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PREMIÈRE PARTIE

LE DIRECTOIRE

CHAPITRE PRÉLIMINAIRE

LA CONSTITUTION DE L'AN III

1. LES CONSTITUTIONS ANTÉRIEURES. Le 20 juin 1789, dans la salle du Jeu de Paume, les membres de l'Assemblée nationale avaient solennellement juré de ne pas se séparer avant d'avoir doté la France d'une constitution. Décrétée le 3 septembre 1791, acceptée par le Roi le 14 septembre, cette constitution n'eut qu'une durée éphémère. Moins d'un an après, le manifeste comminatoire lancé, le 25 juillet 1792, au moment où il allait franchir la frontière de France, par le duc de Brunswick, généralissime des armées alliées, provoquait à Paris une fermentation extraordinaire qui aboutit à l'insurrection du 10 août. Le château des Tuileries fut envahi par le peuple en armes, tandis que l'Assemblée législative, sous la pression de la Commune de Paris, prononçait la suspension du Roi, et décrétait que le peuple français nommerait, avec mission de faire une constitution nouvelle, une Convention nationale.

Réunie le 21 septembre, la Convention décréta, le jour même, l'abolition de la royauté, et décida que la constitu

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LA CONSTITUTION DE L'AN III

tion qu'elle avait mission de faire serait, avant d'entrer en vigueur, soumise à l'acceptation du peuple français. “ Il ne peut y avoir de constitution, disait le décret des 21-22 septembre, que celle qui est acceptée par le peuple.,

Le travail d'élaboration de cette constitution fut à chaque instant troublé soit par les préoccupations de la guerre extérieure, soit par les crises intérieures.

Au mois d'avril 1793, la Convention avait abordé la discussion d'un premier projet présenté par son Comité de constitution. Connu sous le nom de Constitution girondine, œuvre personnelle de Condorcet (1), ce projet, combattu par le parti montagnard, n'aboutit pas. Après la proscription des Girondins (journées des 31 mai et 1er juin 1793), la Convention discuta et vota en quelques jours la Constitution dite jacobine ou montagnarde (24 juin 1793), qui fut ratifiée par un plébiscite populaire dans le courant du mois de juillet.

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Sa mission terminée, la Convention aurait dû se séparer. Mais l'Assemblée invoqua les périls extérieurs pour ajourner l'application de la constitution, et décréta le 19 vendémiaire an II (10 octobre 1793) que le gouvernement provisoire de la France serait révolutionnaire, jusqu'à la paix, c'est-à-dire anormal, contraire aux principes, en ce que le pouvoir législatif se confondait avec le pouvoir exécutif. L'article 16 de la Déclaration des droits de 1789 portait, en effet, qu'une société dans laquelle la séparation des pouvoirs n'est pas déterminée n'a pas de constitution (2).

Après la chute de Robespierre (9 thermidor an II, 27 juillet 1794), un parti se forma dans la Convention qui conçut le projet d'abandonner définitivement la constitution, trop démocratique à ses yeux, de 1793. Les républicains bourgeois, comme les appelle M. Aulard, ne purent toutefois faire prévaloir leurs vues sur celles des républicains démocrates, partisans de la mise en vigueur de la constitution

(1) Sur ce projet voir AULARD, Histoire politique de la Révolution française, Paris, Armand Colin, 1901, pp. 280 et suivantes; CAHEN, Condorcet et la Révolution française, Paris, Alcan, 1904, pp. 470 et suivantes; ALENGRY, Condorcet, guide de la Révolution française, Paris, Giard et Brière, 1904.

(2) AULARD, Histoire politique citée, p. 315.

