie, fit des thèmes et des vers latins. Elle persista chez Bossuet au point que ses écrits latins, auxquels j'ai eu l'honneur de consacrer une de mes thèses, forment près du tiers de ses œuvres complètes. Mais qui donc aujourd'hui lit les écrits latins de l'illustre prélat? Nisard, Sainte-Beuve et le P. Longhaye en ont seuls parlé en termes élogieux. Et pourtant, quelques-uns de ces écrits sont de purs chefs-d'œuvre. Il ne s'agit pas de la Gallia orthodoxa et de la Defensio declarationis, dont le gallicanisme a fait condamner tant de pages d'une profonde érudition et d'une belle venue. Il s'agit des Lettres latines de Bossuet, qui sont, pour la plupart, tout simplement exquises d'élégance, de grâce cicéronienne et même de poésie virgilienne, comme la Lettre du 30 novembre 1674 à Ferdinand de Furstemberg, évêque de Paderborn et coadjuteur de Munster, sur des vers d'un certain Torkius qu'il avait édités : ... Tuam tecum lustro Paderbornam, te principe auctam ac nobilitatam. Vicina peragro loca, te ornante lætissima, te canente celebratissima, te denique imperante beatissima. Nullus mihi saltus, fons nullus, nullus collis invisus... Ut juvat interea suave canentem audire Torkium quod vicina valles repetant! Videre mihi videor antiquam illam Græciam, quæ nullum habuit locum quem non poetarum ingenia extollerent, nullum rivulum quem non suis versibus immortali hominum memoriæ consecrarent. Horum æquantur gloriæ amnes tui fontesque. Non Dirce splendidior, non Arethusa castior, non ipsa Hypocrene notior musisque jucundior. » — Il s'agit en particulier de la Lettre à Innocent XI sur l'éducation du Dauphin, 8 mars 1679, qui est «< un chef-d'œuvre de latinité et d'éloquence », a-t-on dit (1), sans compter qu'elle contient, sur la question, si discutée à l'heure actuelle, de l'éducation classique, les idées les plus hautes, les plus saines et les plus lumineuses. Il s'agit

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(1) L'abbé Goujet, Floquet, Nisard: Histoire de la Littérature française, III, ch. XIII, § 8.

encore des traités composés par Bossuet contre le quiétisme, Mystici in tuto, Schola in tuto, Quietismus redivivus, qui sont des modèles parfaits de discussion élégante, distinguée, et, quoi qu'on en dise quand on ne prend pas la peine de les lire, d'une convenance, d'une charité admirable pour M. de Cambrai, si fuyant, si ondoyant et si divers. Il s'agit de la magnifique Lettre du 2 août 1702, à propos de la béatification de saint Vincent de Paul, pour lequel Bossuet a laissé parler tout son cœur et tout son génie. Il s'agit de ses traités sur l'Écriture sainte et en particulier de la Dissertation sur les Psaumes, Dissertatio de Psalmis, que le P. Longhaye donne, avec raison comme le chef-d'œuvre de la critique au XVIIe siècle. Les contemporains de Bossuet, les Romains surtout, gardiens jaloux de la bonne latinité, le félicitaient sans cesse de l'art avec lequel il écrivait le latin, comme on peut le voir par les Lettres de l'évêque de Castorie, Néercassel, du cardinal Cibo, qui loue « luculentam et elegantissime scriptam Relationem » de Bossuet, des cardinaux Noris, de Aguirre, des papes Innocent XI, Innocent XII et Clément XI. Pourquoi fautil que le clergé français ignore ces chefs-d'œuvre d'un grand homme, qui devraient lui être plus chers qu'à personne?

Bossuet a même cultivé la poésie latine, dans laquelle excelle Léon XIII et dont il dit avec raison que «< nos devanciers estimaient à bon droit qu'elle devait tenir une grande place dans les classes des collèges ». La fable contre les Bavards, In Locutuleios, rapportée par Le Dieu, montre que non seulement Bossuet connaissait à fond Virgile, Horace, Térence, Phèdre, mais qu'il savait à l'occasion les imiter. On loue très fort Fénelon des Fables qu'il a composées pour le duc de Bourgogne; on ne parle même pas de ce que Bossuet a fait de plus méritoire encore pour le grand Dauphin (1). Quant au grec,

Ce langage sonore aux douceurs souveraines,

Le plus beau qui soit né sur des lèvres humaines (2),

Bossuet en fit moins chez les Jésuites, dont les collèges

(1) Voir Autour de Bossuet, I: Bossuet, précepteur du Dauphin. (2) André Chénier.

étaient inférieurs sous ce rapport aux Petites Écoles de PortRoyal, mais où, néanmoins, il en « prit quelque teinture, qui servit au moins à lui donner le goût » (1), qu'à Navarre,

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où il l'apprit à fond », dit Le Dieu, p. 14, à l'école de Nicolas Mercier, helléniste remarquable: il devint capable de l'accentuer parfaitement et de lire dans leur langue saint Jean Chrysostome, saint Grégoire de Nazianze, saint Basile, saint Grégoire de Nysse, ainsi que les autres Pères grecs, qu'il étudia surtout à partir de 1659 et qui lui enseignèrent, mieux que Tertullien et saint Augustin, les charmes de la douceur familière et de l'onction pénétrante, comme aussi le bon goût dans le style et l'éloquence (2). Bossuet se perfectionna encore dans la connaissance du grec, lorsqu'il fut précepteur du Dauphin (3), et Le Dieu nous assure qu'il « récitait les vers (d'Homère) avec la même facilité (que ceux de Virgile et d'Horace). La sublimité du divin Homère, la richesse de ses comparaisons et toutes ses beautés le lui faisaient mettre à la tête des poètes et des orateurs. Dans les occupations les plus pénibles de sa vie, Homère était un de ses délassements et le sujet le plus agréable de ses conversations: on était surpris qu'il en eût la mémoire si présente. « Eh! quelle merveille, disait-il, après avoir enseigné tant d'années la grammaire et la rhétorique? » Il faisait allusion à son préceptorat du Dauphin. «Il était alors si plein d'Homère qu'il en répétait souvent des vers en dormant et s'éveillant, par l'attention qu'il avait à les réciter, comme on s'éveille au milieu d'un songe dont on est agréablement frappé. Dans un doux sommeil de cette sorte, son imagination fut si vivement touchée des malheurs d'Ulysse qu'il fit encore tout endormi ce beau vers hexamètre :

