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Arnauld, après quelque séjour à Mons, se retira à Bruxelles. A la prière de Jean de Neercassel qui, sous le titre d'évêque de Castorie, gouvernait les catholiques de Hollande, il se fixa dans ce pays. L'évêque de Castorie était intimement lié avec Bossuet; et l'on voit, par leur correspondance, que le grand évêque de Meaux avait, pour Arnauld, l'admiration la plus vive, et qu'il était en relations d'amitié avec lui 1. La retraite d'Arnauld affligea profondément Nicole, dont l'âme candide et scrupuleuse était effrayée des nouvelles luttes qu'il était facile de prévoir. Depuis la paix de Clément IX, il avait résolu de ne plus écrire sur les discussions qui avaient tant agité l'Église de France, et de consacrer son talent à des ouvrages de piété et à des livres de controverse contre les Protestants. Arnauld avait pris la même résolution que lui; mais il avait changé d'opinion depuis les dernières attaques dont PortRoyal avait été l'objet, et il lui semblait nécessaire de rentrer dans la lice. Il engagea en vain Nicole à l'y suivre; cet homme candide se persuadait qu'avec des concessions peu importantes Arnauld pourrait désarmer l'archevêque de Paris, et, par lui, la cour. Il travailla donc à un accommodement, et négocia, avec Harlai, le retour d'Arnauld; mais il ne trouva ni dans l'un ni dans l'autre les dispositions qui eussent été nécessaires pour qu'il réussît. Arnauld et Harlai se connaissaient trop bien pour croire que jamais il pût exister entre eux une véritable réconciliation. Nicole ne pouvait soupçonner, dans son admirable simplicité, qu'il travaillait à accorder la vertu inflexible avec le vice.

Harlai, au lieu de songer à faire revenir en France un homme qui en était l'honneur, ne cherchait qu'à indisposer le roi contre lui et à le tromper sur les motifs de sa retraite. Les autres ennemis d'Arnauld agissaient de même. On répandait le bruit qu'on l'avait rencontré sur le chemin de Rome; qu'il se retirait auprès d'Innocent XI, et que ce pape, pour se venger du roi, songeait à le faire cardinal. Ce dernier bruit prit tant de consistance, que l'évêque d'Angers, Henri Arnauld, fut complimenté par plusieurs personnes, sur l'élévation de son frère. Bientôt, les calomniateurs furent confondus, et l'on connut positivement le lieu de la retraite du grand docteur; mais ses ennemis n'en continuèrent pas moins leurs intri

1 V. parmi les lettres diverses de Bossuet, celles que lui adressa l'évêque de Castorie.

V. les lettres d'Arnauld et celles de Nicole.

gues et réussirent si bien, que Louis XIV, pour punir Arnauld, disgracia son neveu, le marquis de Pomponne, le plus honnête ministre de la cour. Lorsqu'en 1691, Pomponne fut réintégré dans le conseil du roi, on eut la preuve que la retraite de son oncle avait été l'unique cause de sa disgrâce. Les petitesses de ce roi, qu'on a appelé grand, furent d'autant plus sensibles à Arnauld, qu'il n'en était pas personnellement la victime; mais la foi prit bientôt le dessus dans cette âme forte et énergique, et il écrivit à Pomponne qu'il l'estimait heureux d'avoir été exilé de la cour, puisque cette disgrace le tirait d'une voie périlleuse, et lui procurait le moyen de travailler avec plus de soin à son salut1.

A peine arrivé en Hollande, Arnauld prit la défense du pape Innocent XI et des saints évêques d'Aleth et de Pamiers, qui luttaient contre Louis XIV dans l'affaire de la régale.

Nous avons fait observer plusieurs fois que l'on entendait par ce mot le droit qu'avait le roi de jouir des revenus des bénéfices pendant leur vacance, et de nommer, pendant cette vacance, aux bénéfices n'ayant pas charge d'ames. Les rois ont prétendu de tout temps avoir ces droits. Nous en avons vu l'origine dans les discussions qui eurent lieu, au moyen-âge, sur la nature des biens ecclésiastiques. Les rois ne voulaient voir que des fiefs dans ces biens ; et, de ce principe, ils tiraient cette conséquence: que les bénéficiers n'ayant pas d'héritiers, et n'étant, d'ailleurs, qu'usufruitiers de ces fiefs, ces domaines devaient rentrer, pendant la vacance et après la mort de chaque titulaire, dans le domaine du roi, premier propriétaire de tous les fiefs, et qu'il devait en avoir le revenu jusqu'à ce qu'un nouveau bénéficier en eût été légalement investi. Le clergé ne voulait pas considérer les biens ecclésiastiques sous ce point de vue. D'après lui, ces biens formaient un fonds sacré qui appartenait à l'Église et aux pauvres, sur lequel le bénéficier n'avait droit de prendre que ce qui lui était nécessaire, et qui devait être exempt même des impositions et charges ordinaires dont les autres biens étaient grevés.

