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lence par un discours terrible; au même instant, de Brezė, grand maître des cérémonies, s'avança jusqu'au bureau et prononça quelques mots d'une voix basse et mal assurée. Plus haut, lui cria-t-on : « Messieurs, dit alors le maître des cérémonies, vous avez entendu les ordres du roi. » Bailly allait délibérer : « Allez, s'écria Mirabeau, dire à votre maître que nous sommes ici par la volonté du peuple, et que nous n'en sortirons que par la force des baïonnettes. » Brezé voulut répondre, balbutia, perdit contenance et sortit : « Vous êtes aujourd'hui ce que vous étiez hier, dit froidement l'abbé Sieyes, délibérons. » Et sur la motion de Mirabeau, les députés décrétèrent leur inviolabilité. On pouvait craindre, en effet, quelque violence de la part de la Cour, qui faisait approcher de Versailles plusieurs régiments. Le tiers en fut quitte pour quelques misérables querelles de vanité, et les troupes ne servirent qu'à lui barrer l'entrée de l'avenue, et à le forcer d'entrer par la porte de la rue des Chantiers.

Le 24 juin, lendemain de la séance royale, la majorité du clergé, ayant en tête l'archevêque de Vienne, s'adjoignit de nouveau aux députés des communes 2. On les reçut avec les plus vifs applaudissements. Quoique l'archevêque de Vienne ne fût ni président ni doyen du clergé, l'assemblée décida, par acclamation, qu'il aurait un fauteuil au bureau à côté de celui du président; il s'y plaça et dit : « Messieurs, la majorité du clergé a délibéré ce matin dans la salle où étaient assemblés les députés de l'ordre aux États-Généraux, qu'il fût référé aux trois ordres réunis du contenu au procèsverbal de la séance royale tenue hier. Je prie l'assemblée, à laquelle vient se réunir la majorité du clergé, de procéder incessamment à la vérification commune des pouvoirs des membres du clergé qui ne l'ont pas encore été, pour qu'ils puissent délibérer dans l'assemblée générale des représentants de la nation, de ce qui s'est passé dans la séance royale dont je viens de parler. >>

On adjoignit ensuite Dillon, curé du Vieux-Pouzanges, aux deux secrétaires de l'assemblée, comme on avait en quelque sorte adjoint l'archevêque de Vienne au président.

Pendant que ceci se passait dans la salle commune, la minorité

1 Bailly, Mém., t. 1, p. 223.

3 Ibid., p. 227. Vallet, Récit des principaux faits qui se sont passés dens Fordre du clergé, etc. Moniteur.

du clergé s'était réunie dans la salle qui lui était particulière, et avait prolongé sa séance fort tard. Le peuple assez nombreux qui était à la porte accueillit très mal les différents membres à leur sortie; l'archevêque de Paris, de Juigné, fut poursuivi, hué; e sa voiture fut assaillie de quelques pierres. De Juigné était un homme faible et pieux 1. Ses intentions étaient pures, et, malgré ses traditions aristocratiques, son caractère l'eût porté à s'adjoindre à la majorité plutôt que de lutter avec la minorité. Mais on faisait courir les bruits les plus étranges. On disait que la minorité du clergé avait envoyé secrètement au roi une députation dans la nuit du 17 au 18 juin; que l'archevêque de Paris était à la tête, qu'il avait le crucifix à la main et qu'il s'était jeté aux genoux du roi. Ces nouvelles, auxquelles on ajoutait mille autres circonstances, étaient sans doute fausses, dit Bailly. Il est certain que l'archevêque de Paris méritait, par sa charité, la reconnaissance du peuple, car il venait de dépenser deux cent mille livres de sa fortune pour secourir les pauvres dans la disette qui ravageait alors la France. Mais on le supposait ennemi des idées libérales, et sa mauvaise réputation politique faisait oublier ses abondantes aumônes.

Le 25, huit ecclésiastiques et le recteur de l'Université abandonnèrent la minorité du clergé, et s'adjoignirent aux députés des communes. Parmi eux était Vallet 3, curé de Saint-Louis de Gien, qui déclara que ses cahiers contenaient le vœu de la délibération par tête. Bailly saisit cette occasion pour ôter toute espèce de doute sur les intentions libérales du clergé. « Vous vous réunissez donc, dit-il au curé de Gien, à la majorité de votre ordre, et vous venez dans cette salle pour toujours ? » L'abbé Vallet répondit affirmativement, et toute l'assemblée applaudit avec enthousiasme.