LE DIRECTOIRE

montagnarde, qu'après les journées de prairial an III. Assiégée et investie, les 1, 2 prairial, par le peuple des faubourgs qui réclamait du pain et la mise en activité immé diate de la constitution de 1793, la Convention, après des péripéties diverses, fut sauvée par la garde nationale renforcée par des troupes de ligne. Les émeutiers furent désarmés et un certain nombre de députés montagnards. complices de l'insurrection, proscrits. Il fut dès lors possible de renoncer à la constitution de 1793 et d'en élaborer une nouvelle, basée sur le système censitaire. Boissy d'Anglas, le rapporteur de la Commission des Onze chargée d'élaborer le projet nouveau, justifiait, dans les termes suivants, l'abandon de la constitution de 1793: "Nous vous déclarons tous unanimement que cette constitution n'est autre chose que l'organisation de l'anarchie, et nous attendons de votre sagesse, de votre patriotisme et de votre courage qu'au lieu de vous laisser abuser par de vains mots, vous saurez après avoir immolé vos tyrans, ensevelir leur odieux ouvrage dans la même tombe qui les a dévorés (1). „

Discutée dans le courant de messidor et thermidor, la constitution fut définitivement adoptée le 5 fructidor an III (22 août 1795) (2). Le peuple l'ayant acceptée dans ses assemblées primaires, tenues le 20 fructidor et jours suivants, elle fut proclamée loi fondamentale de la république par un

(1) AULARD, Histoire politique, p. 549.

(2) On trouvera le texte des diverses constitutions de la France dans DUGUIT et MONNIER, Les constitutions et les principales lois politiques de la France depuis 1789, Paris, A. Pichon, 1898. La table alphabétique, qui termine le volume, facilite la comparaison de leurs dispositions respectives sur une même matière. - Le Code des Codes, de MM. CRÉMIEUX et BALSON, Paris, 1835, contient un intéressant tableau, où le texte des articles de la charte de 1830 est placé en regard du texte des articles correspondants des constitutions françaises antérieures. Pour la comparaison entre les con stitutions françaises, d'une part, et les constitutions nationales belges de l'ancien régime, la loi fondamentale de 1815 et la constitution belge de 1831, d'autre part, il faut consulter DESCAMPS, La Constitution belge comparée aux sources modernes et aux anciennes constitutions nationales, Louvain, Ch. Peeters, 1887, travail qui a paru également dans le Code constitutionnel belge, du même auteur, Bruxelles, Larcier, 1887, pp. IX-LXVI.

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décret du 1er vendémiaire an IV (23 septembre 1795). Un arrêté des représentants du peuple, en date du 14 vendémiaire an IV (6 octobre 1795), en ordonna la publication en Belgique.

2. LA CONSTITUTION DE L'AN III. Déclaration des droits et devoirs. La constitution du 5 fructidor an III était précédée d'une déclaration des droits et des devoirs de l'homme et du citoyen. Plus succincte que celle qui servait de préambule à la constitution montagnarde, cette déclaration se rappro. chait davantage de la célèbre déclaration du 26 août 1789, promulguée le 3 novembre de la même année, et placée, plus tard, en tête de la constitution du 3 septembre 1791. A la différence de cette dernière, elle était accompagnée d'une déclaration des devoirs, contrepartie de la déclaration des droits, que quelques orateurs avaient déjà réclamée à l'Assemblée constituante de 1789.

Il importe de ne pas se méprendre sur la portée légale de cette déclaration." Les déclarations des droits de l'homme et du citoyen sont un produit direct, dit M. Esmein (1), de la philosophie du XVIe siècle et du mouvement d'esprits qu'elle a développé. Ce sont les principaux axiomes dégagés par les philosophes et les publicistes, comme les fondements d'une organisation juste et rationnelle, que proclamèrent solennellement les auteurs des constitutions nouvelles destinées à en faire l'application. Avant d'apparaître dans les constitutions de la Révolution française, ces déclarations apparurent dans les constitutions que se donnèrent les colonies anglaises d'Amérique après leur émancipation. „

Quoiqu'émanées de corps possédant une autorité légale et même souveraine, d'assemblées constituantes, ces déclarations des droits ne sont pas des articles de lois précis et exécutoires. Ce sont purement et simplement des déclarations de principes." Les hommes qui rédigèrent la première déclaration des droits de l'homme et du citoyen, continue M. Esmein, se rendaient bien compte qu'ils rédigeaient un texte simplement dogmatique. Ils savaient bien qu'ils allaient

(1) ESMEIN, Éléments de droit constitutionnel français et comparé, Paris, 1903, p. 393.

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