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tionnement de la société, tous ces grands objets ont échappé à ses profondes méditations. Il étoit plus aisé, et apparemment plus philosophique, de verser à pleines mains la calomnie, le sarcasme et l'outrage sur les ministres de la superstition: car c'est ainsi que le nom de prêtre se traduit en son langage. Du reste vous l'entendrez répéter éternellement les déclamations surannées du vulgaire des protestans contre Rome et les papes, et leurs usurpations, et leur tyrannie. Là s'arrête sa logique, sa science; et en effet n'est-ce pas assez pour la plupart de ses disciples?

Mais lorsque, dégagé de ces idiotes préventions entretenues par l'esprit de secte, on considère attentivement l'histoire de l'Europe depuis l'établissement du christianisme, il est impossible qu'en voyant les papes diriger sans interruption ce grand mouvement spirituel, et constamment à la tête de la société, dès qu'il exista une société chrétienne, on ne soit pas frappé de cette double prééminence, ainsi que du sentimentuniversel qui en attestoit la légitimité. Alléguer l'ignorance des peuples et de leurs chefs pour expliquer ce fait éclatant, ce seroit dire que le monde a été civilisé par une religion que personne ne connoissoit avant Luther; que l'ordre social et l'ordre religieux avoient jusque-là reposé sur des bases fausses; qu'avant ce moine apostat, le christianisme n'avoit été prêché aux hommes que par des imbéciles ou des imposteurs; et qu'enfin, pour en venir aux dernières conséquences de la réforme, jamais Jésus-Christ n'eut l'intention d'instituer un sacerdoce, et que sa doctrine bien

comprise se réduit à l'affranchissement de toute autorité, au droit qu'a chacun de nier tous les dogmes et conséquemment tous les devoirs.

Voilà, de l'aveu des protestans (1), le christianisme réformé; et si on ne veut pas y reconnoître le véritable christianisme, il faut bien ou renoncer à le découvrir, ou le concevoir comme l'ont conçu les catholiques pendant dix-huit siècles. S'il y a quelque chose au monde de ridiculement absurde, c'est, en rejetant le principe athée qui constitue le protestantisme, de prétendre fixer arbitrairement les bornes d'un pouvoir divin, d'en combattre l'influence, d'en restreindre l'exercice et de se déclarer juge de sa propre obéissance. Assez de trônes ont tombé par l'application de cette théorie à l'ordre civil, pour que les princes dussent au moins se défier un peu de ses conséquences. Elle détruiroit également la société religieuse, si l'Église pouvoit être détruite ; et c'est pourquoi les plus habiles et les plus sages d'entre les protestans, Mélanchton, Calixte, Grotius, Leibnitz surtout, se sont montrés si favorables à l'autorité du pape, dont ils sentoient profondément l'indispensable nécessité pour le maintien de la foi et pour la conservation de la société européenne.

(1) << Le protestantisme consiste à croire ce qu'on veut et à pro>> fesser ce qu'on croit. » L'évêque anglican Watson, cité par M. Milner. Voyez The end of religious controversy, etc. Part. III, page 125.— « Le protestantisme est, en matière religieuse, l'acte d'in» dépendance de la raison humaine. » Revue protestante, quatrième livraison, page 151.

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Elle n'étoit point, quoi qu'on ait dit, une production du génie de l'homme, le résultat des prévoyances, des volontés, des combinaisons de quelques puissans esprits, mais l'œuvre du christianisme qui, surmontant au contraire la continuelle résistance des hommes, perfectionnoit sans cesse les mœurs, les lois, les institutions et lorsqu'on réfléchit à l'immensité des obstacles qu'il eut à vaincre pour opérer cette grande régénération, ce n'est pas la lenteur du succès qui étonne, mais plutôt son étendue et sa rapidité. Quand Jésus-Christ parut, le monde alloit périr; il succomboit visiblement à une double cause de mort, l'erreur et les passions. Les passions ou les intérêts arment les peuples contre les peuples, et les hommes contre les hommes; l'erreur les divise, les isole, et dissout ainsi la société jusque dans ses élémens. Que fit le christianisme? il ranima la foi presque éteinte, il promulgua de nouveau la loi des croyances et la loi des devoirs ; et pour en assurer l'empire, il constitua sur les débris des sociétés humaines, destinées à renaître bientôt sous une autre forme, une société divine et impérissable. Ce n'est ni à l'Église ni à ses ministres qu'on doit demander raison de l'influence qu'elle exerça, mais à Jésus-Christ, mais à Dieu qui voulut sauver le monde et le renouveler par elle. Considérée particulièrement sous le point de vue politique, son action, qui, nous le répétons, n'étoit que le développement du principe même de son existence, tendoit à tout ramener à l'unité, à coordonner les nations, comme les membres d'une seule famille, dans

