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DEUXIÈME PARTIE

LE CONSULAT ET L'EMPIRE

CHAPITRE PRÉLIMINAIRE

LA CONSTITUTION DE L'AN VIII

599. LE COUP D'ÉTAT DU 18 BRUMAIRE ET LE DÉCRÈTEMENT DE LA CONSTITUTION DU 22 FRIMAIRE AN VIII. Les gouvernements issus de la constitution de l'an III, dont le fonctionnement avait d'ailleurs été faussé par une série de coups d'Etat (1), n'avaient apporté à la France ni la paix intérieure, ni la paix extérieure. Dans le cours de l'été de 1799, les victoires des armées coalisées en Allemagne et en Italie et, plus tard, le débarquement d'une armée anglo-russe en Hollande, avaient paru menacer non seulement les conquêtes de la Révolution, mais encore les frontières de l'ancienne France. Au milieu du désarroi causé par ces graves événements, on avait vu les Conseils législatifs et le Directoire recourir aux procédés de la Convention en 1793. Une levée en masse avait été décrétée ainsi qu'un emprunt forcé sur "la classe aisée. Une loi du 24 messidor an VII avait annoncé que lorsque le Corps législatif déclarerait un dépar

(1) Voir plus haut, nos 20, 21, 22, 25, etc.

(2) Voir plus haut, nos 177, 189, 190, 333, 396 et 442.

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tement en état de troubles civils (1), les administrations départementales pourraient prendre des otages parmi les parents d'émigrés, leurs alliés, les ex-nobles, etc., et le Directoire, faire déporter ces otages. Une loi du 26 therinidor an VII avait autorisé le Directoire pendant un mois, à titre de mesure contre les machinations de contre-révolution à ordonner des visites domiciliaires sur tout le territoire de la République (2). L'opinion publique eut comme l'impression que l'on revenait à une nouvelle Terreur (3). Et le général Bonaparte ne fit que traduire le sentiment général dans l'apostrophe célèbre qu'au cours de la journée du 18 brumaire, il adressait à un émissaire du directeur Barras (4): " Qu'avez-vous fait de cette France que je vous avais laissée si brillante? Je vous ai laissé la paix, j'ai retrouvé la guerre ! Je vous ai laissé des victoires, j'ai trouvé des revers! Je vous ai laissé des millions d'Italie, j'ai retrouvé partout des lois spoliatrices et la misère ! Qu'avezvous fait de cent mille Français que je connaissais, mes compagnons de gloire? Ils sont morts! Cet état de choses ne peut durer...

Le coup d'Etat des 18-19 brumaire an VIII (9-10 novembre 1799) y mit fin.

600. Réuni à St-Cloud, en vertu du décret de translation des Anciens (5), le Conseil des Cinq Cents avait été,

(1) Les lois du 3 fructidor et des 1er, 2e et 4e jours complémenfaires an VII ainsi que des 4, 11 et 27 vendémiaire an VIII, firent des déclarations de l'espèce.

(2) Coll. HAYEZ, t. XIV, p. 288. Cfr. aussi ibid., t. XII, p. 30, une loi du 18 messidor an VI.

(3) AULARD, Hist. polit. citée, pp. 687 et 695; VANDAL, L'avènement de Bonaparte, Paris, 1903, t. I, pp. 93, 182, 196 et suiv., 206 et suiv., 215 et suiv.; THIERS, Histoire du Consulat et de l'Empire, édit. de Bruxelles, 1845, t. I, pp. 1 et suiv.

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(4) Vandal, ouv. cité, p. 316. — Notons cependant qu'à ce moment le péril extérieur était en grande partie écarté grâce à la victoire de Masséna à Zurich (26 septembre) et à la défaite des Anglo-Russes en Hollande (6 octobre). Bonaparte, rentré d'Egypte, était arrivé à Paris le 16 octobre (22 vendémiaire).

