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à Rome sous les premiers césars, tous les liens qui unissent les hommes se relâchant à la fois, l'empire tomba en dissolution; et bientôt l'on vit ce grand corps languissant, épuisé, se débattre quelques instans, et succomber enfin sous les coups que lui portèrent des nations envoyées de Dieu pour faire disparoître de la terre le peuple athée.

Exemple à jamais mémorable! les Romains avoient renoncé aux dogmes conservateurs de tout ordre politique et civil leur nom seul demeura pour rendre témoignage de ce qu'ils furent. La religion, bannie par les systèmes philosophiques, sortit de cette société auparavant si vivante; et il ne resta qu'un cadavre. Le monde étonné contemploit cet informe débris, quand tout-à-coup s'éleva une société nouvelle, fondée par le christianisme, et pénétrée de son esprit. Croissant et se développant selon l'invariable loi reconnue des anciens, elle reçut tout de l'Église, et sa forme essentielle, et ses institutions, et son admirable hiérarchie. Gibbon luimême en fait l'aveu. Ce furent les souverains pontifes, ce furent les évêques qui, appelant nos grossiers ancêtres à la vraie civilisation, créèrent, avec la royauté, les monarchies chrétiennes, qu'ils travailloient sans cesse à perfectionner. On chercheroit en vain dans l'antiquité rien de semblable à ce genre, de gouvernement, qui n'y pouvoit avoir de modèle, puisqu'il n'étoit que l'expression publique du christianisme et des nouveaux rapports qu'il avoit établis entre les hommes, la manifestation pour

ainsi dire sociale de ses préceptes et de ses dogmes mêmes.

Indépendamment de ce qui touche la constitution intime de l'État; les règles de discipline établies par l'Église, la forme de ses jugemens et de ses tribunaux eurent une influence aussi heureuse qu'étendue sur la législation civile. Cette influence est surtout remarquable dans les capitulaires de nos premiers rois, monument trop peu admiré de sagesse et de justice. Il est vrai cependant que des erreurs et des passions, diverses selon les époques, mais qui toujours tendoient à rompre l'unité politique en ébranlant l'unité religieuse, altérèrent peu à peu l'esprit

de la société européenne, la détournèrent de sa direction, et en arrêtèrent les progrès avant qu'elle eût atteint son parfait développement. Elle ne laissa pas de subsister avec la plupart des caractères qu'elle tenoit de son origine, tant que le christianisme fondu, pour ainsi parler, dans toutes ses institutions, put exercer sur elle son action puissante; et après les désordres amenés par trois siècles d'hérésie et près d'un siècle d'incrédulité, il fallut, pour achever de la détruire, la séparer violemment de la religion qui la protégeoit encore contre elle-même. Mais cette fatale séparation une fois accomplie, la société changea de nature, et cela nécessairement. Qu'est-elle aujourd'hui en France, quel genre de gouvernement a remplacé la monarchie chrétienne? Grave question, certes, et qui, bien éclaircie, serviroit à en résoudre beaucoup d'autres.

Long-temps avant notre révolution, la prétendue réforme du seizième siècle avoit ébranlé le système politique de l'Europe. Partout où elle s'établit, on vit naître aussitôt ou le despotisme ou l'anarchie. L'histoire n'a conservé le nom d'aucun tyran plus abominable que le fils de Gustave Wasa (1). Nulle part aussi l'ordre de succession n'a été plus souvent troublé qu'en Suède. Après d'assez longues agitations, le Danemarck a cherché le repos à l'abri d'un pouvoir beaucoup moins réglé par les lois que tempéré par les mœurs. Que l'armée de Gustave-Adolphe, fixée au sein de l'Allemagne, eût quitté ses tentes pour des habitations plus stables, ce seroit l'image de la Prusse luthérienne, soumise, depuis son origine, à un despotisme militaire, adouci par l'influence des États voisins et des tribunaux de l'Empire. En embrassant le calvinisme, les Provinces-Unies formèrent une république turbulente, avare, cruelle. Le même peuple qui vendoit au Japon son Dieu, égorgeoit en Europe son chef (2) et dévoroit son cœur palpitant. Qui jamais exerça une autorité plus despotique que Henri VIII? y avoit-il en Angleterre, sous le règne de ce monstre, d'autre loi que son caprice? Il meurt, et bientôt l'anarchie la plus profonde dévaste cette terre d'où le christianisme antique, le vrai christianisme étoit banni. Le monde eut le spectacle d'une nation qui, ayant renoncé à la foi dont

(1) Éric XIV.

(2) Le grand pensionnaire de Witt.

elle avoit vécu jusqu'alors, cherche dans les ténèbres et dans le sang une religion nouvelle et une nouvelle civilisation. De l'anarchie elle passe de rechef sous le despotisme. Un fourbe ambitieux, qui savoit vouloir et agir, chasse vers l'échafaud un prince foible, cite la Bible à des fanatiques, puis courbe tout sous son épée. Cette épée, il l'emporta dans la tombe; il ne la légua pas à son fils, et ce fils fut renversé. L'ancienne dynastie se remontre un moment, et disparoît ensuite pour toujours.

Il falloit que l'Angleterre pérît, ou qu'elle se reconstituât sous des institutions plus stables. Ce que le temps avoit conservé des anciennes lois et des anciennes mœurs se combinant avec ce qui restoit de christianisme chez ce peuple, il en résulta une forme de société analogue à ces divers élémens, mais entièrement différente, au fond, de celle qui existoit avant la réforme et c'est ce que ne voient pas assez ceux qui, frappés des noms plus que des choses, croient que l'Angleterre est une monarchie, parce qu'il y a, dans cette terre natale des fictions politiques et de toutes les déceptions modernes, un homme qu'on appelle roi.

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La monarchie angloise expira sous le glaive des bourreaux avec Charles Ier. Son fils n'en reproduisit qu'une vague et triste image. Jacques II, doué d'un sens droit, mais dénué du génie nécessaire à l'exécution des desseins qu'il avoit conçus, voulut la rétablir; il succomba. L'esprit du protestantisme, incompatible avec l'existence de la véritable royauté, triompha de

tous ses efforts. En cessant de reconnoître l'autorité suprême, et même toute autorité réelle dans l'ordre religieux, le peuple avoit perdu la notion de la souveraineté dans l'ordre temporel. Il ne pouvoit plus comprendre ce que c'est qu'un monarque; il ne pouvoit surtout plus souffrir un pouvoir au-dessus du sien. Le trône, pour lui, ce fut un fauteuil, comme l'autel n'étoit plus qu'une table. Par la force même des choses on vit recommencer en Europe le gouvernement républicain. Il ne resta de la monarchie et de la religion chrétienne que des mots vides de sens. L'Angleterre devint en effet une véritable république, selon l'acception rigoureuse du mot; mais la souveraineté, qui, suivant les principes introduits par la réforme, appartient de droit à la nation entière, se concentra de fait entre les mains d'un petit nombre de familles propriétaires du sol, et qui seules possèdent les emplois et forment les deux chambres : c'est en elles que le pouvoir réside essentiellement. Le parlement est le vrai souverain, puisqu'il peut tout, selon Blackstone, tout sans exception, même changer la dynastie, même changer la religion; et ces deux choses, il les a faites: la loi, c'est sa volonté. Il gouverne par des ministres responsables envers lui, et non envers le roi, qui ne peut jamais en choisir d'autres que ceux désignés par la majorité des chambres, ou que cette majorité consent à soutenir. De royauté, à peine en existe-t-il une vaine apparence; elle est nulle en réalité. Les affaires sont discutées, décidées, dans le parlement; celles que la constitution paroît aban

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