Τεὶς δυστυχούσιν ἄχθος ἐστι χώ λόγος

<«< Tout est à charge aux malheureux, même leur pensée (4). »

(1) Le Dieu, Mémoires, p. 13.

(2) Bossuet et les Saints Pères, par l'abbé Delmont. Ouvrage couronné par l'Académie Française. Paris, Tricon, 1896.

(3) Voir Autour de Bossuet, I: Bossuet, précepteur du Dauphin. (4) Le Dieu, Mémoires, p. 143.

Où sont-ils aujourd'hui, les élèves et même les maîtres qui fassent en rêve des vers grecs, ou, du moins, récitent en songe des vers d'Homère?

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Et pourtant, c'est grâce au grec, au latin surtout, que Bossuet a pu faire de son style « le plus grand style » de notre langue et de notre littérature française. Il disait luimême, en 1669, dans son Écrit composé pour le cardinal de Bouillon: « J'ai peu lu de livres français ». Balzac, la Vie de Barthélemy des Martyrs, les Lettres au Provincial, les livres et les préfaces de MM. de Port-Royal, les versions de Perrot d'Ablancourt, Corneille et Racine, voilà tous ceux dont il parle comme bons à lire. « Ce que j'ai appris du style, ditil, je le tiens des livres latins et un peu des grecs... On prend dans les écrits de toutes les langues le tour qui en est l'esprit, surtout dans la latine, dont le génie n'est pas éloigné de celui de la nôtre, ou plutôt qui est tout le même. » Aussi SainteBeuve remarque-t-il que Bossuet «< savait toutes les sortes de latin, celui de Cicéron, comme celui des Pères, de Tertullien et de saint Augustin »; et il ajoute que « le latinisme, si sensible dans la parole française de Bossuet », est chez lui « plus qu'un accident, qu'un trait curieux à constater » : il est << fondamental, et comme un caractère constant ». Il a valu à Bossuet « la verdeur, la saveur d'un style, qui réintègre quantité de mots dans la pleinè et première propriété et sincérité romaine », et d'un « français neuf, plein, substantiel, dans le sens de la racine et original ». - Leçon mémorable, Messieurs, argument à jamais invincible contre tous les promoteurs de l'enseignement secondaire moderne, créé par M. Bourgeois en 1890 pour nous donner six à sept mille bacheliers de plus, qui se croient lettrés et qui ne le sont pas. Cet enseignement prétend apprendre le français sans le grec et le latin, comme si le grec n'était pas l'école par excellence du goût esthétique, ainsi que l'a dit M. Croiset, et comme si le latin, langue-mère du français, n'était pas indispensable pour la connaissance exacte de l'étymologie, du sens naturel, de l'emploi judicieux des mots de notre langue, ainsi que l'établissait éloquemment M. Brunetière dans un de ses magnifiques Discours de combat, prononcé naguère à Avignon, Pour le latin!

Oui, Léon XIII a mille fois raison de nous recommander de « garder le dépôt » des études classiques, dont l'abandon serait une déchéance intellectuelle et morale pour la patrie de Bossuet.

III

Au-dessus des humanités, il y a la philosophie, à propos de laquelle Sa Sainteté nous met en garde contre le « subjectivisme» allemand et kantiste, dont Elle nous dit qu'«< il est profondément regrettable que ce scepticisme doctrinal, d'importation étrangère et d'origine protestante, ait pu être accueilli avec tant de faveur dans un pays justement célèbre par son amour pour la clarté des idées et pour celle du langage». En même temps, Léon XIII rappelle les enseignements de son encyclique Eterni Patris, du 4 août 1879, c'est-à-dire la glorification de la philosophie scolastique et surtout de la doctrine de saint Thomas.

Or, qui ne sait que Bossuet, instruit à l'école de saint Thomas par Nicolas Cornet, qui <«< connaissait très parfaitement et les confins et les bornes de toutes les opinions de l'École », comme le dit l'élève lui-même dans l'Oraison funèbre de son maître en 1663, a écrit des traités admirables de philosophie, où l'on peut reconnaître « la métaphysique traditionnelle » que recommande le Pape? C'est l'Introduction à la Philosophie ou Traité de la Connaissance de Dieu et de soi-même; c'est la Logique; c'est le Traité du Libre arbitre et le petit Traité des causes.

Aujourd'hui, hélas! ces traités, si longtemps classiques, ne figurent plus dans aucun programme: ni dans les programmes de l'Université, qui partage plus ou moins l'opinion de M. Rébelliau, d'après lequel, pour être un philosophe, «< ce qui manque à Bossuet, c'est d'appliquer la raison seule à la science de l'être en général.... et d'avoir de la sympathie pour les belles ambitions de la raison pure » (1), ou même l'opinion de Renan, dont M. Brunetière pourtant a fait bonne justice, que Bossuet « n'a jamais eu d'autre philosophie que (1) Bossuet, p. 86-87.

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