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de Lui de la communiquer également à tous. Il l'a fait en ajoutant aux moyens de connaissance déjà exposés une sorte d'instinct, qualifié de sens commun, qui nous incline vers les vérités nécessaires à la vie matérielle ou morale.

Le sens commun accepte spontanément, joyeusement la direction de la Providence. C'est là, pour le dire en passant, l'explication d'un mot de Pascal, qui n'était d'ailleurs qu'une note de rappel, dont on a voulu abuser. Si ce génie d'une grande rectitude eût donné à l'expression abêtir le sens grossier qu'elle présente au premier aspect, il eût manqué son but; son argument eût perdu toute valeur, car l'abrutissement, loin de disposer à adopter la solution la plus sûre, ne permettrait pas même de la distinguer. La pensée du Philosophe chrétien était évidemment qu'il faut arriver à la confiante docilité de l'animal, conduit par l'instinct vers ce qui est le plus convenable à sa conservation et à son bien-être. Dans l'autre sens, il ne dépendrait pas de nous de croire.

Nous avons un tel besoin de la vérité que Dieu en a dérobé à notre capricieux contrôle les fondements, et nous l'impose, dans la plupart des cas, au moyen du sens commun. La certitude s'empare de nous à mesure que nous faisons un pas dans la vie. Le petit enfant saisit instinctivement et sans la moindre hésitation ce qui lui est nécessaire; son intelligence s'ouvre en pleine sécurité à une foule d'idées; tous ses mouvements prouvent qu'il a conscience de lui-même et du monde extérieur, sans que le plus léger doute obscurcisse à ses yeux ces notions; bientôt il raisonne, ce qui implique des principes généraux, universels, auxquels il adhère avec une conviction qui les suppose chez les autres, et l'expérience prouve qu'ils y sont; lorsque, plus tard, il aborde l'étude d'une science quelconque, il trouve au point de départ un axiome qu'il

faut accepter et qu'il accepte sans démonstration, comme première et indispensable condition de cette science; il n'a point à se faire violence pour cela, point de répugnance à vaincre.

On est émerveillé quand on songe à la confiance, à la facilité, à la spontanéité qui président à la conduite de l'homme dans la plupart des circonstances de la vie. Presque tous ses actes, même les plus importants, sont déterminés par de simples analogies, des inductions, des témoignages. S'il fallait toujours être en garde contre l'adhésion, les relations sociales ne seraient pas possibles; mais le sentiment implicite de nos nécessités nous entraîne, et la société marche.

Descartes n'a-t-il pas méconnu ces besoins et ces tendances de l'humanité en fermant, autant que possible, l'àme, en s'efforçant d'y faire le vide et de la tranformer en une table rase, destinée à ne recevoir que ce qui porterait le cachet de l'évidence? Fénelon, doué d'un esprit très-fin, se laissa entraîner, par cette excessive circonspection, à exagérer encore un système si favorable au scepticisme, en multipliant les subtilités les plus raffinées pour légitimer le doute, jusqu'à le supposer là où il ne saurait être, comme s'il y avait un extrême danger à admettre des vérités non entièrement lucides, quelque bienfaisantes qu'en fussent les conséquences, et s'il n'y avait pas, au contraire, les plus graves inconvénients à repousser des notions salutaires sur lesquelles il aurait plu à l'Être de qui vient toute vérité de laisser, dans notre condition présente, un voile plus ou moins transparent, dont on va bientôt reconnaître l'utilité.

Au lieu de s'engager dans la voie étroite de l'Ecole Cartésienne, voie justement suspecte comme opposée à nos instincts naturels, l'homme, sincèrement ami de la vérité, se gardera de lui fermer l'accès de son âme ; il

l'accueillera avec empressement; il ira, pour ainsi dire, au-devant d'elle; guidé par le sens commun, il recherchera les points lumineux qui l'attireraient; dès qu'il aura rencontré une démonstration sûre, il ne se mettra plus en peine des nuages qu'il apercevrait sur d'autres points, suivant cette sage maxime du comte de Maistre, que, « toutes les fois qu'une proposition sera prouvée par le genre de preuve qui lui appartient, l'objection, même insoluble, ne doit plus être écoutée (1). » M. Ozanam écrivait à un ami : « Les difficultés de la religion sont comme celles de la science; il y en aura toujours. Que faire donc ? Faire en matière de religion ce qu'on fait en matière de science, s'assurer d'un certain nombre de vérités prouvées, et ensuite abandonner les objections à l'étude des savants (2). » M. l'abbé Bautain, racontant sa conversion, à laquelle avait efficacement contribué une dame pieuse et éclairée, dit : « Je me mis à lire l'Evangile, non plus, comme auparavant, par curiosité ou pour le trouver en défaut, mais sérieusement, avec le désir sincère de le comprendre, autant qu'il serait en moi, et de l'appliquer à la direction de ma vie. J'en fus ravi et profondément touché en tout ce qui se rapportait à la morale...; mais il y avait une multitude de choses qui me paraissaient obscures, inutiles, ou même absurdes.... Je confiai à Mme Louise mes doutes, mes embarras, mes objections, et elle m'indiqua, pour rendre ma lecture plus profitable, une méthode que j'ai toujours suivie depuis avec succès: c'est de ne point s'appliquer à la lecture du texte sacré avec tension et contention d'esprit, mais avec la simplicité du cœur; de lire la parole sacrée comme si l'on prenait une nourriture, comme si on la

