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pend le sort d'un empire, et de ternir par une funeste témérité le cours brillant de tant d'exploits. Il lui cite l'exemple des rois de Lacédémone, entourés dans la mêlée de plusieurs guerriers qui veillent sur leurs jours; de Xerxès, roi de Perse, qui, malgré sa défaite, sauva son royaume en veillant sur les siens ; de tant de généraux qui, pour ne s'être pas ménagés, ont entraîné la perte de leurs armées 1.

Il voudrait établir entre Philippe et les Athéniens une amitié sincère, et diriger leurs forces contre l'empire des Perses. Il fait les honneurs de la république : il convient que nous avons des torts, mais les dieux mêmes ne sont pas irréprochables à nos yeux 2.

Je m'arrête, et ne suis point surpris qu'un homme âgé de quatre-vingt-dix ans rampe encore après avoir rampé toute sa vie. Ce qui m'afflige, c'est que beaucoup d'Athéniens pensent comme lui; et vous devez en conclure que, depuis votre départ, nos idées sont bien changées.

1 Isocr. epist. 2 ad Philipp. t. 1, p. 445. — 2 Id. ibid. p. 450.

FIN DU CHAPITRE SOIXANTE-UNIÈME.

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CHAPITRE LXII.

De la nature des Gouvernemens, suivant Aristote et d'autres Philosophes.

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Ce fut à Smyrne, à notre retour de Perse a qu'on nous remit les dernières lettres que j'ai rapportées. Nous apprîmes dans cette ville qu'Aristote, après avoir passé trois ans auprès d'Hermias, gouverneur d'Atarnée, s'était établi à Mytilène, capitale de Lesbos 1.

Nous étions si près de lui, et nous avions été si long-temps sans le voir, que nous résolûmes de l'aller surprendre; cette attention le transporta de joie. Il se disposait à partir pour la Macédoine; Philippe avait enfin obtenu de lui qu'il se chargerait de l'éducation d'Alexandre son fils. Je sacrifie ma liberté, nous dit-il, mais voici mon excuse. Il nous montra une lettre du roi; elle était conçue en ces termes 2 : « J'ai un fils, et je rends grâces aux dieux, moins encore << de me l'avoir donné que de l'avoir fait naître << de votre temps. j'espère que vos soins et vos

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a Au printemps de l'année 343 avant J. C. - Diog. Laert. lib. 5, §. 3 et 9. Dionys. Halic. epist. ad Amm. cap.5. t. 6, p. 728. — 2 Aul. Gell. lib. 9, cap. 3.

« lumières le rendront digne de moi et de cet

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Nous passions des journées entières avec Aristote; nous lui rendîmes un compte exact de notre voyage; les détails suivans parurent l'intéresser. Nous étions, lui dis-je, en Phénicie; nous fûmes priés à dîner avec quelques seigneurs perses, chez le satrape de la province; la conversation, suivant l'usage, ne roula que sur le grand-roi. Vous savez que son autorité est moins respectée dans les pays éloignés de la capitale. Ils citèrent plusieurs exemples de son orgueil et de son despotisme. Il faut convenir, dit le satrape, les rois se croient d'une autre espèce que que nous1. Quelques jours après, nous trouvant avec plusieurs officiers subalternes employés dans cette province, ils racontèrent les injustices qu'ils essuyaient de la part du satrape. Tout ce que j'en conclus, dit l'un d'eux, c'est qu'un satrape se croit d'une nature différente de la nôtre. J'interrogeai leurs esclaves; tous se plaignirent de la rigueur de leur sort, et convinrent que leurs maîtres se croyaient d'une espèce supérieure à la leur 2. De notre côté, nous reconnûmes avec

1 Lib. de mund. ap. Aristot. cap. 6, t. 1, p. 611. Ælian. var. hist. lib. 8, cap. 15, lib. 9, cap. 41. Quint. Curt. lib. 7, cap. 8.-2 Philem. ap. Stob. serm. 60, p. 384.

Platon que la plupart des hommes, tour à tour esclaves et tyrans, se révoltent contre l'injustice, moins par la haine qu'elle mérite que par la crainte qu'elle inspire 1.

Étant à Suze, dans une conversation que nous eûmes avec un Perse, nous lui dîmes que la condition des despotes est si malheureuse, qu'ils ont assez de puissance pour opérer les plus grands. maux. Nous déplorions en conséquence l'esclavage où son pays était réduit 2, et nous l'opposions à la liberté dont on jouit dans la Grèce. Il nous répondit en souriant: Vous avez parcouru plusieurs de nos provinces, comment les avezvous trouvées ? Très-florissantes, lui dis-je; une nombreuse population, un grand commerce, l'agriculture honorée et hautement protégée par le souverain 3, des manufactures en activité, une tranquillité profonde, quelques vexations de la part des gouverneurs.

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Ne vous fiez donc pas, reprit-il, aux vaines déclamations de vos écrivains. Je la connais cette Grèce dont vous parlez; j'y ai passé plusieurs années; j'ai étudié ses institutions, et j'ai été témoin des troubles qui la déchirent. Citez-moi, je ne dis pas une nation entière, mais une seule

Plat. de rep. lib. 1, t. 2, p. 344.· 2 Id. de leg. lib. 3, t. 2 3 Xenoph. memor. lib. 5, p. 828.

p. 698.

ville, qui n'éprouve à tous momens les cruautés du despotisme et les convulsions de l'anarchie. Vos lois sont excellentes, et ne sont pas mieux observées que les nôtres; car nous en avons de très-sages, et qui restent sans effet, parce que l'empire est trop riche et trop vaste. Quand le souverain les respecte, nous ne changerions pas notre destinée pour la vôtre; quand il les viole, le peuple a du moins la consolation d'espérer que la foudre ne frappera que les principaux citoyens, et qu'elle retombera sur celui qui l'a lancée. En un mot, nous sommes quelquefois malheureux par l'abus du pouvoir; vous l'êtes presque toujours par l'excès de la liberté.

Ces réflexions engagèrent insensiblement Aristote à nous parler des différentes formes de gouvernemens; il s'en était occupé depuis notre départ. Il avait commencé par recueillir les lois et les institutions de presque toutes les nations grecques et barbares ; il nous les fit voir rangées par ordre, et accompagnées de remarques, dans autant de traités particuliers, au nombre de plus de cent cinquante 2a; il se flattait de pouvoir un jour compléter ce recueil. Là, se

1 Cicer. de fin. lib. 5, cap. 4, t. 2, p. 200.-2 Diog. Laert. lib. 5, S. 27.- a Diogène Laerce dit que le nombre de ces traités était de cent cinquante - huit. Ammonius, dans la vie d'Aristote, le porte à deux cent cinquante-cinq.

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