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que lui conseilloit la prudence. Le matin, de bonne heure, il mit ordre à sa conscience, se confessa, entendit la messe, communia, s'occupa, jusqu'à son départ, d'objets importans, s'entretint avec sa famille, et lui fit les plus touchans adieux *.

A onze heures, le Roi monta en voiture. Le Duc de Villeroi, le Maréchal de Beauvau, le Marquis de Nesle, le Duc de Villequier†, et le Comte d'Estaing, étoient avec lui. Sans autres personnes de sa Cour, escorté d'un très-petit nombre de ses gardes, il s'avança lentement vers Paris. La milice bourgeoise de Versailles environnoit la voiture. Une Députation de quatre-vingts Députés de l'Assemblée Nationale l'attendoit aux barrières de la capitale.

* Le Roi, en partant, remit à MONSIEUR, en présence de la Reine, un écrit, par lequel il protestoit contre tous les actes qu'il pourroit être contraint de faire, soit à Paris, soit dans tout autre lieu où il seroit retenu contre son gré; déléguant, en ce cas, toute son autorité à MONSIEUR, qu'il instituoit Lieutenant-Général du royaume. Au retour du Roi à Versailles, MONSIEUR s'empressa de rendre cet écrit ; et les deux frères, dans la joie de se retrouver, se félicitèrent de ce que la régence de MONSIEUR avoit été la plus courte et la plus paisible de celles dont nos annales fassent mention. Ils étoient loin, alors, de prévoir le sort qui les attendoit!

+ Dans le cours de la révolution, le Duc de Villequier-Aumont, et le Duc de Pienne, son fils, premiers Gentilshommes de la Chambre du Roi, ont donné des preuves d'une fidélité et d'un dévouement sans bornes.

Une foule immense, accourue de tous les environs, se précipita sur son passage. Ce n'étoient plus ces sensibles François, avides autrefois de la présence de leur Souverain, toujours prêts à voler à sa rencontre, pour lui faire entendre les acclamations de leur amour; c'étoient des forcenés, ou plutôt des hommes séduits, armés de fusils, de sabres, de pistolets, de faulx, de fourches et de serpes, transformant en armes meurtrières les instrumens de leurs travaux, désertant leurs campagnes pour se mêler aux révoltés.

La plus grande partie des habitans de Paris étoit sous les armes. Spectacle effrayant, qui offroit à l'œil un mélange bizarre de sexe, d'armes, de costumes! Que de craintes ne devoit pas inspirer ce rassemblement tumultueux, en ne lui supposant même aucun but criminel! Le Roi étoit aussi calme, que si tant de bras n'eussent été armés que pour le défendre.

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Aux barrières de Paris, dites de la Conférence, les séditieux défendirent aux Gardes du Corps qui avoient servi d'escorte au Roi, d'aller plus avant. II fallut céder. Bailly, qui avoit succédé au Prévôt des Marchands, mais sous le titre de Maire, présenta au Roi les clefs de la ville, dans un bassin d'or. "Sire," dit-il, "j'apporte à Votre Majesté les clefs

"de sa bonne ville de Paris. Ce sont les mêmes

"qui furent présentées à Henri IV, son illustre "aïeul. Il avoit reconquis son peuple; ici, le "peuple a reconquis son Roi."

Bailly n'étoit pas formé pour le rôle que les circonstances lui faisoient jouer. Né avec une âme douce, avec le besoin de l'étude, le goût des sciences et des arts, il avoit, par plusieurs ouvrages célèbres, acquis la réputation d'un homme de lettres aimable, et d'un savant distingué. Membre de l'Académie Françoise, de celles des Sciences, des Inscriptions et Belles Lettres; associé de plusieurs autres, il étoit pensionné de la Cour, considéré et accueilli partout. Nommé Député aux Etats-Généraux, il n'eut pas la sagesse de refuser. Dans cette carrière, le désir de se faire un nom, peut-être aşi, les idées philosophiques, firent oublier à Bailly ce que luimême, dans ses lettres sur l'Atlantide* de Platon

«Ne souhaitons jamais de révolution; plaignons nos pères "de celles qu'ils ont éprouvées. Le bien dans la nature physique et morale ne descend du ciel sur nous que lentement, peu à "pen, j'ai presque dit, goutte à goutte. Mais, tout ce qui est "subit, instantané, tout ce qui est révolution, est une source

de maux. Les déluges d'eaux, de feux, et d'hommes, ne "s'étendent sur la terre que pour la ravager.”—Onzième Lettre de Bailly à Voltaire, sur l'Atlantide de Platon, et sur l'Ancienne Histoire de l'Asie, page 21.

avoit si sagement écrit sur les dangers des révolutions. Le hasard qui le rendit Président du TiersEtat, lors de la réunion forcée des trois Ordres, le jeta dans le torrent de la révolution. Incapable de prendre l'influence que devoit lui donner sa place de Maire, il domina moins qu'il ne fut dominé, et voulut moins le mal qu'il ne s'y prêta.

La voiture du Roi traversa, au petit pas, l'allée du Cours, la Place de Louis XV, la Rue St. Honoré, celle du Roule, le Quai Pelletier, et la Place de Grève. Aux représentans des Trois-Etats qui, ́sans distinction d'Ordres, marchoient à droite et à gauche de la voiture, se joignoient les électeurs de Paris et les députations des districts. Parmi les Députés de l'Assemblée Nationale, on remarquoit huit Prélats, dans le costume épiscopal, les Archevêques de Paris et d'Alby, les Evêques d'Agen, d'Uzès, de Couserans, de Dijon, de Clermont et de Nancy *.

A la tête d'une cavalerie nombreuse, le Marquis de la Fayette, Commandant-Général, dirigeoit les mouvemens de la Garde Parisienne. Un nombre immense d'hommes armés bordoit, de chaque côté,

• MM. Leclerc de Juigné, de Pierre de Bernis, de Bonnac, de Bethisy, de Lastic, des Montiers de Merinville, de Bonnal et de la Fare.

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les quais, les places, les rues par où défila le cortége, sur le passage duquel tonnoient deux cents pièces de canon*. A peu de distance du carrosse du Roi, entre la cavalerie et les Députés de l'Assemblée, rouloient deux canons de gros calibre, et s'élevoient des trophées de victoire. Partout, se faisoit entendre le cri de Vive la Nation!

La voiture étant arrivée devant le grand escalier de l'Hotel de Ville, le Roi mit pied à terre. Bailly lui présenta la cocarde aux trois couleurs. La refuser, eût été le signal du régicide. Le Roi l'accepta. Ainsi, Etienne Marcel, aussi Maire de Paris, obligea Charles, Dauphin de France, alors Régent du Royaume, de prendre, pour sauver ses jours, le chaperon que portoient les révoltés. A l'acceptation de la cocarde, les premiers cris de Vive le Roi! se firent entendre et se prolongèrent.

Le Roi et ceux qui l'entouroient, ne percèrent

* Ces' canons avoient été pris à l'Arsenal, à la Bastille, et à P'Hôtel des Invalides.

+ En 1358, les Etats factieux étoient assemblés à Paris. Les habitans de cette ville partageoient la révolte. Etienne Marcel, Prévôt des Marchands, et chef des révoltés, fit massacrer, dans la chambre même, et sous les yeux du Dauphin, Robert de Clermont, Maréchal de Normandie, et Jean de Conflans. I força le Régent de prendre, comme sauve-garde, son propre chaperon, de couleur rouge et bleue, couleurs distinctives des factieux.

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