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Bossuet passait pour le plus accueillant des hommes envers les Réformés, «<les frères errants »>, ainsi qu'il les appelait, et non pas pour le persécuteur «< féroce », excitant « Boufflers aux dragonnades », « bénissant Montrevel» et « les ménades, les bacchantes du meurtre », que Victor Hugo nous dépeint dans maints endroits de ses dernières œuvres, aussi haineusement sectaires qu'étrangement «< apocalyptiques », suivant le mot de M. Brunetière. Jacob Spon pensait comme le ministre Du Bourdieu, écrivant à M. Du Saussan, conseiller à la cour des aides de Montpellier et protestant, lui aussi, que Bossuet n'avait que « des manières honnêtes et chrétiennes », n'employait << que des voies évangéliques » et méritait «< de la reconnaissance pour ses soins charitables..., pour ses intentions droites et pures ».

En tout cas, l'événement justifia les espérances de Jacob Spon. Bossuet répondit de Saint-Germain à l'abbé Nicaise, le 9 février 1679 : « Vous pouvez assurer M. Spon, Monsieur, que ses Miscellanea seront bien reçus de Mer le Dauphin et qu'il peut les lui dédier, aussi bien que sa Réponse à la Guilletière. Nous avons estimé son dictionnaire. Pour son In te Domine, speravi (élucubration protestante de Spon), il nous a paru ce qu'il était, c'est-à-dire ridicule et profane. Au surplus, j'ai ouï dire qu'il y avait quelques bonnes remarques dans son livre car pour moi, je n'en ai rien lu; mais j'ai lu avec grand plaisir tout le Voyage de M. Spon, plein de belles observations et de recherches curieuses de l'antiquité. Il a donné au public une bonne opinion de son érudition, qui prépare bien les voies à ses Miscellanea. » Et alors l'excellent prélat se donnait la peine de corriger lui-même l'inscription latine qui devait servir pour la dédicace de l'ouvrage au Dauphin : « Je ne sais, écrivait-il, ce que peut signifier parmi nous le principi juventutis, ni le tutelari genio pacis. Pour le a divis concesso, l'allusion en est ingénieuse; mais il est païen, et s'il faut imiter les anciens, c'est principalement en ce qu'ils ont fait leurs inscriptions selon leurs mœurs et leur religion, sans y rien mêler d'étranger. Les auteurs exacts n'approuveront pas qu'on se serve du mot divi pour les saints, quoique les catholiques s'en soient servis aussi bien que les protestants. Dans

l'inscription pour le roi, il y a trois adverbes de suite, celeriter, fortiter, audacter, ce qui est du style affecté plutôt que de la grandeur qui convient aux inscriptions: je les ôterais tous. trois. Je doute aussi un peu du mot conculcatis, et je ne sais si ce mot se trouve en ce genre; il paraît un peu trop figuré et trop éloigné de la simplicité. Je ne sais si pace data ne serait pas mieux qu'oblata. Le reste est excellent. >>

Un latiniste comme notre savant doyen de la Faculté des Lettres pourrait nous dire jusqu'à quel point Bossuet se montre cicéronien, émérite dans ces remarques, dont la justesse parut telle à Jacob Spon qu'il les suivit exactement dans la dédicace des Miscellanea.

Pour vous, Messieurs, vous aurez noté avec quel soin Bossuet proscrit « le style affecté », « trop figuré, trop éloigné de la simplicité ». Déjà en 1669, dans son Écrit composé pour le cardinal de Bouillon sur le style et la lecture des écrivains ́et des Pères de l'Église pour former un orateur, il avait dit du style de Balzac que « c'est le style du monde le plus vicieux, parce qu'il est le plus affecté et le plus contraint ». Bossuet s'inspire de la grande école de Pascal, « étonné et ravi »>, quand il trouvait « le style naturel »; de la grande école de Boileau, de Molière, de Racine et de La Fontaine, disant en 1661 :

Et maintenant il ne faut pas
Quitter la nature d'un pas.

