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LA THERMODYNAMIQUE

(CINQUIÈME ARTICLE '.)

IX

On doit bien permettre un peu de prosélytisme à un converti. En présentant cette modeste requête dès le début du premier article, j'avais particulièrement en vue le problème de la vie végétative qu'il nous faut traiter maintenant. J'ajoute, et c'est peut-être moins modeste, que j'ai l'espoir de faire des conversions. Quand une idée juste et féconde arrive en son temps, elle ne tarde pas à se préciser, elle double sa puissance en se précisant, elle se fait accepter par ses résultats ; bientôt les convictions sc communiquent, s'étendent et se fortifient; on l'exploite, on la développe, on la pousse partout où elle peut pénétrer, et elle ne s'arrêtera désormais que devant des barrières naturelles. Tel fut, tel est ou tel sera le sort de cette idée bien simple, que tous les phénomènes matériels doivent, en dernière analyse, se réduire à des mouvements. Accréditée par ses succès dans l'explication des phénomènes thermiques, elle s'est fait accueillir d'abord dans toutes les parties des sciences physico-chimiques, elle s'y est mise à l'œuvre, elle s'y est établie et l'on peut prédire sans crainte qu'on ne l'en délogera point. En même temps elle s'est précisée et développée. La mécanique rationnelle, dont elle agrandissait l'empire, commence à sortir de la région des formules algébriques; tout en conservant la rigueur des mathématiques, elle s'est décidée à parler aussi le langage de tout le monde, à donner du corps à ses variables et à ses fonctions; et par cette condescendance, la mécanique a doublé la puissance de l'idée nouvelle. Aussi l'idée ne s'arrêtera pas. Elle a devant elle aujourd'hui le domaine découvert par la physiologie. De

• V. les livraisons d'Août, Septembre, Novembre 1869 et Mars 1870.

quel droit voudrait-on la repousser et lui interdire les nombreux phénomènes qu'il renferme? Ils sont encore bien imparfaitement explorés, parce que la physiologie est de date récente; c'est une raison de plus pour y porter toutes les lumières dont on peut disposer.

Nous allons la suivre dans cette nouvelle invasion, non pour nous enrichir par des conquêtes physiologiques, mais pour trouver un nouveau point de vue d'où nous puissions porter nos regards plus loin, jusque dans le domaine de la philosophie. La physiologie, comme toutes les sciences, se renferme dans les phénomènes matériels qu'elle subordonne les uns aux autres, en voyant ici des effets, là des causes. La philosophie passe aux causes substantielles, aux agents dont les phénomènes ne sont que les actions. Dans toute cette étude, la première ne sera pour nous qu'un auxiliaire de la seconde. C'est ainsi que dans le chapitre précédent nous n'avons fait de physique qu'autant qu'il en fallait pour arriver à connaître les atomes, ces agents de tous les phénomènes matériels où la vie ne se montre pas.

La question que nous abordons n'est pas nouvelle. Elle s'est créé depuis longtemps tout un vocabulaire de mots. abstraits dont j'espère pouvoir me passer. Tels sont, par exemple, pour désigner les solutions plus ou moins différentes proposées jusqu'ici, les noms de mécanicisme, dynamisme physico-chimique, organicisme, histologisme, vitalisme, animisme et d'autres encore. Comme je ne fais ni l'histoire ni la critique de ces solutions, je me permettrai de rappeler au lecteur que dans les volumes I et IV de la série actuelle des Études, le P. Chabin en a donné un aperçu historique assez étendu, et que l'année dernière M. Th. Henri Martin, doyen de la Faculté des lettres de Rennes, en a publié une excellente critique'.

Dans la seconde partie de son travail, le P. Chabin adopte une solution que nous combattrons aujourd'hui, mais que nous-même nous avons longtemps regardée comme de beaucoup la plus probable. Il nous a fallu l'étude de la thermodynamique, et l'application de la mécanique à la physiologie,

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Les Sciences et la Philosophie. Essai IV. L'âme et la vie du corps. Paris, Didier et Comp, 4869.

pour apercevoir la faiblesse de raisons qui jusque là nous avaient paru bien fortes, et pour découvrir des raisons considérables en sens contraire. C'est ainsi que nous avons peu à peu et contre notre attente glissé dans la thèse opposée, et que nous avons fini par brûler en toute sécurité de conscience ce que nous adorions d'abord par préjugé. La conversion fut d'autant plus facile que jamais nous n'avions fait profession publique de notre culte; si aujourd'hui nous nous permettons le luxe d'un aveu, c'est uniquement dans un intérêt de prosélytisme.

En renonçant à des termes déjà consacrés par les philosophes qui ont traité les mêmes problèmes, nous ne nous privons d'aucun avantage; car les articles précédents ont fixé le sens de bien des mots scientifiques qui nous suffiront amplement. Ces mots, je prie le lecteur de se le rappeler, n'ont jamais été employés que dans le sens rigoureux de leurs définitions. Force, travail, force vive, énergie et tout le reste du vocabulaire de la mécanique, ont partout et toujours représenté les mêmes idées, idées assez nettes d'ailleurs pour se traduire facilement en nombres. Le mot corps est peutêtre le seul de ces termes caractéristiques qui ait, suivant les circonstances, reçu deux acceptions différentes, représentant parfois l'ensemble des phénomènes qui se passent dans un lieu donné, parfois l'ensemble des agents, causes substantielles de ces phénomènes. Aussi je ne crois pas qu'on puisse se méprendre sur la portée exacte des propositions établies jusqu'ici. Que les philosophes veuillent bien me le pardonner, je doute réellement qu'on puisse apporter la même netteté dans les questions que nous traitons, en puisant exclusivement ou trop largement dans leur dictionnaire.

