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de Senez furent tellement justifiées, qu'il est impossible de les révoquer en doute, pour peu qu'on ait de bonne foi; on voulait donc non-seulement juger ce pieux évêque, mais lui ôter aussi tout moyen de défense.

Le 16 août, Tencin fit l'ouverture de son concile, composé de cinq évêques y compris l'accusé, avec une solennité que l'on ne surpasserait pas à l'ouverture d'un concile général. Dans son discours, il parla d'un loup couvert de la peau de brebis, qu'il chasserait en se couvrant du bouclier de la foi. Sous cette figure, ne se peignait-il pas bien lui-même? Nous ne dirons rien des préliminaires. Le dimanche, 17 août, eut lieu la première session publique. Tencin y fit au peuple un discours où l'on remarqua plus d'une erreur, ce qui parut choquant dans un métropolitain qui s'apprêtait à juger de l'orthodoxie d'un de ses frères 1. En parlant de l'Eglise, il fit encore allusion au vénérable Soanen, qui l'entendit : « Si l'Église impose des lois, dit-il, si elle punit même la rébellion, ce n'est que la rébellion persévérante. Elle présente encore une planche après le naufrage; le repentir sincère la désarme. Dès que les plus grands prevaricateurs viennent à ses pieds avouer et pleurer leurs crimes, leur amnistie est toute prête. »

Quel était le grand prévaricateur? Etait-ce Soanen, qui, par amour pour l'orthodoxie, croyait devoir en appeler à l'Eglise, suivant le conseil de Jésus-Christ, de la bulle d'un pape interprétée hérétiquement par ceux qui l'avaient provoquée; qui ne se croyait pas obligé absolument d'interpréter d'une manière hétérodoxe le livre d'un évêque mort dans le sein de l'Eglise, après avoir fidèlement rempli les devoirs de l'épiscopat; ou Tencin, dont la vie n'était qu'un tissu d'immoralités, dont le nom était inséparablement lié à celui de Law, l'agioteur, dont le crime de confidence était juridiquement prouvé? Chargé de tous ses crimes, Tencin, avec l'aplomb d'un diplomate de la régence, osait donner le titre de grand prevaricateur à Soanen, dont la vie était la plus parfaite image de celle d'un apôtre! et cela, devant tout le peuple assemblé ! Il y a des fronts qui ne savent plus rougir, des hommes si habitués au crime, qu'ils veulent le considérer comme vertu, et qu'ils se croient, dans leur orgueil, d'autant plus vertueux qu'ils sont plus coupables. Tel était l'infâme Tencin. S'il s'était contenté

1 Ce discours fut imprimé, ainsi qu'une lettre où l'on relevait ses erreurs.

d'être vicieux, nous aurions tiré un voile prudent sur ses désordres; mais puisque, comme les Mailly et les Dubois, il voulut cacher ses vices sous le manteau de l'orthodoxie, le devoir d'un historien de l'Eglise est de répudier ces honteux défenseurs, de peur que l'Eglise de Jésus-Christ ne participe à l'infamie de ces hypocrites athlètes. On peut admirer Tencin dénonçant à tout un peuple le pieux Soanen comme un rebelle et un prévaricateur; mais, du moins, il doit être permis de rappeler le caractère de cet accusateur public.

Dès la seconde congrégation générale, le promoteur du concile dénonça le Testament spirituel de l'évêque de Senez. Il était convenu que, dans la congrégation particulière des évêques qui se tenait le matin, on arrêterait les matières qui devraient être traitées dans la congrégation générale du soir. Le 18 août, la séance du matin fut insignifiante; on voulait dissimuler jusqu'au dernier moment ce que l'on projetait contre Soanen. Dans la congrégation générale du soir, après qu'on eut parlé des procurations, Tencin s'adressa au promoteur du concile, qui n'était autre que son vicaire-général, Gaspard de Hugues, et lui demanda s'il n'avait rien à dire. Celui-ci répondit qu'il n'avait rien à dire sur le rapport des procurations, mais qu'une affaire beaucoup plus importante devait occuper le concile; et, s'étant levé, il fit sa dénonciation de l'Instruction pastorale de l'évêque de Senez en ces

termes :

« Messeigneurs,

>> Ce saint concile étant principalement assemblé pour traiter des affaires les plus pressantes qui concernent le dogme et la foi, je n'ai point trouvé d'objet plus digne de votre attention que de vous parler d'un ouvrage qui, dès qu'il a paru, a révolté le public, scandalisé les faibles, alarmé les Catholiques, excité le zèle de plusieurs saints évêques; ouvrage dans lequel l'auteur s'efforce de détruire les lois et de corrompre le dogme de l'Eglise; ouvrage qui vous intéresse d'autant plus qu'il est né sous vos yeux et qu'il porte un nom respectable dans cette province.

