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Nous sommes enclins naturellement à cette opération par imagination et par sympathie. A l'aspect d'une fusée qui s'élance, comme à l'aspect d'un oiseau qui prend son vol, nous nous mettons volontairement à la place de l'objet, nous répétons mentalement son essor, nous l'imitons par notre attitude et nos gestes'. Les peuples enfants, en qui cette aptitude est intacte, la suivent bien plus loin que nous. L'homme primitif, l'Aryen, le Grec imprégnait de son âme les sources, les fleuves, les montagnes, l'air, tous les aspects du ciel et du jour, il voyait dans les êtres inanimés des vivants semblables à lui-même 3. Peu à peu, à force d'expériences et de vérifications, nous avons restreint ce transport trop complet de nous-mêmes hors de nous-mêmes. Aujourd'hui nous l'avons ramené à son minimum... » ‹ L'aptitude est également réduite à son minimum. » Le maximum était une source par trop abondante d'erreurs. Comment! les nuages, tous les aspects du ciel, etc., etc., étaient des hommes ! Mais, n'en déplaise à M. Taine, il reste encore à savoir pourquoi le minimum donne la certitude. Rien n'est prouvé. Cependant, il n'y a pas lieu de s'en affliger. Si notre philosophe ne sait pas restituer à l'univers son existence, sa conscience ne doit pas s'en alarmer; il ne la lui avait pas enlevée.

En résumé: des affirmations répétées, l'interprétation arbitraire d'un mot, un argument de travers, un cercle vicieux, une application de principes qu'il rejette, tels sont les moyens efficaces à l'aide desquels M. Taine a fait disparaître, « au sommet et à la base de la nature, » la matière et l'esprit, en leur conservant toutefois une sorte d'existence ténue dans les faits ou les événements. Je crois que nous pouvons continuer à jouir en paix de nos vieilles convictions.

J. DE BONNIOT.

Il me semble que M. Taine renverse ici l'opération: il se fait oiseau, et sa théorie demande qu'il fasse de l'oiseau une image de lui-même.

* C'est-à-dire, du total actuel de ses événements successifs.

C'est une confidence faite à M. Taine par A. Comte, qui n'a jamais dit qui la lui avait faite à lui-même.

LES FAUSSES DÉCRÉTALES

L'EPISCOPAT FRANC ET LA COUR DE ROME

DU IXE AU XI SIÈCLE

Les récentes discussions sur les fausses décrétales n'auront pas été sans quelque profit pour la science. A défaut d'autre avantage, elles auront eu pour résultat de faire mieux connaître la dissertation de M. Paul Hinschius, peut-être trop peu appréciée jusqu'ici en France par les amateurs d'études historiques. Ce remarquable travail ne laisse rien à désirer de ce qu'il est permis de demander à un éditeur en fait de recherches critiques sur la nature et l'origine du document qu'il s'est chargé de communiquer au public lettré. C'est un véritable modèle du genre. Avec un tel guide, on peut s'engager hardiment dans le dédale des problèmes soulevés autour de l'œuvre du faux Isidore, sans avoir à craindre de négliger aucun détail important, ni de s'égarer jamais dans des digressions inutiles. A ce mérite de l'érudition à la fois consciencieuse et sobre se joint celui d'une marche toujours ferme et logique. Grâce à l'habile distribution des matières, le lecteur voit se dérouler peu à peu, avec une parfaite netteté, toutes les circonstances dans lesquelles s'est produite la célèbre supercherie. A chaque étape, on mesure sans peine le chemin parcouru et on enregistre les résultats acquis; arrivé au terme, l'esprit embrasse d'un regard satisfait l'ensemble des ques

La publication de M. Hinschius a été signalée aux lecteurs des Études dans deux articles du P. L. de Régnon (3o série, t. V, p. 474 et t. Xl, p. 382), qui en ont fait ressortir l'importance capitale. Nous renvoyons à ces articles ceux qui n'auraient pas le loisir ou le courage de lire les deux cent trente-six pages gr. in-8° de la dissertation latine de M. Hinschius. Ils y trouveront une analyse exacte et intéressante des résultats auxquels est parvenu l'érudit allemand. Sur un ou deux points, comme on pourra s'en apercevoir plus bas, nous prendrons la liberté de combattre les conclusions de notre savant collaborateur.

tions successivement étudiées, il se rend un compte exact des points que la critique est parvenue à mettre hors de doute, et il est parfaitement préparé à marquer sa place et son importance à chaque découverte qu'amèneront de nouvelles recherches.

