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(Suite)'.

III

La découverte du Canada par Jacques Cartier, navigateur malouin, en 1534 et en 1535, dotait la France d'une importante colonie. Une première expédition, conduite par le seigneur de Roberval en 1541, fut sans résultats; et jusqu'à la fin du siècle, le Canada ne fut plus visité que par les pêcheurs de Terre-Neuve. En 1602, Samuel de Champlain s'embarquait pour le compte de quelques négociants de Saint-Malo. A son retour, il présenta à Henri IV la carte du pays qu'il avait exploré et le détail de ses observations. Le roi comprit mieux que François Ier l'importance de cette entreprise. Il donna au Canada le nom de Nouvelle-France, encouragea le navigateur, lui promit sa protection. L'élan était imprimé, et bientôt les colons arrivèrent en Amérique. Ce n'est pas ici le lieu de suivre leurs traces au milieu des fatigues de toute espèce qu'ils eurent à endurer, de raconter leurs guerres contre les Iroquois, ennemis des Hurons, dont ils s'étaient faits de fidèles alliés, de signaler les efforts des missionnaires catholiques pour conquérir d'une manière plus pacifique ces vastes contrées à la foi et à la civilisation. Il suffit d'observer que, dès 1613, l'Angleterre avait jeté sur notre nouvelle colonie un regard de jalouse inquiétude. Ce ne devait pas être le dernier. Plusieurs fois, dans le courant du xvir et du xvnr° siècle, le Canada fut le théâtre de luttes sanglantes, que rendaient plus cruelles l'acharnement de deux peuples toujours rivaux et la férocité des peuplades sauvages.

Après la guerre de la succession d'Autriche, un article du traité d'Aix-la-Chapelle remettait à l'examen des commissaires le règlement définitif des limites de la Nouvelle-France et de

Voir la livraison de Mai.

la Nouvelle-Angleterre, sources de continuels démêlés. Mais l'influence de la diplomatie européenne ne se faisait que peu sentir en Amérique. Les colons anglais recommencèrent les hostilités sans attendre la décision des commissaires qui, du reste, n'aboutirent à aucun résultat. La guerre fut soutenue de part et d'autre avec des succès divers. Au mois d'avril 1755, 3,000 hommes s'embarquèrent à Brest; le baron Dieskau était chargé de conduire ce renfort en Canada, pendant que le général Braddock quittait l'Angleterre avec deux régiments. A peine débarqué, Braddock marchait contre le fort Duquesne, rencontrait, à trois lieues du fort, les 900 Français et sauvages du chevalier de Beaujeu, et, d'après Washington lui-même, alors officier dans les troupes anglaises, était « honteusement battu par une armée inférieure de moitié à la sienne. Braddock périt dans l'action. La bataille de la Belle-Rivière, comme plus tard celle de Québec, offrit cette particularité de la mort des deux généraux ennemis. Beaujeu, en effet, trouva la mort dans son triomphe. Pendant ce temps, Dieskau attaquait sur le lac Saint-Sacrement le colonel Johnson, le 8 septembre, essayait d'enlever son camp; mais, abandonné par les sauvages, il fut repoussé, grièvement blessé et fait pri

sonnier.

Cette défaite aggravait la position si critique déjà de la colonie. Elle menace ruine, écrivait M. de Montreuil, aide-major général de l'armée, le 10 octobre 1755; beaucoup d'Anglais à combattre; les magasins dépourvus; la terreur dans le pays; beaucoup de brigues... La colonie a besoin d'un commandant doux, incorruptible, incapable de se laisser mener par personne, égal pour tout le monde. Il n'y aurait pas trop de deux commandants de ce caractère1. » Le même mois, M. Doreil, commissaire des guerres, rendait, au marquis de Paulmy, un compte analogue de la malheureuse situation du Canada. Il insiste, lui aussi, sur la nécessité où l'on est d'avoir un commandant d'un esprit liant et d'un caractère doux, capable de gouverner le gouverneur. M. le marquis de Vaudreuil-Cavagnal, Canadien de naissance, était alors gouverneur du Canada. Il est difficile de porter sur ce personnage

Le Canada..., par M. Dussieux. Pièces justificatives.

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un jugement définitif. D'un côté, les documents français lui sont peu favorables; de l'autre, les témoignages canadiens le transforment en homme supérieur. « C'est un général, écrit Doreil, qui a les intentions bonnes, droites, qui est doux, bienfaisant, d'un abord facile et d'une politesse toujours prévenante, mais les circonstances et la besogne présente sont un peu trop fortes pour sa tête; il a besoin d'un conseiller dégagé de vues particulières et qui lui suggère le courage d'esprit. Il le dépeint en même temps comme faible et dénué de caractère, n'osant pas faire d'éclat pour mettre un terme aux malversations de l'intendant Bigot; car il veut se maintenir. › Plus tard, M. de Montreuil se plaint des préventions de M. de Vaudreuil contre M. Doreil et contre lui, « parce qu'il croit que nous rendons compte à la cour de ce qui se passe. › A ces accusations, qui se reproduiront plus graves dans ce récit, un Canadien oppose le panégyrique suivant : « Il posséda à un haut degré le bon sens politique, il sut résister à toute proposition impolitique ou inconvenante; il montra, dans ce que nous nous permettrons d'appeler ses procédés diplomatiques, de l'énergie et de la dignité; enfin, personne ne pourra lui refuser ce degré de prudence et cet empire sur soi-même qui permettent à l'homme de choisir le meilleur parti dans les cas à peu près désespérés 1... » Mais ne doit-on pas se tenir en garde contre ce panégyrique quand on voit l'auteur parler, sans correctif, des talents et de l'expérience de M. Bigot, » et refuser presque tout mérite au marquis de Montcalm? Cette injuste sévérité et cette partialité flagrante ne sont, après tout, que l'écho des dissentiments qui existaient, à l'époque dont nous nous occupons, entre les colons et les nouveaux débarqués. Les troupes françaises oubliaient peut-être qu'elles ne devaient pas traiter les Canadiens autrement que comme des compatriotes, et ceux-ci supportaient avec peine, dans des hommes tout imbus des idées européennes, une manière de voir et d'agir différente de la leur. Le malheur pour le Canada, une des causes véritables de sa perte, fut l'impossibilité où il se trouvait de se suffire à lui-même. Tout devait lui arriver de France, secours en hommes et secours en