De ces deux idées contradictoires sur la nature des biens ecclésiastiques naquirent de nombreuses luttes entre les deux puissances, et, par conséquent, des décisions et des arrêts contradictoires. qui répandirent, sur cette matière, beaucoup d'obscurité.

1 Arnauld, Lettre 325.c.

Pendant que les élections des bénéficiers furent maintenues, ceux qui avaient le droit d'élire se hâtaient de faire leur choix, afin d'éviter les conflits et d'empêcher les revenus ecclésiastiques de devenir la proie des rois; mais ceux-ci, dans le désir d'en jouir, cherchaient, de leur côté, à entraver les élections."

Après plusieurs siècles de luttes, arriva l'époque des concordats. Les papes et les rois s'entendirent sur les revenus des biens ecclésiastiques comme sur la nomination des bénéficiers. Alors, les rois eurent la régale sur tous les bénéfices qui se trouvèrent soumis au droit commun. Seulement, les priviléges de quelques églises ou abbayes furent respectés. Plusieurs donc de ces bénéfices ne furent point soumis au droit de régale; de ce nombre étaient les églises du Languedoc et des provinces limitrophes.

Mais les rois entreprirent bientôt d'étendre ce droit sur tous les bénéfices indistinctement ; il y eut, contre ces empiétements, des protestations qui furent sans résultat. En 1673, Louis XIV, au faîte de la puissance, ne craignit pas de consacrer ces empiétements par un édit, portant que le droit de régale serait, à l'avenir, appliqué à toutes les églises qui n'en étaient pas exemptes à titre onéreux, et que tous les évêques des diocèses non soumis auparavant à la régale auraient à faire enregistrer, dans un bref délai, leur serment de fidélité à la cour des Comptes, afin d'obtenir main-levée de la régale, qui aurait dû être ouverte après la mort de leurs prédécesseurs, et qui ne l'avait pas été. Ce serment était comme l'acte de foi et hommage des feudataires; le donner était reconnaître au roi les droits qu'il prétendait avoir dans son édit.

La plupart des évêques se soumirent à la volonté du roi et lui sacrifièrent les droits de leurs Églises. Seuls, Pavillon, évêque d'Aleth, et de Caulet, évêque de Pamiers, résolurent de les défendre. jusqu'à la mort.

En 1675, le roi ayant nommé un bénéficier dans le diocèse d'Aleth, Pavillon s'adressa à l'assemblée du clergé qui se tenait alors, et lui demanda de l'aider à défendre les droits de son Église 2;

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1 Mémoires du Clergé, t. x1; Ellies Du Pin, Hist. Eccl. du XVIIe siècle, ; Relation de la Régale; d'Avrigny, Mémoires chronol., ann. 1681.

? Procès-verbal de l'assemblée de 1675, t. v de la Collection générale. Pavillon (V. sa Vie, liv. 3) écrivit à Harlai, au cardinal de Bonzi, archevêque de Narbonne, son métropolitain; aux évêques de Beziers et de Montpellier, députés de la province, tout cela fut inutile.

mais cette assemblée n'osant prendre parti pour l'évêque contre le roi, répondit qu'elle y réfléchirait, et abandonna toute l'affaire à Harlai, qui avait bien l'intention de ne s'en occuper que pour nuire au saint évêque d'Aleth.

Caulet1, ayant eu occasion, en 1675, de faire un voyage à Paris au nom des états de Foix dont il était président-né, vit le P. de La Chaise, qui lui demanda s'il ne voulait pas acquiescer à la déclaration du roi. Caulet répondit qu'il ne pouvait rien dire sur ce point avant d'avoir consulté son chapitre. Le Jésuite fut d'autant plus irrité de cette réponse, qu'il connaissait parfaitement les intentions de l'évêque. C'était même principalement contre lui et contre Pavillon d'Aleth qu'il avait, à la sollicitation de ses confrères, provoqué l'édit du roi. On lit, en effet, dans les procès-verbaux du clergé, que le confesseur du roi et ses confrères en étoient les principaux moteurs, dans le dessein de se venger des évêques d'Aleth et de Pamiers à qui ils en vouloient de longue main. Le motif de cette haine était la conduite pleine de fermeté et d'énergie qu'avaient tenue ces deux évêques, à leur égard, dans leurs diocèses. Le P. Rapin essaya de donner un motif plus élevé à la conduite de ses confrères dans cette circonstance, et il écrivit au cardinal Cibo que leur but, «< en suggérant et soutenant cette entreprise, avoit été d'empêcher les évêques jansénistes de conférer à des Jansénistes les bénéfices qui vaqueroient dans leurs églises 3. »

