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un empire absolu sur lui, était son dieu civil, car notre Dieu, c'est tout ce qui nous domine. Il fallait que dans la politique comme dans la religion il fût ramené au seul vrai Dieu; que dans l'une comme dans l'autre, relevé intérieurement à la souveraine raison, il ne dépendît essentiellement que d'elle; que le gouvernement comme le sacerdoce n'eussent sur lui que le pouvoir indispensable pour le maintenir dans cette haute dépendance, condition de sa liberté. Tant que l'homme ne s'appartient point lui-même, qu'il continue, comme chez les païens et les juifs, d'appartenir à la société, c'est-à-dire jusqu'à la Révolution française, le christianisme est seulement établi en l'une de ses deux parties, et attend la proclamation des droits de l'homme pour s'établir en l'autre. La préparation à son établissement civil, qui coûte dix-huit siècles, est plus longue que la préparation à son établissement religieux, qui se fait de Moïse à Jésus-Christ, et n'en coûte que quinze. Si donc, rien que pour se fonder, il emploie plus de trois mille ans, dans quel immense avenir il va déployer son existence! On le juge caduc, même péri, alors qu'il est en travail de naître et qu'il lui reste à commencer la plus puissante vie!

Je le répète cependant, les dehors le condamnent, ou plutôt l'ignorance: car, s'il est compris, les dehors en vérifient la destinée. Forcé de se mêler à la société qui existait lorsqu'il parut, il en a contracté l'esprit domi

nateur. Comme elle, il a envahi l'homme, il l'a envahie elle-même. Mais juif, païen, cet esprit ne l'a point affecté dans les dogmes, où il subsiste toujours pur, toujours libérateur; il n'a perverti que la discipline. Or la discipline sera régénérée par la liberté, qui, purgeant l'Église, la mettra d'accord avec elle-même. Ainsi le christianisme religieux s'est corrompu pendant l'introduction au christianisme social: le christianisme social obligera le christianisme religieux de se corriger, et en se répandant chez toutes les nations il l'y portera avec soi, pour y régner ensemble merveilleusement unis.

On voit ici pourquoi l'Église a décliné, et pourquoi elle a vainement essayé d'évangéliser les vastes populations de la haute Asie. La situation du monde lui imposa la domination, et, dominatrice, elle dut, au réveil de la raison, après la nuit du moyen âge, provoquer la révolte, d'abord contre son autorité, ensuite contre elle-même. De là le protestantisme, de là l'incrédulité. Quant aux pertes primitives, elles ont des causes particulières, mais également naturelles. Comme il n'est point de vérité concernant la vie, qui, selon les temps et les esprits, ne soit combattue, Arius attaqua la divinité de Jésus-Christ, Eutychès son humanité, Nestorius l'union de ses deux natures, ou l'unité de sa personne, et ils séduisirent à leurs erreurs les foules, qui n'étaient pas encore suffisamment éprouvées dans

les querelles. Le siége de l'empire ayant été transféré à Constantinople, il était dans l'ordre des faiblesses humaines, que l'évêque, mesurant sa dignité à celle de la ville, finît par se croire au moins l'égal de l'évêque de Rome, et refusât de l'avouer pour chef. Le mahométisme survenant mit le comble à la désolation produite par l'hérésie et le schisme.

Afin de gagner, non quelques individus, non quelques peuplades errantes, mais de grandes nations assises, le christianisme exige la culture la plus élevée et la plus large, la civilisation la plus parfaite qui puisse exister sans lui. Il ne l'a point rencontrée dans la Chine, le Japon, l'Inde; il la trouva sous l'empire romain et il l'attendit pour paraître. La civilisation moderne ou chrétienne sera le vrai convertisseur de l'Orient et de l'univers entier.

Les juifs auront le sort commun. Leur institution se dissoudra comme celle des autres peuples. Rangés sous la même loi civile qu'eux, ils adopteront le même culte. Aussi l'Écriture ne manque pas de placer leur retour à la conversion générale de l'espèce humaine.

A la présence de la liberté, les restes du catholicisme, qui sont en Europe, vont-ils se ranimer, ou s'éteindre entièrement? L'Europe ne doit-elle recevoir de nouveau la foi qu'avec toutes les nations infidèles? Provisoirement l'Église se réfugiera-t-elle dans l'Amérique? J'incline à le penser. Il n'y a point d'exemple qu'un

grand corps religieux, ni même politique, se soit enlevé aux principes sur lesquels il reposait, afin de se constituer dans des principes contraires. Il semble que pour se renouveler il faille qu'ils s'anéantissent. Les clergés européens ne respirant que la théocratie, je doute que jamais aucun adhère pleinement à la Révolution française. Cette partie du monde ne redeviendra donc probablement catholique qu'avec des prêtres nouveaux. N'oublions pas que saint Paul menace les gentils, c'est-à-dire les peuples qui embrassèrent alors l'Évangile, qu'il les menace d'une chute comme les juifs, et que cette menace est déjà presque totalement exécutée. Voilà encore une fois le sujet des angoisses de Bossuet, de Duguet, de Fénelon, et de tant d'autres qui ont su s'occuper des destinées de l'Église, par exemple, de Noé, évêque de Troyes sous le Consulat.

SUR LA RÉFORME

DU

GOUVERNEMENT ECCLESIASTIQUE

ET

L'HISTOIRE DE L'ÉGLISE PENDANT LA RÉVOLUTION.

INTRODUCTION 1.

Pour le catholique qui entend et qui aime sa religion, c'est un affreux et désolant spectacle que la conduite du clergé en ce siècle. Plus la lumière s'étend et pénètre le monde, plus il s'obstine à la nier et s'enfonce dans les ténèbres; plus les peuples sont avides et impatients de liberté, plus il cherche à les dominer. Ministre d'un culte qui a libéré le genre humain, il ne Jui présente ce culte que comme une chaîne de fer qui doit l'enlacer et le pressurer éternellement.

De là une guerre destructive entre l'Église et la so

1. Ce morceau et les suivants furent écrits après la Révolution de février et destinés à un journal. Trois seulement, à ma connaissance, ont paru dans le Courrier de Paris, en 1848: je les réimprime avec des corrections de l'auteur. Je supprime seulement ce qui fait double emploi avec les articles analogues des Essais. ÉD.

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