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Le Panthéon Canadien, par Bibaud jeune. Montréal, 1858, p. 288.

nature. Une surveillance nécessaire sur l'administration de la colonie n'existant pas, la rapacité des agents subalternes avait libre carrière. La fortune de la mère-patrie se dissipait en pure perte entre les mains d'administrateurs infidèles; et, comme dit Voltaire, « le Canada coûtait beaucoup et rapportait trèspeu. Si la dixième partie de l'argent englouti dans cette colonie avait été employé à défricher nos terres incultes en France, on aurait fait un gain considérable '. » L'historien aurait été plus juste en affirmant qu'on eût pu soutenir le Canada et encourager l'agriculture en France; car cette époque n'est-elle pas celle des étranges et coupables prodigalités de Louis XV?

Cependant, la nouvelle de la défaite du baron Dieskau avait réveillé l'attention du roi de France et de ses ministres. Le marquis de Vaudreuil réclamait un prompt secours. Au mois de novembre 1755, d'Argenson avait cherché autour de lui un homme capable de relever les affaires en Canada. Son choix, d'abord incertain, s'arrêta enfin sur le marquis de Montcalm. Montcalm avait été sondé par le ministre, et une légitime ambition d'assurer à sa nombreuse famille une fortune proportionnée à son nom, l'avait rendu accessible aux intentions de la cour. Au commencement de 1756, il recevait la lettre suivante :

A Versailles, 25 janvier (1756), à minuit. Peut-être ne vous attendiez-vous plus, Monsieur, à recevoir de mes nouvelles au sujet de la dernière conversation que j'ai eue avec vous le jour que vous m'êtes venu dire adieu (c'était le 19 novembre) à Paris. Je n'ai cependant perdu un instant de vue, depuis ce temps-là, l'ouverture que je vous ai faite alors, et c'est avec le plus grand plaisir que je vous en annonce le succès. Le roi a donc déterminé sur vous son

choix pour vous charger du commandement de ses troupes dans l'Amérique septentrionale, et elle vous honorera à votre départ du grade de maréchal de camp. Mais ce qui vous sera encore plus sensible, c'est que Sa Majesté vous accordera en même temps, pour M. votre fils, l'agrément de votre régiment. C'est un avancement un peu différent de celui de capitaine que

'Siècle de Louis XIV. OEuvres de Voltaire, t. XXII, p. 344.

un jugement définitif. D'un côté, les documents français lui sont peu favorables; de l'autre, les témoignages canadiens le transforment en homme supérieur. « C'est un général, écrit Doreil, qui a les intentions bonnes, droites, qui est doux, bienfaisant, d'un abord facile et d'une politesse toujours prévenante, mais les circonstances et la besogne présente sont un peu trop fortes pour sa tête; il a besoin d'un conseiller dégagé de vues particulières et qui lui suggère le courage d'esprit. Il le dépeint en même temps comme faible et dénué de caractère, n'osant pas faire d'éclat pour mettre un terme aux malversations de l'intendant Bigot; car il veut se maintenir. Plus tard, M. de Montreuil se plaint des préventions de M. de Vaudreuil contre M. Doreil et contre lui, parce qu'il croit que nous rendons compte à la cour de ce qui se passe. › A ces accusations, qui se reproduiront plus graves dans ce récit, un Canadien oppose le panégyrique suivant : « Il posséda à un haut degré le bon sens politique, il sut résister à toute proposition impolitique ou inconvenante; il montra, dans ce que nous nous permettrons d'appeler ses procédés diplomatiques, de l'énergie et de la dignité; enfin, personne ne pourra lui refuser ce degré de prudence et cet empire sur soi-même qui permettent à l'homme de choisir le meilleur parti dans les cas à peu près désespérés 1... » Mais ne doit-on pas se tenir en garde contre ce panégyrique quand on voit l'auteur parler, sans correctif, « des talents et de l'expérience de M. Bigot, et refuser presque tout mérite au marquis de Montcalm? Cette injuste sévérité et cette partialité flagrante ne sont, après tout, que l'écho des dissentiments qui existaient, à l'époque dont nous nous occupons, entre les colons et les nouveaux débarqués. Les troupes françaises oubliaient peut-être qu'elles ne devaient pas traiter les Canadiens autrement que comme des compatriotes, et ceux-ci supportaient avec peine, dans des hommes tout imbus des idées européennes, une manière de voir et d'agir différente de la leur. Le malheur pour le Canada, une des causes véritables de sa perte, fut l'impossibilité où il se trouvait de se suffire à lui-même. Tout devait lui arriver de France, secours en hommes et secours en

'Le Panthéon Canadien, par Bibaud jeune. Montréal, 1858, p. 288.

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