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politique. Jamais peut-être n'y eut-il plus de guerres, ni des guerres plus sanglantes, ni des usurpations plus iniques et plus audacieuses, que depuis l'invention de ce système destiné à les prévenir; et la loi suprême de l'intérêt, promulguée solennellement par quelques puissances qui veulent voir le fond de cette doctrine, ne semble pas promettre à l'Europe des destinées plus tranquilles à l'avenir.

Du reste, les mêmes causes qui détruisirent la grande société des peuples et arrêtèrent le progrès de la civilisation chrétienne, agissant aussi dans chaque État, y produisirent des effets semblables. Les rapports de justice furent ébranlés et le droit sacrifié souvent à l'avarice et à l'ambition. Il étoit difficile que les maximes par lesquelles les souverains régloient leur conduite au dehors, ne pénétrassent pas plus ou moins dans le gouvernement intérieur ; et cela sous des princes même religieux, parce que, distinguant deux personnes diverses dans le monarque, on se persuadoit que la règle des devoirs étoit autre pour l'homme, autre pour le roi, à raison de la souveraineté qui légitime tout, n'ayant aucun juge, ni aucun supérieur sur la terre. On en a dit autant du peuple, et par la même raison, lorsqu'on l'a déclaré souverain.

L'esprit du christianisme et les mœurs qu'il avoit formées combattoient sans doute et modifioient dans la pratique ces principes funestes; mais on ne laisse pas d'en suivre le développement de siècle en siècle, et personne ne contestera l'influence générale et trop puissante qu'ils ont eue sur les destins de la société.

Ils établirent une guerre réelle entre le pouvoir et les sujets, d'abord entre la noblesse et le trône, puis entre le peuple et le roi. La première, presque terminée par Richelieu, finit sous Louis XIV, dans les plaisirs et les fêtes de la cour la seconde a fini sur la place Louis XV, et l'Europe sait comment.

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Ainsi donc, et ceci mérite qu'on y réfléchisse, en séparant, contre la nature essentielle des choses, l'ordre politique de l'ordre religieux, le monde aussitôt a été menacé d'une anarchie ou d'un despotisme universel; la sécurité des États est demeurée sans garantie ou n'a eu pour garantie qu'une balance illusoire des forces. Chaque État soumis, dans son intérieur, à la même cause de désordre, a marché également vers le despotisme et l'anarchie : et pour échapper à ces deux fléaux des sociétés humaines, qu'a-t-on jusqu'à ce jour imaginé? encore une balance des forces, ou, en d'autres termes, des pouvoirs; voilà tout: on a fait des traités de Westphalie.

Et comme les nations, divisées par leurs intérêts, seule loi qu'elles reconnoissent en tant que nations, n'ont aucun lien commun, et, au lieu de former entre elles une société véritable, vivent à l'égard les unes des autres dans un état d'indépendance sauvage, ainsi là où plusieurs pouvoirs indépendans sont établis il n'existe non plus aucune vraie société ; l'État est perpétuellement en proie à la lutte intestine des intérêts divers qui cherchent à prévaloir. Tous se défendent, tous attaquent; la passion de chacun, son désir étant le seul droit, nul n'est lié envers autrui dans l'ordre

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politique, et les troubles succèdent aux troubles, les révolutions aux révolutions, jusqu'à ce que cette démocratie de sauvages policés enfante avec douleur un despote.

Or que l'on compare un pareil désordre, inouï même dans le monde païen, avec l'institution européenne telle que le christianisme tendoit à la former et l'avoit déjà réalisée en partie; que l'on compare l'action des deux souverainetés contraires, le principe de justice et le droit de la force; que l'on compare, enfin, dans leurs effets, les systèmes dont l'un tira la société du chaos, et dont l'autre l'y a replongée et qu'on juge auquel les peuples doivent le plus de reconnoissance.