Les Jésuites s'obstinaient à considérer comme hérétiques des évêques qui avaient fait honorablement leur paix avec le SaintSiége, dont les explications avaient prouvé la parfaite orthodoxie, et qu'Innocent XI regardait, avec raison, comme deux des plus saints prélats de ce temps.

Les Jésuites ne pouvaient provoquer ni soutenir l'édit du roi sur la régale sans se déclarer contre le Saint-Siége, et sans favoriser les opinions des gallicans parlementaires sur les droits des rois dans les choses spirituelles; ils n'hésitèrent pas à renoncer à leur ultramontanisme de convention pour se venger, et à sacrifier le pape au roi. Ils s'appuyèrent sur les principes gallicans pour ne pas

1 Vie de M. de Caulet, évêque de Pamiers, liv. 9. Préambule du Procès-verbal de l'assemblée de 1682.

3 Lettre du P. Rapin au cardinal Cibo.

Histoire de la Compagnie de Jésus, par Crétineau-Joly, t. iv, ch. 5. On peut consulter aussi les incroyables récits du Jésuite d'Avrigny sur l'affaire de la régale.

publier les brefs que le pape leur fit adresser par leur général, et soutinrent ces principes avec tant de zèle, qu'ils ne tinrent aucun compte des avertissements d'Innocent XI, et qu'ils méritèrent, comme nous le verrons bientôt, les éloges du premier président et même de Talon.Cet avocat-général qui fut censuré par le clergé de France pour son gallicanisme parlementaire, et qui regardait le droit de régale comme si sacré, que le roi, selon lui, ne pouvait y renoncer, fut ravi du concours que les Jésuites, dans les affaires de la régale, donnèrent aux Parlements, et il les en félicita de la manière la plus explicite. C'est une nouvelle preuve, entre mille, que ces religieux n'ont jamais eu d'autre mobile que l'intérêt de leur société, et que, s'ils font grand bruit de l'autorité du pape, c'est parce qu'ils espèrent, à l'abri de ce nom, diriger l'Eglise entière. En prêchant l'absolutisme papal, ce n'est ainsi, indirectement, que l'absolutisme de leur société qu'ils veulent imposer; aussi se sont-ils montrés constamment ennemis passionnés des papes qu'ils n'ont pu gouverner. D'après leurs principes, ils devaient haïr Innocent XI, qui aimait Arnauld et les évêques dont ils tenaient à faire des hérétiques, parce qu'ils étaient les adversaires de leur mauvaise doctrine.

Caulet1, de retour à Pamiers, après son voyage de Paris, assembla son chapitre, lui fit part de la demande que lui avait faite le P. de La Chaise et de la résolution qu'il avait prise, de l'avis de son conseil, de défendre les droits de son Église. Certain d'avance des contradictions qu'il éprouverait, il adressa à ses chanoines. cette question : « Potestis bibere calicem quem ego bibiturus sum 2 ? Ils répondirent comme les apôtres à Jésus-Christ: Possumus. Des sentiments aussi généreux remplirent le bon évêque de consolation. Il écrivit au P. de La Chaise que sa conscience lui défendait de faire ce qu'on exigeait de lui. Le Jésuite lui répondit, le 16 septembre 1675, une lettre dans laquelle il cherchait à lui faire entendre que le serment de fidélité qu'on lui demandait n'était qu'une simple formalité qui n'aurait aucune conséquence; et qu'en ami, il lui conseillait d'être agréable au roi sur ce point. Caulet ne se laissa pas prendre aux doucereuses paroles du P. de La Chaise, et vit parfaitement le piége dans lequel on voulait l'entraîner. Il ne se dissimula pas que la persécution allait être la récompense de sa

V. Vie de M. de Caulet, loc. cit.

Pouvez-vous boire le calice que je boirai? Nous le pouvons.

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