Ce même jour, 47 députés de la noblesse, ayant à leur tête Clermont-Tonnerre, se réunirent à l'Assemblée nationale. Parmi eux était Lally-Tolendal.

Le lendemain 26, les évêques d'Orange et d'Autun, et deux curés se rendirent dans la salle commune, au commencement de la

Bailly, Mém., t. 1, p. 229.

Ibid., p. 230.

Vallet, curé de Saint-Louis de Gien, est l'auteur de l'ouvrage intitulé: Récit des principaux faits qui se sont passés dans l'ordre du clergé, etc. Bailly, Mém., p. 230.

séance. Dans le courant de cette même séance, on vit entrer l'archevêque de Bordeaux conduisant l'archevêque de Paris. « Sa vertu était universellement reconnue, dit Bailly, et il était un des membres les plus considérables de la minorité. L'assemblée éprouva done une joie bien vive en le voyant s'unir à elle. Il prit la parole en ces termes : « Messieurs, l'amour de la paix me conduit au»jourd'hui au milieu de cette auguste assemblée. Agréez, Mes» sieurs, l'expression sincère de mon entier dévouement à la pa» trie, au service du roi et au bien du peuple. Je m'estimerais » trop heureux si je pouvais y contribuer aux dépens de ma vie. >> Puissé-je concourir à la conciliation si nécessaire, et que j'aurai » toujours en vue. Heureux encore si la démarche que je fais en >> ce moment peut contribuer à la conciliation, qui sera toujours » l'objet de nos vœux.»

L'âme douce et vertueuse de l'archevêque de Paris se reflète tout entière dans ces paroles. Bailly lui répondit avec une parfaite convenance : « Monsieur, l'assemblée s'applaudit de votre présence, il y a longtemps que ses voeux se portent particulièrement vers vous, et l'acte de paix et d'union que vous faites au jourd'hui est la dernière couronne qui manquait à vos vertus. Je dépose ici les sentiments de bonheur et de reconnaissance qui sont restés dans mon cœur,»

Malheureusement, tous les Evêques n'étaient pas pénétrés des sentiments de conciliation qui avaient décidé de Juigné à se rendre à l'Assemblée nationale. Au lieu d'aider à cette union de tous les hommes de bien, amis des réformes raisonnables, qui dirigeaient alors l'assemblée, ils aimaient mieux intriguer avec la majorité de la noblesse et avec la cour, et faire retomber sur l'Assemblée nationale les excès de la cabale ordurière du duc d'Orléans qui se formait dans l'ombre, et qu'on eût écrasée en s'unissant aux hommes éclairés partisans du progrès.

Le 27 juin, trois nouveaux députés du clergé se réunirent à l'Assemblée nationale *.

Il était évident que peu à peu l'opposition allait devenir une imperceptible et ridicule minorité. La Cour s'obstinait à ne pas céder. Mais le roi était plus clairvoyant; il se fût évité à lui et à la France bien des malheurs s'il n'eût écouté que son jugement

1 Bailly, Mém., p. 238.

* Ibid., p. 248.

droit, et son cosur si bon et si conciliant. Il prit donc résolument et malgré ses ministres le parti d'ordonner à l'aristocratie cléricale et nobiliaire de s'adjoindre à l'Assemblée nationale, et écrivit cette lettre au cardinal de La Rochefoucault, doyen de l'ordre du clergé :

<< Mon cousin,

>> Uniquement occupé de faire le bien général de mon royaume; » désirant par dessus tout que l'assemblée des États-généraux s'oc» cupe des objets qui intéressent la nation, d'après l'acceptation » volontaire de ma déclaration du 23 de ce mois; j'engage mon » fidèle clergé à se réunir sans délai avec les deux autres ordres, » pour hâter l'accomplissement de mes vues paternelles. Ceux qui » sont liés par leurs pouvoirs peuvent y aller, sans donner de voix, » jusqu'à ce qu'ils en aient de nouveaux. Ce sera une nouvelle » marque d'attachement que le clergé me donnera. Sur ce, je prié >> Dieu, mon cousin, qu'il vous ait en sa sainte garde.

