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Hélas! nous l'avons déjà vue. « La substance vivante a des besoins... Ces besoins arrivés au cerveau, deviennent des passions. Car « une action du dedans, suivie d'une réaction du cerveau, est une passion, un sentiment. » Ajoutez à cela la distinction profonde des besoins égoïstes et des besoins. altruistes, fondés ceux-ci sur la sexualité, ceux-là, on ne dit pas sur quoi, et vous aurez la doctrine complète de M. Littré sur les origines organiques des instincts. Énumérant dans sa préface à la biographie de M. Comte, tout ce qu'il doit à la philosophie positive, M. Littré laisse tomber de sa plume ce témoignage d'ardente reconnaissance : « Cette philosophie... suffit à tout, ne me trompe jamais et m'éclaire toujours 1. » Évidemment le Positivisme n'est pas une pure spéculation, c'est une philosophie à l'antique, une philosophie pratique, dont le premier précepte doit être cette maxime des sages, qu'il faut se contenter de peu. Pour nous qui n'avons pas été formés à cette modération, nous nous permettrons de proposer une question et une difficulté au philosophe satisfait qui se joue au milieu des problèmes les plus ardus de la nature.

La question concernera l'origine de la sensation. M. Littré, dans un langage assez embrouillé, la fait jaillir du conflit du besoin et de la réaction du cerveau. Il n'est pas facile de comprendre ce que cela veut dire; nous croyons entrevoir que la sensation, grâce à certaines manières d'être de la substance vivante, des nerfs et du cerveau, résulte des tissus organiques, comme la chaleur, le son, l'électricité, la lumière des vibrations diverses des molécules matérielles. Mais n'est-ce pas ici une véritable divination? Vous avez analysé avec une habileté rare les divers éléments qui composent l'organisme, je le sais ; il n'est pas une fibre, une cellule qui ait échappé à votre regard: avez-vous jamais vu nulle part une sensation? Si vous l'avez vue, veuillez nous la décrire; si vous ne l'avez pas vue, pourquoi l'affirmez-vous? Comment! vous renvoyez la doctrine d'une substance spirituelle aux rêveries de la métaphysique, parce que d'après vous on n'est sûr que de ce que l'on voit, et vous parlez avec assurance de sensations que vous n'avez jamais vues ! Ce n'est pas la même chose, direz-vous.

A. Comte, p. II.

La sensation, je la constate en moi par la conscience, quoique M. Comte n'ait pas reconnu ce mode d'information. Je vois en outre qu'elle est accompagnée de certains mouvements, de certaines modifications externes et internes de l'organisme. Ces modifications internes et externes, je les observe dans tous les êtres animés; il y a plus, en opérant sur le système nerveux, je produis ou j'intercepte à mon gré toute sorte de mouvements. Ne puis-je pas conclure avec raison que les nerfs sont le principe des sensations, aussi bien que des mouvements? - Jadis on aurait dit que cette conséquence n'est pas contenue dans les principes. D'ailleurs elle dépasse la portée de la méthode positiviste. Vous voyez des nerfs, dites que vous voyez des nerfs; vous voyez des mouvements, dites que vous voyez des mouvements; ces mouvements vous paraissent analogues à ceux que vous produisez, lorsque vous éprouvez une sensation, dites que ces mouvements vous paraissent analogues à ceux que vous produisez, lorsque vous éprouvez une sensation. Mais, de grâce, arrêtezvous là, si vous ne voulez pas vous aventurer dans les ténèbres de la métaphysique: rien ne vous donne le droit d'unir ces deux termes, nerfs et sensations. Le sonneur aurait beaucoup plus de raison d'affirmer que le son de la cloche est dans la corde qu'il tient à la main, car du moins il constate sûrement par les sens qu'il y a dépendance entre le son, le mouvement et la corde. Peut-être, par hasard, vous tomberez juste. Mais, positiviste, vous n'en savez rien, vous n'en pouvez rien savoir. Au delà de ce qui se voit et se touche, vos principes ne vous conduisent qu'au scepticisme.

Voici [maintenant notre difficulté. M. Littré fonde sur la sexualité les instincts altruistes. Ceci veut dire, croyons-nous, que les organes de la génération sont la raison dernière pour laquelle les êtres vivants s'aiment les uns les autres et contribuent à leurs avantages réciproques. Nous sommes obligés de reconnaître ici un de ces éclairs que M. Littré se félicite de rencontrer si nombreux dans la philosophie positive. En dehors de cette école lumineuse, quelque penseur hardi aurait peut-être assigné une telle origine aux instincts qui se groupent autour de la famille; mais, à coup sûr, la lumière et le courage l'eussent abandonné plus loin. C'est pourquoi nous

conjurons M. Littré de réfléchir sur nous un de ces rayons qui l'inondent, et de nous faire voir clair comme le jour pourquoi l'instinct de la sociabilité se trouve surtout chez les animaux les plus disgraciés au point de vue de la sexualité. Personne n'ignore en effet les prodiges de dévouement dont les abeilles, les fourmis et les termites donnent l'exemple sans se démentir jamais; mais, dans ces petites républiques, les citoyens qui travaillent au bonheur de l'état, sont flétris du nom de neutres, les autres, en fort petit nombre, ne savent que jouir. La loi de l'égoïsme et de l'altruisme est non-seulement en défaut, mais renversée. On répondra peut-être que ces animaux sont associés pour assurer la reproduction de leur espèce, ce qui est très-vrai. Mais il faudra toujours expliquer comment la sexualité, qui n'existe pas dans les neutres, est un principe d'association là où elle n'existe pas avant d'être principe, il faut être.