Les catholiques auront particulièrement à se féliciter de voir la belle étude de M. Hinschius attirer de plus en plus l'attention des hommes sérieux. Écrite par un protestant et sans autre préoccupation que celle des intérêts de la vérité historique, elle venge complétement le Saint-Siége des odieuses accusations dont les fausses décrétales ont fourni le thème ou le prétexte, et l'on y trouvera encore dorénavant, nous n'en doutons pas, des armes solides pour repousser les attaques du même genre qui ne manqueront pas de se renouveler à l'avenir.

Cependant, afin de réaliser pleinement ce dernier avantage, il faudrait peut-être un chapitre de plus à la préface de M. Hinschius, et ce chapitre est si consolant que nous n'avons pu résister au désir de l'esquisser. Le savant éditeur des fausses décrétales a parfaitement démontré, tant par des preuves directes que par la réfutation des faibles arguments d'Ant. Theiner et d'Eichhorn, que ces documents apocryphes ont été fabriqués en France dans la province ecclésiastique de Reims. Rien qui permette d'attribuer à la cour de Rome une part quelconque dans l'audacieuse imposture. Mais le SaintSiége ne s'est-il pas empressé au moins d'en faire son profit? N'a-t-il pas travaillé à faire accepter comme des titres incontestables ces pièces si favorables à son autorité, et à leur donner le crédit qu'elles eurent pendant tout le cours du moyen âge? Cette question est d'un grand intérêt pour qui cherche principalement, dans l'examen des fausses décrétales, ce qu'elles peuvent offrir de ressources ou d'embarras à l'apologiste de l'Église et du siége apostolique. Il n'entrait pas dans le plan de M. Hinschius de la traiter à fond. Il semble même qu'il ne se soit pas donné la peine de l'étudier sérieusement; car la seule phrase où il la touche en quelque manière est de nature à donner complétement le change sur la véritable solution.

Hinschius, De collectione Isidori Mercatoris, p. CCIV, sqq.

◄ Le pape Adrien II, dit-il, successeur de Nicolas I", cite déjà expressément les fausses décrétales, par exemple, dans la lettre qu'il adressa en 871 aux évêques du synode de Douzi1. » Le lecteur conclura naturellement de là que, dès l'année 871, l'autorité des décrétales pseudo-isidoriennes n'était pas mise en doute à Rome, et qu'elle était proposée comme irréfragable par les Souverains Pontifes. Ce serait une grave erreur. Il est certain, au contraire, comme nous le disions ici même il y a quelques mois, que les Papes ne firent rien pendant près de deux siècles pour établir l'authenticité des fausses décrétales, et qu'ils manifestèrent plutôt une défiance bien marquée à leur endroit, tandis qu'elles jouissaient d'une autorité incontestée dans les pays de domination franque. Nous nous proposons aujourd'hui de fournir les preuves de cette assertion.

Voyons d'abord ce qui se passa de ce côté-ci des Alpes: nous apprécierons mieux ensuite, par l'effet du contraste, ce ce qu'il y eut de remarquable dans la conduite des Papes.

I

C'est vers l'an 850, ainsi que l'a établi M. Hinschius', que les décrétales pseudo-isidoriennes furent mises en circulation. Le mémoire apologétique présenté au concile de Soissons de 853 par les clercs de l'Église de Reims, sans les mentionner expressément, contient une allusion manifeste aux règles de discipline dont elles forment la base3. En 857, elles obtinrent l'honneur d'une citation textuelle au concile de Quiercy-surOise on s'y autorisa de décisions empruntées aux prétendues lettres de saint Anaclet, de saint Urbain et de saint Lucius*.

Ensuite, c'est Hincmar de Reims qui puise largement à ces sources suspectes. Il en a inséré sept passages dans son traité

1 Ibid., pag. ccvi, note 2.

De collectione Isidori Mercatoris, part. IV (p. CLXXXIII et suiv.).