» Louis. >>

L'Assemblée nationale ayant appris que le roi avait ordonné la réunion, résolut d'attendre, séance tenante, les députés opposants dans la crainte de la faire manquer. On retira les fauteuils de l'archevêque de Vienne et de Clermont-Tonnerre qui avaient pris séance à droite et à gauche de Bailly, pour ôter occasion aux présidents réels du clergé et de la noblesse de réclamer la présidence. Il ne devait, en effet, y avoir qu'un président, puisque l'assemblée était une, et Bailly élu par les députés du tiers, reconnu par la majorité du clergé et par la minorité de la noblesse, était le seul président légitime de l'Assemblée nationale.

Pendant la séance, on vit entrer dans la salle commune, comme on s'y attendait, la minorité du clergé, précédée de son doyen, le cardinal de La Rochefoucault, et la majorité de la noblesse précédée de son doyen, le duc de Luxembourg. On fit demander aux deu doyens s'ils voulaient parler, ils répondirent négativement. Le dépit était peint sur leur visage aussi bien que sur ceux de leurs adhé-rents. La démarche qu'ils faisaient était pénible pour leur amourpropre. Bailly fit insister auprès des doyens pour qu'ils prissent la parole. Le cardinal de La Rochefoucault y consentit enfin, et dit d'assez mauvaise grâce : « Messieurs, nous sommes conduits ici par notre amour et notre respect pour le roi, nos vœux pour la paix et notre zèle pour le bien public. » Le duc de Luxembourg ue

tit pas plus de frais d'éloquence. Bailly leur répondit avec douceur et convenance, et l'on cria: Vive le roi ! Pendant cette courte interruption, le cardinal de La Rochefoucault s'approcha du bureau du président. Suivant les anciens usages, il eût dû, comme doyen du premier ordre de l'État, présider l'assemblée générale, et il en avait le désir. La minorité avait même décidé, pour maintenir les priviléges de l'ordre, de supplanter adroitement le président réel de l'assemblée. Lors donc que le cardinal fut auprès du bureau, un membre du clergé lui dit : « Monseigneur, il faudrait que vous levassiez la séance. - Vous avez raison, répondit le cardinal; » et il se disposait à retourner à sa place pour l'annoncer, lorsque Bailly l'arrêta en lui disant : « Monseigneur, vous ne pouvez pas lever la séance, vous n'êtes pas président. Mais il est tard, personne n'a diné, ajouta le cardinal. - Chacun est libre, reprit Bailly, de se retirer individuellement; mais quant à l'assemblée, elle ne peut être rompue que par sa propre volonté, et c'est à son seul président, c'est à moi de la consulter. »

Le cardinal vit bien, par cette réponse, qu'il ne serait pas prudent d'insister.

Quand la séance fut levée, on se porta en foule au château, pour remercier le roi d'avoir ordonné la réunion des ordres. Cette démarche fut spontanée et n'eut rien d'officiel. Prélats, officiers, soldats, femmes, députés, peuple, étaient confondus pêle-mêle dans les cours, le roi et la reine présents. On les accueillit aux cris mille fois répétés de vive le roi! vive la reine! Celle-ci ayant pris son fils entre ses bras, les acclamations redoublèrent. Le roi était aimé. S'il eût pu suivre en liberté les inspirations de son cœur, il eût satisfait progressivement à toutes les nécessités sociales, et peutêtre la France ne compterait-elle pas autant de pages sanglantes dans ses annales; mais la reine, avec des qualités estimables, avait un orgueil aristocratique indomptable, et de sots courtisans formaient avec elle une coterie bien décidée à combattre, jusqu'à la dernière extrémité, toute atteinte aux priviléges les plus exorbi

tants.

L'orgueil des députés de la noblesse et du haut clergé souffrait de voir l'Assemblée nationale présidée par Bailly. Ce savant distingué était en même temps un politique capable, un homme ferme et d'une grande probité. Mais ces qualités ne pouvaient racheter

1 Bailly, Mém., t. 1, p. 252.

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