» A ces traits, vous reconnaissez sans doute l'Instruction pasto

Les historiens jésuites admirent beaucoup la conduite de Tencin au concile d'Embrun: il suffit de le constater.

2 V. la Relation faite par le secrétaire du concile; l'Histoire de la condamnation de M. de Senez; les Actes du concile d'Embrun.

rale imprimée sous le nom de Monseigneur l'évêque de Senez, en date du vingt-huitième août mil sept cent vingt-six, jour de saint Augustin.

» Je ne saurais dissimuler la peine que je ressens d'être obligé d'attaquer un écrit que le public et le titre même de l'ouvrage attribuent à ce prélat.

» Prévenu, dès mon enfance, d'un profond respect pour le caractère épiscopal; élevé dans un état qui fait gloire de reconnaître d'une manière particulière les évêques pour ses supérieurs, j'avais toujours adıniré dans Monseigneur l'évêque de Senez le don précieux de la parole dont Celui de qui tout bien procède l'a avantageusement orné; un don si rare, soutenu par la gravité de ses mœurs et relevé par un extérieur modeste et régulier, semblait devoir nous retracer en lui l'idée des hommes apostoliques, dont il est un successeur par sa dignité; mais c'est en cela même que je trouve un nouveau motif de persister dans la conduite que je tiens : Plus le suffrage de Monseigneur l'évêque de Senez a de poids, plus les erreurs qui s'autorisent de son nom sont dangereuses.

» D'ailleurs, l'amour que je dois à la religion, le serment solennel que j'ai fait de remplir avec zèle et exactitude le ministère que vous avez daigné me confier, m'obligent de fouler aux pieds toute considération humaine. Non, il ne m'est pas permis de balancer entre mon inclination et mon devoir; point de respect, point d'estime, point de sentiments de cœur que je ne veuille sacrifier aux obligations de mon état : je parle ici au nom de toute la province; les prêtres, les lévites empruntent ma voix pour s'adresser à leurs Pères; le peuple fidèle, alarmé, demande à ses pasteurs qu'ils éloignent, par leur autorité, le pâturage empoisonné qu'on lui offre déguisé sous de belles fleurs.

>> Toute la France, Messeigneurs, a les yeux sur vous; l'Église entière est attentive à toutes vos démarches. Que ne doit-elle pas attendre d'un concile où se trouvent assemblés, au nom de Jésus-Christ, des évêques que leur science, leur attachement à la saine doctrine, leur piété et leur zèle pour la religion rendent encore plus recommandables que la dignité dont ils sont revêtus? Que n'attend-elle pas d'un concile dont le chef ayant su par ses rares talents, PAR SA VERTU SINGULIÈRE, par un esprit supérieur, gagner la confiance et l'accès familier de deux souverains pontifes, a puisé dans cette source pure les principes les plus sûrs de la foi et de LA MORALE CHRÉTIENNE, et qui, dans

son diocèse, est l'exemple de son clergé par sa piété, l'admiration et l'amour de son peuple, PAR SES VERTUS EPISCOPALES. »

L'indignation nous force d'interrompre le prêtre servile qui a eu l'effronterie d'accoler au nom de l'infâme Tencin les mots de vertu, de morale chrétienne et de vertus épiscopales. Ces vils éloges, dictés sans doute par Tencin lui-même à son vicairegénéral, sont d'un cynisme si révoltant, que nous n'avons pu les transcrire sans indignation. Le promoteur continue ainsi :

« L'écrit que je vous dénonce, Messeigneurs, mérite toute votre indignation; il contient, je le dis avec douleur, mais je ne puis le taire et le dissimuler, la force de la vérité m'oblige de parler, il contient des principes monstrueux, des maximes séditieuses, des erreurs capitales plus d'une fois proscrites, plus d'une fois anathématisées dans l'Église; le formulaire d'Alexandre VII, reçu et observé dans ce royaume depuis plus de soixante ans, y est condamné, du moins contredit et rendu inutile; la signature pure et simple du même formulaire y est traitée de vexation, elle y est dépeinte comme la source de bien des maux qui affligent depuis longtemps l'Eglise de France. La bulle même Vineam Domini Sabaoth, donnée par Clément XI, y est expliquée d'une manière si illusoire, qu'elle semble n'y avoir été rappelée que pour y être ou indignement jouée, ou ouvertement démentie.

