Sayfadaki görseller
PDF
ePub

sous l'ancien régime, et les magistrats belges, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, n'y trouvaient rien à reprendre. Il est donc ridicule de faire un grief spécial aux tribunaux de l'Inquisition de ce qui n'était que l'application du droit commun en matière de procédure criminelle. Il ne serait même pas difficile de montrer, comme l'a fait déjà suffisamment Mgr Hefelé dans le chapitre de son histoire du cardinal Ximenès consacré à l'Inquisition espagnole, que ces tribunaux se montraient en général beaucoup plus équitables et moins rigoureux que les autres à l'égard des accusés.

Cette réponse ne suffira pas, nous le savons bien, à une foule de gens qui mettraient volontiers sur le compte de l'Église tous les abus de l'ancien régime. A leurs yeux l'alliance étroite qui existait entre l'Église et l'État, rend la première responsable de toutes les imperfections de l'organisation politique et de l'administration sociale d'alors. Il y a là une injustice contre laquelle il ne faut pas se lasser de protester. On s'exagère souvent beaucoup la portée d'une alliance positive entre l'Église et l'État. Nous disons d'une alliance positive, car c'est une erreur de croire qu'en dehors de cette condition, l'Église et l'État puissent vivre côte à côte sans aucun échange de bons offices. Indépendamment de toute alliance avec l'État, l'Église aurait toujours obligé ses enfants, comme elle le fait encore aujourd'hui, à remplir envers le gouvernement civil tous les devoirs qui résultent pour eux des droits de l'autorité légitime dans l'ordre temporel. Indépendamment de toute alliance avec l'Église, la force des choses, l'état des esprits et des mœurs, les raisons politiques auraient porté le gouvernement civil, dans des temps et des circonstances donnés, à reconnaître la religion catholique comme religion d'État et à proscrire, dans une certaine mesure, l'hérésie et l'infidélité; toujours aussi, à moins de supposer la chimère d'une société dont à peu près tous les membres seraient athées ou déistes, le gouvernement civil, s'il ne veut pas se montrer ouvertement persécuteur, sera obligé d'accorder certaines faveurs ou quasi-faveurs à l'avantage, soit du culte catholique seul, soit de toutes les religions positives qui n'offensent pas d'une manière patente les prescriptions de la loi naturelle et les principes reçus chez tous les peuples civilisés.

Qu'entraîne donc de plus une alliance positive entre l'Église et les gouvernements civils? De la part de ceux-ci, elle entraîne la reconnaissance explicite, légale, stable, plus ou moins complète, des droits imprescriptibles de l'Église, et en outre assez souvent quelques prérogatives ou marques d'honneur conférées à ses chefs; de la part de l'Église, un concours plus efficace à l'action du pouvoir civil et, en général, une part plus ou moins grande attribuée à ce pouvoir dans la nomination des dignitaires ecclésiastiques.

Mais l'histoire ne nous offre pas un seul exemple d'une nation tant soit peu considérable recevant ses lois de l'Église ou sacrifiant ses usages et ses traditions pour accommoder son organisation politique,

son administration civile ou judiciaire au type que lui offraient les institutions du même genre dans la société religieuse. Les races barbares qui se partagèrent en Occident les débris de l'empire romain, se trouvaient, après leur conversion, comme naturellement placées sous la tutelle de l'Église, et l'Église, ainsi que l'a judicieusement remarqué M. Guizot, ne put se refuser à accepter cette lourde charge. Et cependant comme les législations des royaumes fondés par les envahisseurs portent peu l'empreinte de l'influence ecclésiastique! A part quelques articles où il est spécialement question des droits et des prérogatives de la religion et du clergé, on n'y trouve guère que la traduction en stipulations plus précises des coutumes déjà indiquées par Tacite dans son opuscule de Moribus Germanorum. L'Église devait réformer peu à peu ces coutumes, non pas directement, elle n'a pour mission directe que le salut des âmes, mais sûrement par l'action lente de la doctrine évangélique; action trop souvent interrompue et contrariée par les violences des passions de tout genre, si faciles à s'enflammer dans les différentes classes des jeunes sociétés du moyen age, mais se continuant toujours à travers tous les désordres jusqu'aux temps modernes, qui en recueillent les fruits, tout en méconnaissant la main qui les lui a dispensés.

Nous ne transcrirons pas ce qu'a écrit Balmès sur l'adoucissement des mœurs par l'Église dans son éloquent ouvrage sur le Protestantisme comparé au Catholicisme; mais nous ne pouvons nous dispenser de rappeler ici que, dès les premiers temps de son existence, l'Église offrait dans sa législation canonique un modèle d'une remarquable perfection quant à l'organisation du régime pénal. Les garanties les plus larges et les plus efficaces données à la libre défense de l'accusé, la faculté d'appel à des degrés successifs, de l'évêque au métropolitain ou au concile provincial, et de celui-ci au pouvoir central siégeant à Rome, la preuve testimoniale seule admise à l'appui des accusations, un système de pénalités médicinales plutôt que vindicatives, tendant à réhabiliter le coupable à ses propres yeux et à ceux de la communauté tout entière, lui laissant dans sa soumission volontaire et publique à ces expiations le moyen de se faire un titre d'honneur de ce qui semble de sa nature ne pouvoir constituer qu'une note d'infamie; voilà quelques-uns des principaux traits de cette législation, si admirable dans sa simplicité. Il a fallu des siècles à la jurisprudence séculière pour en apprécier la beauté, et maintenant encore elle a bien des progrès à faire avant d'atteindre, dans son système de répression, à l'idéal que l'Église a réalisé dès son origine.