• Bouquet, Recueil des historiens de France, 1. VII, p. 277. — Cf. Hinsch.,

P. CCI.

-

Labbe, Concil., t. VIII. col. 247. Cf. Ps.-Isid., Anacl. cap. xiv (p. 73); Urban. cap. Iv (p. 144); Luc. cap. VII (p. 179). Inutile d'avertir que nous citons les fausses décrétales d'après l'édition de M. Hinschius.

sur le divorce de Lothaire', publié vers 862 ou 863. On en lit trois dans le mémoire adressé à Charles le Chauve, en 868, au sujet de la saisie des biens de l'église de Laon'. Dans l'opuscule dit des cinquante-cinq chapitres, écrit contre Hincmar de Laon vers 871, il n'est pas fait moins de douze à quinze fois appel à l'autorité des décrétales. Enfin, dans son opuscule De Presbyteris criminosis, le savant archevêque mentionne la collection entière comme ayant pour auteur saint Isidore de Séville'.

Faute d'avoir suffisamment examiné tous ces textes, bon nombre d'écrivains, parmi les gallicans surtout, ont représenté Hincmar comme un précurseur de Blondel dans la découverte de l'imposture; et, ainsi qu'il arrive d'ordinaire, bon nombre d'autres leur ont fait écho. Ils pouvaient alléguer, il est vrai, deux arguments, assez plausibles à première vue. L'un est tiré de l'opuscule des cinquante-cinq chapitres contre Hincmar de Laon. « J'aurais long à en dire, s'écrie quelque part l'auteur, sur les assertions d'Isidore et sur la lettre de Damase qu'il met en tête de sa collection. Mais les écrits de Léon, de Gélase et des autres Pontifes romains qui ont succédé à Damase sur la chaire apostolique me fournissent surabondamment les autorités et les explications dont nous avons besoin dans le présent débat. Ainsi, je m'abstien

Interrog. IV (Migne, P. L., t. CXXV, col. 649), interrog. V (col. 654), interrog. X (col. 689-682), interrog XI (col. 706), interrog. XII (col. 706), interrog. XIX (col. 730) et quæst. VII (col. 762). Cf. Ps.-Isid., Evarist. cap. II (p. 87); Fabian. cap. XXII (p. 465); Alexandr. cap. VII (p. 97); Cornel. cap. VI (p. 474); Felic. 1. cap. v (p. 198); Gregor. M. ad Felic. Sic. (p. 751 et 752). Migne, P. L., tom. cit., col. 4043 et col. 4046. Cf. Ps.-Isid., Urban. cap. v (p. 445); Luc. cap. VII (p. 478); Stephan. cap. 11 (p. 481).

2

Au c. XV (Migne, P. L., t. CXXVI, col. 329-333). Cf. Ps.-Isid., Clement. capp. XXIX, XXX (p. 39); Anaclet. capp. XV, XVI, XXVI, XXVIII-XXXIII (p. 73, 79, 82); Zephyrin. cap. V (p. 432); Stephan. cap. VIII-X (p. 185); Dionys. cap. III (p. 196); Pelug. II. Epist. I. (p. 724). Puis au c. xx (tom. cit., col. 355). Cf. Ps-Isid., Anaclet. cap. XXI (p. 78); Jul. cap. VIII (et capp. XI, XII, XVI, p. 460, sqq.). Au c. XXV (ibid., col. 387). Cf. Ps.-Isid., Clem. cap. XXVIIXXIX (p. 39); Anaclet. cap. XXVI (p. 79). · Et au c. XXXV (ibid., col. 422). Cf. Ps.-Isid., Luc. cap. V (p. 176).

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« Scriptum namque est in quodam sermone, sine exceptoris nomine de gestis sancti Silvestri excepto, quem Isidorus episcopus Hispalensis collegit cum epistolis Romanæ sedis pontificum a sancto Clemente usque ad beatum Gregorium.... » Hincmar. Rhem., De Presb. crim., cap. XXI (Migne, P. L., t. CXXV, col. 1403).

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