>> Cette lettre pastorale n'est pas moins injurieuse à la bulle Unigenitus, qui, par l'acceptation du corps épiscopal, par les lettres-patentes de 1714 et par la déclaration de 1720, fait également la loi de l'Eglise et de l'État. Oserai-je vous exprimer les excès de l'auteur sur ce sujet? Il nous la représente comme une bulle qui a été donnée pour autoriser des opinions dangereuses sur le dogme, des maximes de relâchement sur la morale, des abus sur la discipline et de faux principes sur la hiérarchie; qui donne atteinte, qui renverse, qui proscrit des dogmes orthodoxes, des règles sûres des mœurs, l'administration légitime des sacrements, nos lois et nos usages les plus sacrés.

» Enfin, cette lettre donne les plus grandes louanges au livre des Réflexions morales de Quesnel; l'auteur ose présenter et conseiller aux diocésains de Senez la lecture de ce livre, également proscrit par l'autorité suprême de l'Église et par celle du souverain. Voici ses propres paroles : C'est un livre qui non-seulement ne mérite aucune censure, mais qui est très digne d'être lu,

comme renfermant le langage des divines Ecritures et des saints Pères, comme rempli de lumière et d'onction, et très propre à nourrir la piété des fidèles en les faisant entrer dans l'esprit des mystères de Jésus-Christ et en leur en donnant l'intelligence. » » Il y auroit encore beaucoup d'autres excès à reprendre dans cette instruction pastorale; mais en m'arrêtant principalement aux trois points qui viennent d'être touchés :

» Je requiers, en premier lieu, que Monseigneur l'évêque de Senez déclare si cette lettre pastorale est en effet de lui; que s'il reconnaît qu'elle n'est pas de lui, il ait à la désavouer authentiquement et à la condamner de même ; que s'il la reconnaît être de lui, il ait aussi à la condamner et à la rétracter, principalement dans tout ce qu'il y est dit de contraire à la signature pure et simple du formulaire d'Alexandre VII, et d'injurieux à la bulle Unigenitus et à l'acceptation qui en a été faite, et dans tout ce qu'il y avance pour autoriser la lecture du livre des Réflexions morales de Quesnel, sans approbation de ce qu'il pourroit y avoir d'ailleurs de répréhensible dans cette même instruction pastorale. » Je requiers, en deuxième lieu, la condamnation de ladite Instruction pastorale, soit en cas d'aveu ou de désaveu de la part de Monseigneur l'évêque de Senez; et je demande acte de la présente réquisition.

» Délibéré à Embrun, le 18 août 1727.

» Signé : Gaspard d'HUGUES, promoteur. »>

Le promoteur se retira après avoir reçu acte de sa dénonciation et laissé sur le bureau l'Instruction pastorale, la dénonciation et les conclusions.

Avant de passer outre, nous devons établir dans toute leur exactitude les opinions de Soanen sur les trois points qui forment le fond de l'accusation dirigée contre lui. D'abord, sur le formulaire d'Alexandre VII: Soanen affirmait qu'on en avait abusé pour persécuter des ecclésiastiques et des fidèles parfaitement orthodoxes, et que, pour éviter ces abus, il fallait suivre, touchant la signature, les règles adoptées par Clément IX lors de la paix conclue sous son pontificat. Touchant la bulle Unigenitus: Soanen prétendait que les Jésuites en abusaient en lui donnant une interprétation opposée aux dogmes catholiques, à la saine morale et à la pure discipline de l'Église, et qu'ils ne faisaient tant de bruit de quelques acceptations partielles que pour autoriser leurs systèmes hétérodoxes. En de telles circonstances, c'était, selon Soanen, un

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