Bossuet écrit toujours comme il parlerait, simplement, naturellement; et, chose merveilleuse! le plus grand de nos écrivains est le moins styliste de tous, le plus naturel dans sa simplicité et dans sa magnificence.

Mais continuons la Lettre de M. de Condom: « Voilà, Monsieur, ajoute-t-il pour l'abbé Nicaise, ce que vous avez souhaité de moi, c'est-à-dire mon avis très simplement. Conseillez à M. Spon d'éviter les railleries excessives dans sa Réponse aux turlupinades elles tombent bientôt dans le froid, et il sait bien que les plaisanteries ne sont guère du goût des honnêtes gens; ils veulent du sel et rien de plus. S'il faut rail

ler, ce doit du moins être avec mesure. Assurez-le de mon estime. Comme je le vois né pour le bon goût, je serais fâché qu'il donnât dans le mauvais. » — Quelle délicate et précieuse franchise! Bossuet en use vis-à-vis de Jacob Spon lui-même : « J'ai présenté à Mer le Dauphin votre défense (la Réponse à la Guilletière), lui écrit-il en 1679; elle a été bien reçue, et j'ai ordre de vous témoigner qu'il estime votre mérite. M. le duc de Montausier verra avec plaisir votre ouvrage, plein d'érudition agréable et curieuse. Mais vous lui devez un livre je lui donnerai, de votre part, celui que vous avez envoyé pour moi. (On n'est pas plus prévenant ni plus gracieux.) Je suis, Monsieur, fort content de votre manière de traiter les choses et de vos belles recherches. Si vous m'en croyez, vous ne vous amuserez plus dorénavant à des réponses et à des querelles dont le public n'a que faire. C'est assez d'avoir donné ce permier écrit à votre défense: au surplus, donnez-nous de bonnes choses comme vous le pouvez; c'est bien répondre que de bien faire. Quant à votre grand ouvrage, M. le chancelier est ferme à ne donner le privilège qu'après que les ouvrages entiers ont été examinés, et on ne serait pas bien reçu à lui demander autre chose au surplus, je vous rendrai tout le service que je pourrai, comme un homme qui a pour vous toute l'estime possible. Je suis, Monsieur, etc. »> Le 15 octobre 1679, Bossuet ayant reçu le commencement des Miscellanea, en remercie Jacob Spon au nom du Dauphin, << qui lui a commandé d'écrire qu'il l'avait eu très agréable »>, au nom du duc de Montausier, qui « l'a prié de lui faire ses compliments ». Le prélat félicite l'auteur de l'inscription, qu'on a << trouvée belle, quoiqu'il eût été mieux de ne point mettre le nom de Bourbon, qui s'éteint dans la branche qui vient à la couronne ». « L'impression et les figures, ajoute-t-il, sont fort belles; les choses sont curieuses et bien expliquées. Le public vous doit savoir gré du soin que vous prenez de l'instruire si bien. Pour moi, outre que je rentre dans ce sentiment, je vous suis obligé, en mon particulier, et suis de tout mon cœur, etc. »

Comme voilà bien Bossuet, serviable et bon pour tous, surtout pour les « frères errants », vis-à-vis desquels on a osé le

dire «< intolérant! » Le Lyonnais Jacob Spon ne le croyait pas, lui qui écrivait à l'abbé Nicaise le 11 avril 1681 (?) : « J'estime beaucoup ce qui vient de M. de Meaux, quoique ce soit notre plus dangereux ennemi. » Double hommage rendu, d'une part, au génie du controversiste, et, de l'autre, à la bonté parfaite du convertisseur.