(1) Soir. de Saint-Pétersb., IVe Entret.

(2) OEuv. d'Ozanam.

buvait, goûtant tout de suite ce qu'on comprend et laissant ce qu'on ne comprend pas, tout en le notant pour y revenir un autre jour, où la lumière pourra se faire, sans s'acharner sur les passages obscurs, qui résistent ordinairement aux efforts de la raison propre et s'expliquent comme d'eux-mêmes par l'Esprit qui les a dictés, quand il lui plaît de nous éclairer (1). »

Telle est la marche du sens commun. Il portera aussi à user de tous les moyens dont on dispose pour atteindre la vérité. Outre la faculté appelée entendement, raison, nous en possédons deux autres qui ne nous sont ni moins intimes, ni moins utiles, la sensibilité et la volonté. En général, les affections physiques ou morales sont étrangères à l'entendement. Sans parler des premières, trèsimportantes néanmoins, puisque, dans certains cas, elles intéressent notre conservation, ce n'est pas l'entendement qui goûte le charme des arts ou de la vertu; c'est la sensibilité qui, par les formes, les sons, les couleurs, reçoit une sorte d'excitation à la faveur de laquelle naît le sentiment du beau; c'est la volonté qui, à l'occasion des actes moraux, éprouve un épanouissement sympathique causé par la manifestation du bien. L'entendement procède avec une circonspection qui, s'il était seul chargé de nous guider, serait un obstacle à la rapidité souvent nécessaire de nos déterminations; il calcule, réfléchit, médite, quand il faudrait agir; il comprime les élans de l'âme et la retient dans un cercle rigoureux, où quelquefois il lui présente, à la place de la vérité qu'elle cherchait, des subtilités, des objections, des doutes; dans de graves circonstances, où il nous importe, au plus haut degré, d'avoir immédiatement une solution trèsexplicite, il hésite, tandis que la sensibilité et la volonté

(1) La Chrét. de nos jours, t. II, ch. 15.

nous conduisent, par des voies qui leur sont propres, à la pleine conviction. Ne négligeons aucune de nos facultés; toutes nous ont été données pour concourir à notre éducation et à notre gouvernement moral. On ne doit pas moins se tenir en garde contre les sophismes de l'entendement que contre les illusions de la sensibilité ou les mouvements passionnés de la volonté.

Il résulte de tout ce paragraphe que nous avons des moyens naturels pour arriver à certaines vérités.

III. Réfutation du scepticisme. -Contrairement à cette doctrine, il s'est trouvé, à toutes les époques, des philosophes qui ont contesté la possibilité de parvenir jamais à la vérité. Dans l'antiquité, les Pyrrhoniens soutinrent qu'on peut toujours combattre une proposition par la proposition contradictoire, ayant la même valeur. Leur chef s'appuyait sur des différences qui, sainement appréciées, n'ébranlent nullement la certitude, mais prouvent seulement l'influence des circonstances sur l'aspect des objets, et montrent la nécessité de prendre des précautions pour bien observer d'abord, ensuite pour prononcer avec un esprit libre.

Dans les temps modernes, Montaigne employa ses Essais prouver tour-à-tour le pour et le contre. N'affichant aucun système et écrivant avec une apparence de franchise et de naïveté qui séduit, il travailla à amener le trop confiant lecteur à sa propre situation, exprimée par l'emblème d'une balance dont les plateaux sont en équilibre, avec cette devise: Que sais-je? Bayle composa son fameux Dictionnaire historique et critique dans le but évident d'anéantir le dogmatisme, en consacrant les subtilités de sa dialectique à étayer les opinions les plus paradoxales, non pour les faire adopter, mais pour insinuer qu'elles valent autant que les autres. Berkeley soutint qu'il n'y a point de matière dans l'univers; que le soleil, la lune, la

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