Sayfadaki görseller
PDF
ePub

éloquemment encore dans sa mésaventure. Le renard a commencé par l'enthousiasme :

[ocr errors][merged small]

Un animal paît dans nos prés,

Beau, grand; j'en ai la vue encor toute ravie...

mais l'enthousiasme du début rend plus frappant le retour de sagesse auquel il doit de conserver toutes ses dents. loup a commencé par la défiance:

Est-il plus fort que nous ?...

Le

mais ce premier mouvement relève par le contraste l'étourderie vaniteuse dont sa mâchoire payera les frais. Et cette vanité même qui le perd, elle n'est pas seulement un ressort dramatique employé là pour faire marcher l'action et déterminer la catastrophe. Elle nous dit que l'amour-propre est le grand ennemi de la prudence, que si quelque chose peut nous lancer dans les expériences téméraires, c'est bien cette estime de nous-mêmes, toujours prompte à nous faire valoir, toujours faible contre la flatterie, et d'ailleurs incapable de douter jamais de rien. Ainsi la leçon est complète et il n'est pas une particularité du drame qui ne concoure à la renforcer.

Libre à chacun d'ouvrir le livre au hasard et de constater à coup sûr dans n'importe quelle fable la même proportion des moyens avec la fin proposée. Personnages, incidents, discours, dialogues, tout, jusqu'aux moindres nuances, trouve sa raison d'être dans la situation et dans le but marqué par le poëte. Les caractères se soutiennent et jusqu'au bout se ressemblent à eux-mêmes. Toutes les vraisemblances sont gardées. L'animal raisonne, calcule, parle et agit en homme, sans oublier jamais les traits spéciaux, et, si je l'ose dire, les convenances de son espèce. Dans le récit, tous les détails s'enchaînent, se tiennent, s'expliquent et se fortifient l'un par l'autre. Rare et suprême mérite! Ni l'imagination n'a chargé un trait, une couleur; ni la sensibilité n'a exagéré ou brusqué un sentìment; ni l'une ou l'autre de ces facultés si puissantes n'a une seule fois entraîné le fabuliste hors de sa route. Dans cette verve originale et impétueuse, dans cette entière liberté de penser et de dire, dans cet apparent laisser-aller de

l'inspiration poétique, on retrouve, dès qu'on y veut prendre garde, la raison ordonnatrice, le jugement profond, le tact, le goût, marques distinctives du vrai génie, marques d'un art assez parfait, d'un travail assez fini pour se dérober au premier coup d'oeil et ne se trahir qu'à la réflexion. Il faudrait achever de nous en rendre compte en comparant La Fontaine à ses modèles. Nous verrions son imagination donner la couleur, le mouvement, la vie aux pâles récits d'Ésope et des rhéteurs grecs, embellir et animer la concision parfois un peu nue de Phèdre. Nous verrions son admirable raison corriger la folle abondance des fabulistes orientaux, restreindre et ordonner la fécondité parfois excessive des vieux conteurs français. Cette étude nous ferait comprendre comment il a su être créateur, bien qu'empruntant le sujet de presque toutes ses fables. Elle nous montrerait une fois de plus en action la double puissance de se livrer et de se contenir, dont l'harmonie parfaite fut par excellence le caractère de son génie. Indiquons simplement une comparaison d'autant plus profitable, que chacun se la rendra plus personnelle. Aussi bien, plus d'un habile critique l'a déjà faite ou commencée'. Que pourrions-nous, sinon redire sèchement et à la hâte ce que d'autres ont dit excellemment et avec tous les développements désirables?

Mais ce que après eux nous redirons sans aucun scrupule, c'est combien l'on se tromperait en exemptant La Fontaine de la commune loi du travail, en faisant de lui a un personnage singulier, moitié grand homme et moitié idiot, distrait, insouciant, paresseux, à qui un dieu complaisant envoie je ne sais combien de beaux vers dont le poëte lui-même ne se doute pas'. » Erreur intéressée : tant de gens ont leurs raisons pour nous faire accroire que le travail n'est bon qu'aux esprits médiocres, et que le génie échappe à cette vulgaire servitude! La Fontaine s'est avoué paresseux, je le veux bien, mais paresseux à entreprendre. L'oeuvre une fois commencée, il n'y épargnait ni temps, ni peine, comme Bossuet, comme Racine, comme Boileau, comme tous ces maîtres si pleins d'estime

Saint-Marc Girardin. La Fontaine et les Fabulistes. H. Taine. La Fontaine et ses fables. - Dans ce dernier ouvrage, gâté d'ailleurs par les plus tristes théories, la partie littéraire est fort remarquable.

S.-M. Girardin. La Fontaine et les Fabulistes. Première leçon.