un système de fraternité universelle par l'obéissance au père commun, et à établir la prééminence du droit sur les intérêts, en substituant partout la justice à la force. Il faudra bien convenir qu'il seroit difficile d'imaginer un but plus noble, plus généreux, plus utile à l'humanité; et quand on pense qu'on a pu espérer de le voir atteint, on est peu disposé à juger avec rigueur ce que les hommes peut-être ont mêlé quelquefois de foiblesses et de torts personnels à l'exécution d'un si magnifique dessein.

Qu'on y prenne garde, nous ne parlons ici que selon des idées tout-à-fait indépendantes des questions de droit qu'on peut former sur le pouvoir réel de l'Église. Nous discuterons plus tard cet important sujet : à présent nous ne l'envisageons que dans ses rapports avec la paix et le bonheur des peuples. Or il est sans doute permis d'admirer, au moins comme le résultat d'une conception vaste et grande, ce long effort du christianisme pour unir entre elles toutes les nations, et pour les garantir également de l'anarchie et du despotisme. Le célèbre historien de la Suisse, Jean de Müller (1), M. Ancillon (2) et M. Sismondi lui

(1) Geschichte Schweizerischer, Eidgenossenschaft; liv. I, c. XIII, tom. I, p. 312 et 313.

(2) L'aveu de cet écrivain célèbre mérite d'être cité : « Dans le » moyen-âge, où il n'y avoit point d'ordre social, elle seule (la » papauté) sauva peut-être l'Europe d'une entière barbarie; elle » créa des rapports entre les nations les plus éloignées, elle fut un » centre commun, un point de ralliement pour les États isolés..... >> Ce fut un tribunal suprême, élevé au milieu de l'anarchie uni» verselle, et dont les arrêts furent quelquefois aussi respectables

même (1) ont rendu sur ce point un hommage non suspect à la conduite des papes. Mais nul, parmi les protestans, n'a mieux senti que Leibnitz les avantages politiques de la suprématie pontificale. A propos du projet de paix perpétuelle de l'abbé de Saint-Pierre, projet fondé sur l'érection d'un tribunal européen: << Pour moi, dit-il, je serois d'avis de l'établir à Rome, » et d'en faire le pape président, comme en effet il >> faisoit autrefois figure de juge entre les princes chré>> tiens. Mais il faudroit en même temps que les ecclé>> siastiques reprissent leur ancienne autorité, et qu'un >> interdit et une excommunication fit trembler des >> rois et des royaumes, comme du temps de Nicolas I >> ou de Grégoire VII. Voilà des projets qui réussi>> ront aussi aisément que celui de M. l'abbé de Saint>> Pierre : mais puisqu'il est permis de faire des ro>> mans, pourquoi trouverions-nous mauvaise la >> fiction qui nous ramèneroit le siècle d'or (2)? »

Si Leibnitz eût écrit de nos jours, il n'échapperoit certainement pas à l'accusation de fanatisme et de jésuitisme; il seroit traduit devant le public comme un

» que respectés : elle prévint et arrêta le despotisme des empe» reurs, remplaça le défaut d'équilibre et diminua les inconvéniens » du régime féodal. » Tableau des révolutions du système politique de l'Europe depuis la fin du XVe siècle, tom. I, p. 135, 157. Il seroit étrange assurément qu'il ne fût pas permis à un catholique de penser et de dire en France, en 1826, ce que pensoit et imprimoit un protestant à Berlin en 1806.

(1) Histoire des révolutions des républiques italiennes, tom. IV, p. 144.

(2) Leibnitii Opera, t. V, p. 65. Voy, aussi sa Lettre à M. Vidou, ibid., p. 476.

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