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Mais c'est bien, en vérité, des peuples qu'il s'agit pour ceux qui se disent leurs défenseurs! les gouverner à leur profit, avec une verge de fer, en les abusant, en les enveloppant d'un nuage de préjugés et de mensonges: voilà tout le secret de leurs déclamations, de leurs calomnies, de leur haine contre les papes et contre le christianisme, comme aussi de leur fureur quand un rayon de vérité vient à percer les immenses ténèbres qu'ils travaillent sans cesse à épaissir. Ils parlent de la raison, et dès qu'on l'oppose à leurs erreurs, à leurs impostures, ils jettent les hauts cris, ils invoquent contre elle les tribunaux. Il ne s'agit plus alors de la liberté des opinions, il s'agit d'étouffer toute opinion assez malheureuse pour leur déplaire, assez hardie pour mettre en doute leur infaillibilité politique et philosophique. Cependant,

rendons-leur justice, ils n'ont pas encore, au moins clairement, redemandé les échafauds; que les prisons 'ouvrent et qu'elles reçoivent les chrétiens fidèles à tous les principes de leur foi, provisoirement cela suffira. Nous sommes dans le siècle de la tolérance.

On vient de voir comment les pontifes romains, placés, par la nature même des choses, à la tête de la société nouvelle que le christianisme tendoit à former, devinrent, suivant l'expression d'un illustre écrivain (1), le pouvoir constituant de la chrétienté; et comment cette société, dont la justice étoit la base, mais à qui les passions humaines ne laissèrent pas le temps de parvenir à sa perfection, s'est peu à peu dissoute, à mesure qu'on l'a soustraite à l'influence et à l'autorité des papes. Les ennemis de l'ordre sociale, les révolutionnaires de toute nuance, n'ignorent aucune de ces vérités; et voilà pourquoi le seul nom de Rome les épouvante : voilà le motif de la guerre qu'ils lui ont déclarée de nouveau. Mais pour bien comprendre quelles seroient les suites de cette guerre détestable, si Dieu qui se rit de l'impie (2) n'avoit déjà fixé le point où il l'arrêtera, il faut considérer les souverains pontifes sous un autre rapport, et montrer que sans eux point d'Église; sans Église point de christianisme; sans christianisme point de religion pour tout peuple qui fut chrétien, et par conséquent point de société :

(1) M. le comte de Maistre.

(2) Qui habitat in Cœlis irridebit eos, et Dominus subsannabit eos. Ps., II, 4.

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de sorte que la vie des nations européennes a sá source, son unique source, dans le pouvoir pontifical. C'est là, certes, un sujet grave, et d'un intérêt trop pressant, trop général, pour qu'on se refuse à l'examiner quelques instans. Nous conju rons les hommes sincères de nous prêter une attention sérieuse comme les questions que nous allons traiter, et calme comme la vérité que nous espérons rendre évidente.

SI. Point de pape, point d'Église *.

La vraie religion avant Jésus-Christ se conservoit par une tradition domestique. Les Juifs seuls avoient une Église Église publiquement constituée, image et type de celle que le Sauveur du genre humain devoit établir par toute la terre, afin d'y fonder le règne de Dieu, d'unir les nations et de les élever, suivant l'attente universelle, à un état plus parfait, sous l'empire d'une loi divine à jamais immuable (1). Pour réaliser ce grand dessein de miséricorde et

* Les idées dont ce paragraphe ne contient qu'une courte exposition seront développées dans le Ve volume de l'Essai sur l'indifférence.

(1) Nec erit alia lex Romæ, alia Athenis, alia nunc, alia posthac ; sed et omnes gentes, et omni tempore, una lex, et sempiterna, et immutabilis continebit; unusque erit communis quasi magister et imperator omnium Deus ; ille hujus legis inventor, disceptator, lator cui qui non parebit ipse se fugiet; ae naturam hominis aspernatus, hoc ipso luet maximas pœnas, etiam si cætera supplicia, quæ pu tantur, effugerit. Cicer. ap. Lactant. Inst. Divin.', lib.} VI, cap. VIII.

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