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se contenter de dire je crois ce qu'enseigne mon curé, sans plus y réfléchir, et qui fut ennuyé toute sa vie d'avoir à fournir là-dessus des explications. >>

Sur ce point, son plus illustre disciple, Malebranche, ne lui ressembla guère; mais est-ce une raison suffisante pour voir, dans la philosophie de celui-ci, une déviation de la doctrine de Descartes, comme le dit M. Adam (1)? Tout au moins conviendrait-il de noter combien à tous autres égards la pensée du grand oratorien est fidèle à l'esprit de son maître et, ajouterons-nous, combien cet esprit se laisse facilement, et sans se dénaturer, pénétrer par une inspiration profondément religieuse.

Nous ne saurions entrer dans l'examen de tous les détails qui montrent l'attachement réel de Descartes à la religion catholique, et nous nous bornerons à donner la nomenclature des pages où l'on trouve quelque chose se rapportant à ce sujet. Ce sont les pages 26, 49, 56, 63, 69, 103, 144, 286, 306, 364, 416, 421, 442, 517, 546, 552, 600, 603, 610.

Si nous ne pouvions songer à passer en revue tout ce qui touche à la religion de Descartes, à plus forte raison ne saurionsnous donner un résumé de tout l'ouvrage, et du reste, en le faisant, nous tomberions dans de nombreuses redites avec ce que nous avons exposé à l'occasion des divers volumes des œuvres de Descartes. Nous n'allons que relever quelques détails qui ont particulièrement attiré notre attention. En ce faisant, nous courrons risque de donner une fausse impression sur notre sentiment à l'égard de l'ensemble de l'œuvre de M. Adam, qui est un travail très sérieux et très précieux. On ne devra pas perdre de vue cette déclaration d'ensemble, sans laquelle nos critiques donneraient une très fausse impression.

A propos de la religion, nous avons vu combien certains jugements de M. Adam dénotent une connaissance insuffisante de l'enseignement des théologiens; on peut se demander si la philosophie aristotélicienne lui est plus familière. Parlant de la définition du mouvement donnée dans les Principes de la Philosophie, il fait bien voir combien elle semble inspirée par le désir de pouvoir enseigner la rotation de la terre autour du soleil tout en la proclamant en repos; mais il ne signale pas que c'est précisément la définition adoptée par les péripatéticiens. Or c'est là un détail du plus vif intérêt, car, si cette définition avait été de l'invention de Descartes, elle eût pu justement être prise pour une

(1) Page 97.

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mauvaise plaisanterie, tandis que, empruntée aux péripatéticiens, elle constitue un coup de maître, plein d'adresse, sinon un argument sérieux. M. Duhem a fait ressortir combien Descartes s'est attaché étroitement à la doctrine d'Aristote. « Le lieu d'un corps, dit celui-ci, ne peut pas être autre chose que la partie immédiatement contiguë à ce corps du milieu qui l'environne » (1). « Si l'on s'en tient fermement à cette définition, dit M. Duhem, que sera le mouvement local en vertu duquel, aux divers instants de la durée, un corps se trouve en des lieux différents? Il consistera en ceci que le mobile sera enveloppé par certains corps à un certain instant, et par d'autres corps à un autre instant; selon la définition qu'en donnera Descartes (Les Principes de la Philosophie, II partie, art. 26), il sera le transport d'une partie de la matière ou d'un corps du voisinage de ceux qui le touchent immédiatement... dans le voisinage de quelques autres » (2).

Qui ne voit dès lors que, si la terre est emportée par un tourbillon autour du soleil, sans quitter ce tourbillon, un fidèle aristotélicien devra la proclamer immobile? A ne pas signaler ce rapprochement, on fait perdre à l'habileté de Descartes toute sa

saveur.