Rappelons en outre l'horreur que l'Église a toujours témoignée pour l'effusion du sang, les protestations qu'elle a fait entendre, par la bouche des Augustin, des Agobard, des Nicolas Ier et autres, contre l'un des éléments les plus odieux de l'ancienne procédure criminelle, l'emploi de la torture, et l'on verra sans peine combien il serait injuste, sous ce rapport comme sous bien d'autres, de confondre l'Église

avec l'ancien régime et de faire retomber sur elle la responsabilité d'abus qu'elle n'avait ni le pouvoir ni la mission de détruire.

Les vices de l'ancien régime sont souvent exploités aussi par les politiques, qui voient dans la pondération des pouvoirs et l'introduction de l'élément populaire dans la machine gouvernementale la panacée universelle contre tous les maux de la société. Nous n'avons pas l'intention de récriminer contre le régime parlementaire, et nous ne regrettons nullement les monarchies absolues. Cependant nous croyons devoir avertir charitablement les partisans, si nombreux et si convaincus, de la supériorité du nouveau système de gouvernement, qu'ils ne trouveront pas dans l'Histoire du droit pénal dans le duché de Brabant, un argument bien efficace en faveur de leur cause. Il est remarquable, en effet, que tous les projets de réforme, incomplets sans doute, mais néanmoins franchement progressifs, émanèrent de la cour impériale ou du gouverneur général des Pays-Bas, tandis que les conseils des provinces, qui représentaient l'élément populaire et formaient vis-à-vis du pouvoir central un contre-poids qu'il n'avait pas dans la plupart des autres états de l'Europe, ont fait échouer à peu près tous ces projets, soit par leur opposition directe, soit par une inertie calculée, contre laquelle venaient se briser tous les efforts et toutes les insistances. L'égoïsme des intérêts privés, un attachement exagéré à de prétendus priviléges, parfois même l'impopularité des auteurs des projets de réforme', paralysaient la bonne volonté des souverains et étouffaient dans leur germe les mesures le plus évidemment dictées par l'amour de la justice et la considération des intérêts des justiciables. Ainsi, lorsque la torture était déjà abolie en droit et en fait dans les pays de gouvernement absolu, comme la Prusse, la Russie et les états héréditaires de la maison de Habsbourg en Allemagne, les provinces des Pays-Bas s'obstinaient à en conserver l'usage, et les édits de Joseph II du 1er janvier et du 3 avril 1787, qui en étendaient l'abolition à ces provinces, aussi bien que la suppression de cette foule de juridictions distinctes et indépendantes les unes des autres, qui rendaient l'administration de la justice si arbitraire et si compliquée, durent être annulés avant même qu'on eût essayé de leur donner un commencement d'exécution'.

Bien d'autres réflexions seront suggérées par la lecture du mémoire de M. Poullet aux esprits attentifs qui cherchent surtout dans l'histoire du passé des leçons pour le présent et pour l'avenir. Trop souvent ceux qui s'appliquent à ce qu'on appelle un peu vaguement la philosophie de l'histoire, se figurent qu'il leur suffit de connaître les points culminants des faits et qu'ils peuvent se dispenser du travail assez pénible de descendre aux détails. Trop souvent ils s'exposent ainsi au danger de faire fausse route et de laisser échapper bien des

[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small]

points de vue d'une importance capitale. Ce danger n'est guère à craindre pour les lecteurs capables de goûter des travaux tels que celui dont nous avons tâché de donner ici une faible esquisse.

CH. DE SMEDT.

PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE, par M. Am. de MARGERIE. Paris, Didier. In-12, pp. xx-412.

Y a-t-il une philosophie contemporaine? Que dit-elle ? Que fait-elle ? Que contient-elle qui puisse nous aider, dans la sphère de son action sur les esprits, à sortir de notre chaos social bien plus funeste que les désastres militaires qui l'ont mis à nu? Telles sont les questions que soulève un livre publié par M. de Margerie au début de la guerre et auquel le long chômage intellectuel que nous venons de traverser, a conservé sa fraîcheur de nouveauté, tandis que le désordre moral auquel nous assistons ajoute encore à son actualité.

Les trois parties dont il se compose se relient entre elles moins par l'unité de composition que par celle d'esprit et de but. C'est pourquoi nous nous attachons à en faire ressortir la partie générale, plutôt qu'à en reproduire la texture dans une analyse exacte.