[ocr errors]

pour l'art et de respect pour le public, affranchis du reste de la précipitation qu'imposent à nos contemporains ou les besoins de la vie ou la frivole curiosité de la foule. « Les ratures de La Fontaine sont célèbres, dit M. Nisard'; et, pour citer un exemple, le premier projet de la fable intitulée : le Renard, les Mouches et le Hérisson, ne renferme que deux vers de la rédaction définitive'. Le poëte a pris soin lui-même de nous livrer çà et là le secret de ses lectures, de ses théories sur l'imitation des anciens, de ses procédés de composition, de sa méthode à la fois si réfléchie et si spontanée. Et, à vrai dire, qu'avions-nous besoin de toutes ces preuves? Pour qui sait lire, les fables ne sont-elles pas elles-mêmes un suffisant témoignage? Non, sans une profonde application d'esprit, le poëte ne pouvait s'oublier comme il l'a fait, ni se livrer de la sorte à la vue et à l'impression d'un spectacle imaginaire. Non, sans un patient et sérieux labeur, il ne lui eût pas été donné de se contenir et de se gouverner lui-même, au point d'égaler le goût à la verve, la sagesse à la liberté. Non, une composition rapide et négligée n'eût jamais atteint à cette facilité charmante, à ce beau naturel qui font des fables un plaisir de choix pour les habiles et en même temps les laissent à la portée des simples. Les hommes les plus heureusement doués ne sont pas au-dessus des lois universelles; ils ne font que les manifester dans une lumière plus éclatante. Or, c'est une loi que nulle création de l'art ne vaut au delà de ce qu'elle a coûté, qu'il n'y a pas de chef-d'œuvre sans effort, ni de génie sans travail. G. LONGHAYE.

'Hist. de la Littér. française. Livre III, ch. x, § 7.

Walckenaer. Hist. de la Vie et des ouvrages de La Fontaine. Livre VIo.

LA THERMODYNAMIQUE

(CINQUIÈME ARTICLE'.)

[ocr errors]

IX

On doit bien permettre un peu de prosélytisme à un converti. En présentant cette modeste requête dès le début du premier article, j'avais particulièrement en vue le problème de la vie végétative qu'il nous faut traiter maintenant. J'ajoute, et c'est peut-être moins modeste, que j'ai l'espoir de faire des conversions. Quand une idée juste et féconde arrive en son temps, elle ne tarde pas à se préciser, elle double sa puissance en se précisant, elle se fait accepter par ses résultats ; bientôt les convictions se communiquent, s'étendent et se fortifient; on l'exploite, on la développe, on la pousse partout où elle peut pénétrer, et elle ne s'arrêtera désormais que devant des barrières naturelles. Tel fut, tel est ou tel sera le sort de cette idée bien simple, que tous les phénomènes matériels doivent, en dernière analyse, se réduire à des mouvements. Accréditée par ses succès dans l'explication des phénomènes thermiques, elle s'est fait accueillir d'abord dans toutes les parties des sciences physico-chimiques, elle s'y est mise à l'œuvre, elle s'y est établie et l'on peut prédire sans crainte qu'on ne l'en délogera point. En même temps elle s'est précisée et développée. La mécanique rationnelle, dont elle agrandissait l'empire, commence à sortir de la région des formules algébriques; tout en conservant la rigueur des mathématiques, elle s'est décidée à parler aussi le langage de tout le monde, à donner du corps à ses variables et à ses fonctions; et par cette condescendance, la mécanique a doublé la puissance de l'idée nouvelle. Aussi l'idée ne s'arrêtera pas. Elle a devant elle aujourd'hui le domaine découvert par la physiologie. De

• V. les livraisons d'Août, Septembre, Novembre 1869 et Mars 1870.

pour l'art et de respect pour le public, affranchis du reste de la précipitation qu'imposent à nos contemporains ou les besoins de la vie ou la frivole curiosité de la foule. « Les ratures de La Fontaine sont célèbres, » dit M. Nisard1; et, pour citer un exemple, le premier projet de la fable intitulée : le Renard, les Mouches et le Hérisson, ne renferme que deux vers de la rédaction définitive. Le poëte a pris soin lui-même de nous livrer çà et là le secret de ses lectures, de ses théories sur l'imitation des anciens, de ses procédés de composition, de sa méthode à la fois si réfléchie et si spontanée. Et, à vrai dire, qu'avions-nous besoin de toutes ces preuves? Pour qui sait lire, les fables ne sont-elles pas elles-mêmes un suffisant témoignage? Non, sans une profonde application d'esprit, le poëte ne pouvait s'oublier comme il l'a fait, ni se livrer de la sorte à la vue et à l'impression d'un spectacle imaginaire. Non, sans un patient et sérieux labeur, il ne lui eût pas été donné de se contenir et de se gouverner lui-même, au point d'égaler le goût à la verve, la sagesse à la liberté. Non, une composition rapide et négligée n'eût jamais atteint à cette facilité charmante, à ce beau naturel qui font des fables un plaisir de choix pour les habiles et en même temps les laissent à la portée des simples. Les hommes les plus heureusement doués ne sont pas au-dessus des lois universelles; ils ne font que les manifester dans une lumière plus éclatante. Or, c'est une loi que nulle création de l'art ne vaut au delà de ce qu'elle a coûté, qu'il n'y a pas de chef-d'œuvre sans effort, ni de génie sans travail. G. LONGHAYE.

1 Hist. de la Littér. française. Livre III, ch. X, § 7.

Walckenaer. Hist. de la Vie et des ouvrages de La Fontaine. Livre VI®.

« ÖncekiDevam »