Au point de vue de l'origine des théories physiques explicatives, M. Adam nous paraît singulièrement forcer la signification de certaines paroles de Descartes et les pousser sans motif jusqu'à l'absurde. Parlant de son explication des propriétés de l'aimant au moyen des parties striées (Descartes dit plutôt cannelées) de la matière subtile, parties tournées en vis les unes dans un sens et les autres dans l'autre, M. Adam remarque ironiquement : « Nous n'oserions jurer que Descartes, en imaginant une telle cause, ne pensait point par avance aux effets qu'elle devait expliquer » (3). A première lecture, cette remarque paraît bien surprenante, car d'ordinaire on imagine des théories explicatives en vue d'expliquer des phénomènes déjà connus. Il est vrai que, si l'on se reporte au texte des Principes, on se rend compte de ce qui a induit M. Adam à parler ainsi. Au no 145 de la 4me partie, on lit en effet : « Et toutes ces choses suivent si clairement des principes qui ont esté cy-dessus exposez, que je ne laisserais pas de juger qu'elles sont telles que je viens de dire, encore que je

(1) Φυσικῆς ἀκροάσεως το Δ, δ.

(2) Le Mouvement absolu et le Mouvement relatif in REVUE DE PHILOSOPHIE de septembre 1907, p. 229.

(3) Page 394.

n'aurais aucun égard aux proprieteż qui en peuvent estre déduites; mais j'espère maintenant faire voir que toutes celles de ces proprietez que les plus curieuses experiences des admirateurs de l'aymant ont pû découvrir jusques à présent, peuvent si facilement estre expliquées par leur moyen, que cela seul suffirait pour persuader qu'elles sont vrayes, encore qu'elles n'auraient point esté déduites des premiers principes de la nature >> (1).

Prises au pied de la lettre, ces paroles donneraient en effet à penser que Descartes a posé ces premiers principes sans avoir aucun égard aux propriétés de l'aimant; mais, si nous nous reportons là où Descartes établit l'hypothèse des parties cannelées et de leur mouvement dans les tourbillons, avec la particularité des parties tournées en coquille en deux sens différents, nous le voyons immédiatement ajouter que c'est principalement de cette particularité que dépendent les forces de l'aimant (2).

Ceci nous parait bien montrer que Descartes ne prétend point s'être isolé du monde quand il a posé ses hypothèses sur la constitution de la matière, ce qui eût été ridicule, mais seulement ne s'ètre pas appuyé sur tout le détail des propriétés de l'aimant qu'il prétend expliquer ensuite au moyen de ces hypothèses.

Nous devons mentionner une rectification faite par M. Adam à la date qu'il avait attribuée à une lettre de Mersenne à Sorbière au lieu de 5 novembre 1646, il faudrait dire 5 novembre 1647. Cette lettre, qui parle de la réconciliation de Descartes et de Gassend, traite aussi de la question des discussions sur le vide. Après avoir établi la date de 1647, M. Adam conclut Donc la lettre de Mersenne à Sorbière est bien du 5 novembre 1647 et non pas 1648.

Or c'était bien 1646 qu'il avait indiqué au tome IV de la Correspondance (p. 515) et non 1648; du reste, Mersenne était mort le 1er septembre 1648 (voir p. 472). On ne peut voir dans cette date de 1648 qu'une faute d'impression, non signalée aux errata, mais il faut reconnaitre qu'elle est indispensable pour donner sa valeur à la phrase suivante : « Cette rectification, qui ne saurait ètre mise en doute, ne nous sert pas seulement à mieux dater la réconciliation de Descartes et de Gassend : elle donne aussi une valeur singulière, nous le verrons, à cette même lettre de Mersenne, comme document décisif pour déterminer le rôle de Descartes et de Pascal dans la grande expérience du Puy-de

(1) Tome IX, 2e partie, p. 280.

(2) 3e partie, no 91, p. 155.

Dôme » (1). En réalité, il ne nous semble pas que ce rôle soit nettement établi, et du reste M. Adam reconnaît que l'on ne saurait dire si c'est Descartes ou Mersenne qui a eu l'idée de cette expérience; mais il semble bien vraisemblable que, dans un cas comme dans l'autre, l'idée a été suggérée à Pascal: c'est, semble-t-il, également la conclusion des belles études données sur ce sujet par le P. Thirion dans la REVUE DES QUESTIONS SCIENTIFIQUES.