Jacob Spon, réformé très ardent, dédia son Histoire de la République de Genève, en 1680, au P. de La Chaise. Celui-ci lui fit remarquer aimablement qu'il regrettait beaucoup de voir un esprit amoureux, comme le sien, de l'antiquité, s'éprendre d'une religion aussi jeune que la Réforme. Aussitôt Spon d'écrire et de publier sa Lettre au P. de La Chaise, confesseur du roi, sur l'antiquité de la religion (1681), où il s'efforçait de prouver que le protestantisme est aussi ancien que le monde (?). Le grand Arnauld fit une réponse magistrale, mais anonyme, à cet étrange factum, et Bossuet écrivait aussitôt à l'abbé Nicaise, le 6 juillet 1681 : « Je suis persuadé que le livre sur la lettre de M. Spon est de M. Arnauld, quoique son nom n'y soit pas. L'ouvrage est fort et, à mon avis, d'une très bonne et très solide doctrine. Notre bon ami M. Spon avait dit bien des pauvretés dans sa lettre. » Ce «< bon ami » du grand évêque publia encore, en 1683, les Recherches d'antiquités dans le Midi; mais, ayant perdu son père, l'année suivante, et souffrant des persécutions dont ses coreligionnaires étaient l'objet, il quitta Lyon en 1684, malgré les égards que lui prodiguaient l'intendant et l'archevêque, et il alla mourir misérablement, le 25 décembre 1685, à l'hôpital de Vevey, en Suisse.

La ville de Lyon s'est honorée en lui élevant une statue dans son Palais des arts; mais on aurait dù graver sur le piédestal ce que le grand évêque de Meaux a écrit de flatteur sur le « bon goût », « l'érudition » et les ouvrages de cet illustre Lyonnais.

III

Pendant que Bossuet était en correspondance avec lui, l'Assemblée de 1682 avait été convoquée, et le roi avait voulu

que le nouvel «< évêque de Meaux en fût » (1). Nous touchons ici à la grande erreur de Bossuet, et nous sommes bien à l'aise, nous, catholiques, pour en parler à la suite de notre grand Pape Léon XIII, qui, en recevant M. Brunetière, après sa magnifique conférence sur Bossuet, se faisait répéter ce que l'illustre critique avait dit pour établir que Bossuet est moderne, soit comme écrivain, orateur et poète, soit comme partisan de la réunion des Églises, soit comme défenseur du dogme de la Providence, et ajoutait aussitôt, d'après une dépêche de notre chère et vaillante Croix : « S'il y a quelque chose de vieux dans Bossuet, c'est son gallicanisme, facile à excuser et facile à oublier en considération de tant de génie et de tant de services rendus. » Ces grandes et nobles paroles sont la réponse la plus autorisée à toutes les diatribes d'un Joseph de Maistre, d'un Lamennais, d'un Rohrbacher, d'un Réaume, d'un Mgr Fèvre, d'un Gérin et de toute une école, d'après laquelle, comme d'après l'auteur de l'Église gallicane, Bossuet n'aurait fait que « déchoir » après 1682. après 1682. Eh quoi! une déchéance, l'Histoire des variations, « le plus beau livre de notre langue »>! Une déchéance, les Avertissements aux protestants, si dignes de cette Histoire! Une déchéance, des chefs-d'œuvre comme le Traité de la concupiscence, comme les Maximes et Réflexions sur la comédie, comme la Défense de la tradition et des saints Pères, comme les deux traités sur les États d'oraison, et surtout comme les Élévations sur les mystères et les Méditations sur l'Évangile, « au-dessus desquels il n'y a rien » en français !

Au lieu donc de nous en rapporter à des auteurs passionnément injustes, écoutons un historien impartial, M. Gaillardin, dans sa grande Histoire du règne de Louis XIV, où il s'inspire des Nouveaux opuscules de l'abbé Fleury, publiés par l'illustre abbé Émery, de Saint-Sulpice : « Quand on parle de l'Assemblée de 1682, dit-il, v, p. 69, le nom de Bossuet se présente à tous les souvenirs. La routine n'en démord pas il a été l'âme, le dominateur de l'Assemblée; l'œuvre de l'Assemblée est l'œuvre de Bossuet. Au contraire,

(1) Opuscules de Fleury, p. 210.

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