L'ouvrage s'ouvre par une étude sur M. Cousin et son école. Pendant longtemps on a pu croire qu'en M. Cousin se résumait toute la philosophie de notre époque, tant son talent brillant et retentissant avait éclipsé par son éclat, étouffé sous son bruit tous les autres enseignements. Et si le nom antique d'École eût été ressuscité dans la nouvelle Sorbonne, il se fût sans doute appliqué à cette pléiade de jeunes professeurs et d'écrivains de talent qu'il enrôlait presque officiellement sous la bannière de l'éclectisme. Ils commençaient sous les yeux du maître une postérité que, sur le déclin de sa longue carrière, de cette retraite littéraire où l'érudit survivra au philosophe, il devait voir mentir presque tout entière à ses origines.

Faut-il s'en étonner? Très-fin dans ses analyses lorsqu'il n'est point égaré par l'idée préconçue, très-vigoureux dans l'attaque lorsqu'il réfute les derniers tenants du sensualisme, M. Cousin devient faible et incertain lorsqu'il s'agit de poser les bases de sa métaphysique. Disonsle de suite, en tenant dans un demi-jour qui ne voulait ni se perdre dans la grande lumière de la Révélation, ni retourner aux ténèbres du matérialisme, les notions de substance et de création, il forçait ses disciples à se faire eux-mêmes leur doctrine sur les questions capitales de tout système. Quelle philosophie que celle qui léguait à Jouffroy, le plus brillant peut-être et le plus fidèle avec Saisset des élèves de M. Cousin, une série de questions à résoudre, qui eut épuisé dix vies comme la sienne, avant d'aborder le problème souverain de la

[ocr errors]

M. Cousin et son École. La spiritualité de l'âme et le matérialisme moderne. M. Ravaisson et la philosophie française au XIXe siècle.

destinée humaine! Est-il surprenant que dans cette longue route que leur ouvrait le Maître sans l'avoir parcourue lui-même, plusieurs se soient écartés de ses indications pour aboutir aux abimes du scepticisme? Jouffroy sera l'éternel remords du spiritualisme séparé, tel que l'a obstinément professé M. Cousin jusqu'à la fin de sa vie.

« Son histoire, ajoute M. de Margerie, est celle de beaucoup d'âmes atteintes comme lui de ce scepticisme qu'il appelait le mal du siècle, trop hautes pour se désintéresser des problèmes que la foi sait résoudre, trop clairvoyantes et trop sincères pour ne pas s'avouer à elles-mêmes l'insuffisance des solutions jusqu'à présent essayées par la pure philosophie, trop engagées d'autre part dans la voie rationaliste pour en remonter la pente, condamnées par cette situation fausse et violente à des tâtonnements sans fin et à des désappointements toujours renouvelés, arrivant tout au plus (je parle des plus fortes et des plus heureuses), à ressaisir et à rapprocher, pour s'en faire une doctrine sans chaleur et sans vie, quelques lambeaux de la vérité vivante et complète qu'elles avaient témérairement rejetée (p. 71). »

C'est que la pensée philosophique ne peut s'isoler impunément de l'éclat jeté sur les questions capitales de la vie humaine par l'avènement de cette Lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde. Mais la préoccupation constante de M. Cousin a été de tenir les regards de ses disciples éloignés de ce foyer qui éclaire d'un jour si vif même les questions de l'ordre naturel. Cette défiance ou plutôt cette hostilité mal déguisée à l'endroit du christianisme et spécialement du catholicisme, apparaît surtout dans l'insistance avec laquelle il poursuit le mysticisme. «Par un fâcheux contraste, la théorie éclectique, indulgente à l'excès pour le scepticisme, auquel elle ne devait pas donner droit de cité dans la philosophie, se montre injustement sévère pour le mysticisme. Elle le connait mal, et ce qu'elle dit de ses inévitables conséquences ne s'applique qu'aux contrefaçons du mysticisme véritable. J'ose affirmer que celui-ci ne ressemble nullement au portrait que M. Cousin en trace (p. 46). »

Cette préoccupation mesquine a suivi M. Cousin jusqu'à la fin de sa carrière. Elle dépare les pages du livre du Vrai, du Beau et du Bien, le plus assuré peut-être entre les ouvrages de M. Cousin, de faire vivre son nom chez la postérité. La plupart des disciples l'ont religieusement emportée de l'enseignement du Maître; plusieurs n'en ont retenu que cela.

Cette position prise dès l'origine par la philosophie rationaliste, rend donc bien calomnieuse la prétention des philosophes séparés à rejeter sur le christianisme, et plus spécialement sur l'école catholique, la responsabilité de la lutte si vive qui dure encore entre les deux camps. Il est vrai que M. Cousin offrait magnanimement la paix au christianisme, pourvu que celui-ci se considérât comme le vêtement populaire des vérités naturelles, dont nul état social ne saurait se passer, en d'autres termes, abaissat sa hauteur divine jusqu'à n'être plus,

« ÖncekiDevam »