Avant de clore ce coup d'œil sur l'œuvre de M. Adam, nous voudrions dire quelques mots de son illustration. En tête, se trouve une reproduction, gravée par Achille Jacquet, du portrait du Louvre, attribué à Frans Hals. Après avoir dit que cette attribution est de moins en moins sûre (p. xv), M. Adam signale plus loin (p. 546 en note) un argument en faveur de la dite attribution: Baillet dit que son ami Bloemart avait obtenu de Descartes qu'il fit faire son portrait avant de quitter la Hollande; or, Bloemart étant curé de Harlem, quoi de plus vraisemblable qu'on se soit adressé au grand peintre de cette ville? En tout cas, l'auteur de ce chef-d'œuvre nous semble avoir été un digne émule de Frans Hals.

Un autre portrait paraît être celui que l'abbé Picot rapporta de son premier voyage en Hollande, en 1642. Il appartenait à l'abbé Le Monnier, curé de Saint Ferdinand des Ternes, aujourd'hui décédé, qui, en 1904, autorisa M. Adam à le faire graver, également par Achille Jacquet. Cette gravure, placée entre les pages 74 et 75, nous montre un Descartes jeune, de physionomie plus douce que celle que montre le portrait du Louvre.

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Un portrait, dessiné d'après nature par Frans Schooten, le fils, en 1644, fut gravé en 1659 pour la traduction latine de la Géométrie (2e édition). Descartes n'avait pas voulu le voir figurer dans la 1 édition, bien qu'il le trouvât fort bien, écrivait-il à l'auteur. Plus tard, Huygens le déclara bien mal fait, ce qui est aussi l'avis de M. Adam, que nous ne contredirons pas. Il est reproduit entre les pages 358 et 359.

Enfin un portrait, qui serait dû à David Beck, hollandais élève de Van Dyck, peintre de la reine Christine, a été retrouvé récemment en Suède d'où une copie a été envoyée à Paris, laquelle figure dans la grande salle de la Bibliothèque de l'Institut. Une photographie fut adressée à M. Adam, qui en a inséré une reproduction entre les pages 546 et 547. C'est, nous

(1) Note C des pages 448 et 449.

IIIe SÉRIE. T. XXI.

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semble-t-il, une oeuvre bien déconcertante, qui ressemble peu aux autres portraits et attribue au philosophe une physionomie bien plus jeune que celle du Louvre, bien qu'elle doive lui être postérieure et avoir précédé de peu la mort de Descartes. On peut l'expliquer, comme le fait M. Adam, en disant que c'est Descartes à la cour, en représentation, et non le philosophe.

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Deux autres photogravures complètent l'illustration, une reproduction d'un dessin du temps, qui appartient à la reinemère Emma et représente le pavillon qu'habita Descartes, en 1635, près d'Utrecht, sur le Maliebaan; la reproduction est insérée entre les pages 124 et 125. Enfin, entre les pages 268 et 269, se trouve le fac-simile d'une page d'une lettre adressée à Mersenne le 4 mars 1641, lettre appartenant à la Bibliothèque Nationale.

En terminant ce compte rendu assez maussade, nous tenons à répéter que les critiques qu'il contient ne prétendent aucunement nier la valeur et l'intérêt de l'œuvre de M. Adam. En tout cas, tous lui resteront reconnaissants, ainsi qu'à Paul Tannery, d'avoir consacré tant de labeur à nous donner une édition de Descartes digne de notre grand philosophe.

Ajoutons enfin l'expression d'un vou et d'un regret en tète de sa Préface, M. Adam dit qu'après le tome XI il ne manquait à l'édition des oeuvres de Descartes qu'un Index général des matières, et il ajoute nous nous réservons d'ailleurs de le publier séparément. Notre vœu est qu'il n'oublie pas cet engagement; notre regret est qu'il s'agisse d'une publication séparée, car l'édition elle-même restera incomplète.

G. LECHALAS.

XV

EUVRES CHOISIES D'ÉMILE CHEYSSON, tome II. Un vol. in-8° de 411 pages. Paris, Arthur Rousseau, éditeur, 1911.

Ainsi qu'il avait été annoncé, l'année 1911 n'était pas terminée, quand parut le tome II et dernier des Euvres choisies d'Emile Cheysson (1). Ce volume s'ouvre par l'exposé de son

(1) Voir le compte rendu du tome I dans la REVUE DES QUESTIONS SCIENTIFIQUES d'octobre 1911, p. 635.

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