(5) Voir plus haut, no 30, p. 36.

comme l'on sait, dispersé dans l'après-midi du 19 brumaire par les grenadiers de Murat. Réduit à une infime minorité, il s'était de nouveau réuni dans la nuit pour ajourner le Corps législatif à trois mois (au 1er ventôse), prononcer l'exclusion de quatre-vingt-onze de ses membres (1) et décider le remplacement provisoire du Directoire par une Commission consulaire exécutive. Cette Commission avait été composée de Siéyès et de Roger Ducos, ex-directeurs, et du général Bonaparte. Les Cinq-Cents avaient en même temps décrété la formation dans le sein de chaque Conseil, d'une Commission chargée, durant l'ajournement du Corps législatif, de statuer sur tous les objets urgents de police, de législation et de finances, et de préparer les changements à apporter aux dispositions organiques de la constitution dont l'expérience avait fait sentir les vices et les inconvénients. Approuvées sur l'heure par les Anciens, les résolutions des CinqCents devinrent la loi du 19 brumaire an VIII, organique du Consulat provisoire, et entrèrent immédiatement en exécution.

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601. Les Commissions intermédiaires créées par la loi dù 19 brumaire an VIII (10 novembre 1799) se mirent tout de suite à l'œuvre. Elles commencèrent par nommer chacune une section chargée de préparer le travail de révision de la constitution. Désireux d'influencer leurs opérations (2), Bonaparte, dès le 11 frimaire au soir, en convoqua les membres dans son salon du Luxembourg et les mit en présence des autres Consuls provisoires, Siéyès et Ducos. Un échange de vues eut lieu, qui fut repris les soirs suivants. Cette réunion, d'un caractère strictement privé d'ailleurs, ne tarda pas à s'élargir; les deux Commissions entières y furent bientôt appelées. Au moment où le travail, encore qu'inachevé, était assez avancé pour que les discussions officielles pussent commencer, Bonaparte, redoutant certaines oppositions et

(1) Parmi lesquels un certain nombre de Belges : Brische, Frison, Demoor, Stevenotte, Dimartinelli.

(2) Voir sur ces travaux préparatoires, AULARD, ouv. cité, pp. 705 et suiv., et VANDAL, ouv. cité, pp. 510 et suiv.

craignant de voir remettre en question les articles convenus, décida de brusquer la solution. Le 22 frimaire, “ la nuit tombée, écrit M. Vandal, tous les membres furent une dernière fois et privément convoqués au Luxembourg, dans le salon de Bonaparte, où se trouvaient Siéyès et Ducos. Là, on leur lut la constitution arrêtée au point qu'elle n'avait pu dépasser, et ils furent invités à l'approuver telle quelle, à la signer individuellement et sans plus de façon. Ainsi chambrés, pris au piège, épuisés par les longues veilles et les nuits blanches, ils n'osèrent regimber contre l'insolence despotique du procédé. Bonaparte d'ailleurs était là; son ton, son regard commandaient, et comment résister à ce terrible homme ? Les cinquante parlementaires se soumirent et la constitution écourtée, résultat d'improvisations haletantes, fut adoptée, subie, sans avoir fait l'objet d'un débat et d'un vote réguliers (1)!,

602. L'article final de la constitution décrétée le 22 frinaire décidait que l'acte constitutionnel serait offert de suite à l'acceptation du peuple français. "Il sera ouvert, disait une loi du 23 frimaire an VIII, dans chaque commune des registres d'acceptation et de non-acceptation les citoyens. sont appelés à y consigner ou faire consigner leur vote sur la constitution. Comme le texte même de ce document créait Bonaparte premier consul, et Cambacérès et Lebrun, second et troisième consuls, et qu'il désignait Siéyès et Ducos en qualité de premiers sénateurs, le plébiscite porta à la fois sur des institutions et des personnes, ce qui ne s'était encore jamais vu, remarque M. Vandal (2).

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Dans une proclamation, en date du 24 frimaire (3), adressée aux Français, les consuls caractérisaient comme suit l'œuvre soumise à la ratification populaire :

"Citoyens, disaient-ils, une constitution vous est présentée.

Elle fait cesser les incertitudes que le provisoire mettait dans les relations extérieures, dans la situation intérieure et inilitaire de la République.

(1) Ouv. cité, p. 522.

(2) VANDAL, ouv. cité, p. 535.

(3) DUGUIT et MOUNIER, Les constitutions de la France, p. 129.

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