Le problème de l'origine des instincts est-il résolu?

Il est temps de finir. M. Littré, dans la pleine lumière de cette philosophie qui l'éclaire toujours, n'a pas bien su distinguer, ou du moins faire comprendre, ce que c'est que la morale. Il entreprend d'en montrer l'origine dans les tissus organiques, et ses essais de démonstration s'appliquent à toute autre chose. La règle, le devoir et la liberté, qui sont l'essence même de la morale, sont pour lui non avenus. C'est de la passion qu'il s'occupe en leur lieu et place, et avec quel succès! Ce magnifique problème, mutilé jusqu'à ne plus contenir qu'une donnée, la plus mesquine, lui échappe des mains comme l'eau. M. Littré a écrit à la fin de son second article ces fières paroles : « Depuis que j'ai été à l'école de la philosophie positive, j'ai toujours lu, non sans une sorte de dédain logique, les éloquentes déclamations d'un Pascal ou d'un Bossuet, sur les responsabilités de la nature humaine. » Après tout ce qu'il a débité sur la morale, ce dédain est encore ce qu'il y a de plus étrange.

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DE LA GUYANE'

(Suile.)

I

Suivons la belle frégate la Forte, de 60 canons, qui franchissait pour la première fois l'Océan, comme la plupart de ses passagers; car tout semblait nouveau dans l'entreprise qu'on allait tenter. Ce vaisseau, sur lequel l'Allier avait quelques jours d'avance, représentait plus au complet la naissante colonie, encore confiée toute entière aux flots. Avec le plus grand nombre des condamnés, il portait la moitié des aumôniers destinés à la Transportation, et d'ailleurs ce sont les Pères qui ont laissé le récit de ce voyage d'exploration et d'établissement primitif2.

L'équipage, une vingtaine de passagers, y compris les 3 missionnaires, des gendarmes et des gardes-chiourmes, quelques-uns avec femmes et enfants, 30 condamnés, dits politiques, 240 forçats libérés, émigrants volontaires, enfin 360 forçats pris aux bagnes, en tout 783 personnes, composaient la population flottante de la Forte. Notons le contingent des Transportés volontaires. Le lecteur prévoit qu'il ne

Voir le numéro d'Octobre 4869.

« Nous avons reçu l'ordre de nous embarquer ce soir, écrit le P. Hus... Nous sommes tous les cinq pleins de joie d'avoir été jugés dignes de souffrir quelque chose pour le nom de Jésus. Demandez et faites demander à Dieu qu'il daigne nous maintenir dans ces bonnes dispositions.» (Brest, 24 avril, au R. P. Provincial.)

3 Lettre du 27 juin 1852. Cf. celle du P. Morez, citée plus au long à la fin du recueil du P. de Montézon, S. J. Mission de Cayenne et de la Guyane française, 4858, Douniol.

Commandant M. Bouet aîné, capitaine de frégate; à bord, M. Radié, aide de camp du commissaire général.

se maintiendra pas après l'expérience, dans une telle proportion. Mais en ce moment les condamnés mêmes se laissaient aller à l'espoir d'échanger leur peine contre la position aisée de colons propriétaires, entourés, ou de leur ancienne famille, qui cette fois leur serait redevable de son bien-être, ou, comme leurs plantations futures, de liens et de rejetons nouveaux. Le vent de la fortune ne commençait-il pas, comme celui de la mer, à enfler leur voile? Déjà ils ont en partie leur vêtement honnête'; ils ne portent plus qu'un anneau de fer assez léger, appelé manille: on le laisse attaché au bas de la jambe, non comme un souvenir de leur bagne, que l'esprit de l'administration tend à effacer, mais comme moyen de les reconnaître et de les reprendre, s'ils s'évadaient à la faveur de ce premier essai d'émigration; et aussi comme occasion réservée au débarquement ou à la première fète qui suivrait, de leur donner un nouveau gage de confiance et de raviver en eux le sentiment d'une nouvelle existence, en leur ôtant cette dernière marque de captivité.

Aussi, et le monceau de chaînes, de boulets, d'entraves, amassé sur le vaisseau pour mettre les indisciplinés à la raison, et les instruments de punition corporelle, naguère encore en usage pour les marins et toujours pour les transportés, et le droit de vie et de mort sur les rebelles, dont le commandant était investi, toutes ces rigueurs devenaient inutiles. Sauf le vin et l'eau-de-vie, les condamnés avaient même ration que l'équipage. Ils eussent été parfaitement contents de leur sort sans la présence importune de leurs anciens surveillants de bagne qui leur rappelait leur déchéance sociale et leur captivité.

Mais ils n'avaient qu'une heure par jour, pour respirer un

<< Un bonnet de laine bleue ou noire les distingue, suivant que leur peine est temporaire ou à vie, capote de drap gris, pantalon item, s'ils n'ont mieux aimé en acheter d'autres; souliers neufs, chemises neuves de toile forte, et non trop grossière.» (Lettre da R. P. Hus, 21 juin.)

• Le Commissaire général rendit même, le 22 mai, cet arrêté pour la ration du transporté en Guyane: Le Commissaire général, etc. Considérant que pour entrer, comme elie le doit, dans les intentions du Prince-Président et contribuer à la réalisation de sa haute pensée, l'administration locale doit apporter dans les conditions d'existence des déportés tout le bien-être qui est compa

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