Ils auront sans doute été surpris en m'entendant plus haut ne parler que d'atomes, là où ils auraient parlé d'atomes et de monades. Car pour eux l'atome est une substance étendue, la monade une substance matérielle inétendue; et c'est par cette différence dans la nature même des substances qu'ils caractériseraient les deux hypothèses auxquelles se ramènent en réalité toutes les théories admissibles sur la constitution des corps. Je m'en tenais pourtant au langage le plus généralement reçu dans la science, et je vais montrer qu'en se con

tentant d'un seul nom, la science moderne a été plus sage ou plus heureuse que la philosophie. Cette démonstration ne sera pas une digression dès le début; je l'ai réservée à dessein pour ce chapitre, parce que la théorie atomique est un fondement indispensable pour la théorie des phénomènes vitaux.

En dehors des conventions péripatéticiennes, les éléments des corps sont eux-mêmes des corps. Dès lors, quelque nom qu'on leur donne, toutes les langues humaines donneront à ce nom une double acception. Tantôt il désignera des phénomènes élémentaires, tantôt la cause substantielle de ces phénomènes. Dans la première acception il ne peut avoir un sens concret qu'à la condition d'embrasser certaines idées qui servent à le déterminer complétement. Telle est, par exemple, l'idée de masse, telles les idées d'instant et d'intervalle de temps, telles encore, et c'est sur ce point que nous devons insister, les idées géométriques ou relatives à l'espace. En d'autres termes, quand nous parlons de certains phénomènes matériels élémentaires, il faut en toute rigueur que nous regardions ces phénomènes comme se passant dans un certain lieu. Nous pouvons sans doute n'arrêter notre considération que sur d'autres conditions d'existence, nous pouvons faire abstraction de ce certain lieu, mais il est toujours bien entendu que ces phénomènes ne peuvent avoir une réalité objective, qu'à la condition de se passer quelque part. Supposons donc que nous ayons, suivant l'usage scientifique, adopté le nom d'atome pour désigner le corps élémentaire, il faudra, chaque fois que nous emploierons ce mot dans la première acception, entendre que l'atome dont nous parlons se trouve quelque part. Cette nécessité sera la même dans chacune des deux hypothèses scientifiques du chapitre précédent. Mais voici où peut commencer la différence de langage entre les partisans de ces deux hypothèses.

La première n'accorde aux actions élémentaires primordiales qu'une étendue fort restreinte, et par l'espèce d'impénétrabilité qu'elle est obligée d'admettre pour que les phénomènes composés puissent être le résultat des chocs atomiques, elle attribue à chaque atome un petit volume qui lui appartient en propre. L'atome-substance n'agirait à l'extérieur de

ce volume que par sa surface, et à l'intérieur aucune autre substance n'agirait directement. Avec une semblable hypothèse, appliquée comme elle l'est par ses partisans à tous les corps pondérables et impondérables, il est tout naturel que l'on parle d'atomes étendus, chaque fois que ce mot d'atome représente des phénomènes. Mais nous allons voir, par l'examen de la seconde hypothèse, que, même dans la première, ce langage n'est pas rigoureusement indispensable.

Cette seconde hypothèse admet, du moins pour les corps pondérables, que l'action élémentaire primordiale peut s'étendre à toute distance d'un centre, et qu'elle s'étend réellement, en s'affaiblissant de plus en plus, jusqu'à tout point où se trouve un centre semblable. Naturellement dans cette hypothèse ces actions se compénètrent; et il n'y a plus lieu d'attribuer en propre à chaque atome un volume quelconque, mais seulement un centre d'action. Dès-lors les noms d'atomes étendus et d'atomes inétendus seraient à peu près aussi justes l'un que l'autre, et il devient plus sage, vu leur contradiction apparente, de ne pas s'en servir du tout. Mais alors, on peut bien se le demander, la première hypothèse ne serait-elle pas plus à l'aise dans son développement, si, au lieu d'attribuer dans sa langue un volume à chaque atome, elle se contentait aussi de leur donner un point, par exemple le centre de gravité de ce volume? Elle ne changerait rien à ses assertions si, modifiant son langage, elle disait : A chaque atome appartient un point autour duquel il exerce une action centrale sur les autres; mais cette action ne s'étend pas au delà d'une petite surface, rigide ou déformable, qui emprisonne ce point; et la loi des influences réciproques est telle, que jamais l'action directe des autres atomes ne pénètre à l'intérieur de cette surface. En parlant ainsi elle se rapprocherait de sa rivale, et ce rapprochement des deux hypothèses ne ferait que mieux accuser leur différence réelle. Car ce qui les distingue, ce n'est pas au fond l'emploi du mot atome étendu que l'une peut se permettre et que l'autre fait sagement de s'interdire. La vraie distinction se trouve ailleurs. La seconde regarde comme élémentaires et primordiales certaines actions à grandes distances dont tous nous constatons l'existence dans l'univers; la première soupçonne que ces actions sont des

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