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retirer par des chemins de traverse, pour se soustraire à un nombreux rassemblement de paysans qui s'étaient soulevés ce jour-là pour ne pas payer certains droits à madame d'Elbeuf. Ces paysans, ayant cru que les hussards étaient venus pour agir contre eux, sonnèrent le tocsin; et les cavaliers partirent, afin de ne pas créer eux-mêmes des dangers au roi, et de faire cesser la fermentation populaire que leur présence avait causée.

Depuis ce moment, ce ne fut plus qu'une suite de malentendus et de désappointements pour la famille royale. Toutefois elle arriva le soir à Sainte-Menehould, où elle ne trouva aucun détachement prêt. Les chevaux avaient été dessellés, parce qu'on n'attendait plus le roi. Le commandant, M. Dandoine, avait eu beaucoup de peine, dans le courant de la journée, pour imposer aux habitants inquiets de la présence mystérieuse de ses dragons.

Le roi, alarmé du dérangement survenu dans les dispositions qui lui avaient été annoncées, et incertain de la route qu'il devait suivre, se montra à la portière et interrogea le maître de poste sur le point où il fallait prendre le chemin de traverse pour Varennes; il éveilla ainsi l'attention, et fit connaitre sa marche.

Laissons un moment la famille royale achever, non sans inquiétude, le chemin qui lui restait à faire pour arriver à Varennes, où elle comptait trouver enfin quelques détachements protecteurs, et reportons-nous à Paris, dans cette ville immense, où une violente explosion paraissait inévitable. Les étrangers ne doutaient pas que la France ne dût être livrée à toutes les horreurs de l'anarchie et de la guerre civile.

Ce ne fut que vers les six heures du matin que La Fayette apprit le départ du roi et de sa famille. Il en informa aussitôt l'assemblée, le maire et toutes les autorités constituées; en même temps, il expédia sur plusieurs routes des officiers chargés d'annoncer partout que les ennemis de la patrie avaient enlevé le roi, et d'ordonner son arrestation. M. de Romeuf, aide-de-camp de La Fayette, fut dirigé sur la route de Sainte-Menehould.

Vers les huit heures, l'évasion du roi fut con nue dans toute la ville. Le premier mouvement fut celui de la surprise et de la crainte ; le peuple se crut trahi; ses soupçons se dirigèrent sur les nobles, sur les prêtres, sur les ministres, et même sur Bailly et La Fayette. Une sombre inquiétude se peignit sur tous les visages. Mais un instant après, le caractère national prévalut, et, au lieu de s'affliger, tous les citoyens parurent soulagés d'un pesant fardeau. Ils se groupèrent autour de l'assemblée nationale, et attendirent paisiblement la décision qu'elle prendrait.

La confiance des citoyens ne pouvait être mieux placée. Cette assemblée déploya dans cette circonstance le caractère le plus majestueux, et montra autant de sagesse que de fermeté.

Ce maître de poste, nommé Drouet, qui fut depuis député à la convention nationale, crut reconnaître la reine, qu'il avait déjà vue. En même temps, il fut frappé de la ressemblance qu'il y avait entre l'homme un peu gros, placé dans la voiture, et l'effigie du roi, empreinte sur un assignat de 50 livres. Le passage successif de deux détachements de cavalerie, qui avait eu lieu dans la journée, le confirma dans ses soupçons que cette voiture contenait la famille royale. Des imprudences, des indiscrétions commises entre les officiers de ces détachements et le prétendu cour-tèrent la contenance des députés. On commença, rier garde-du-corps, achevèrent de le convaincre. Neanmoins, la voiture du roi partit de SainteMenehould vers les huit heurs du soir, et se dirigea sur Clermont en Argonne, distance de trois lieues.

A peine était-elle sortie de la ville, que le bruit du passage du roi s'y répandit rapidement. Le tocsin sonna, les habitants s'armèrent et s'opposèrent au départ des dragons qui avaient ordre de suivre la voiture du roi. Au même instant Drouet monte à cheval pour aller communiquer aux magistrats de Clermont la découverte qu'il a faite, et il fait partir son fils, accompagné d'un de leurs amis, pour se rendre à Varennes par des chemins de traverse, afin d'y précéder la voiture. Ainsi, le roi ne pouvait manquer d'être arrêté ou à Clermont, ou à Varennes à moins que des forces suffisantes ne fussent prêtes à le protéger.

La séance s'ouvrit à neuf heures; le plus grand calme régnait dans la salle, et les tribunes imi

comme à l'ordinaire, par la lecture du procèsverbal; mais elle fut interrompue par l'arrivée du président, Alexandre de Beauharnais, qui annonça que le maire de Paris venait de l'instruire du départ du roi. L'assemblée ne montra ni surprise, ni terreur; animée d'un même esprit, elle se plaça à la hauteur des événements, et ne songea qu'aux grands intérêts qui lui étaient

confiés.

Les ministres furent mandés à la barre, ainsi que La Fayette, Bailly, Gouvion, et d'autres fonctionnaires que le peuple retenait prisonniers au milieu des groupes. L'assemblée leur envoya des commissaires pour les protéger dans ce premier moment d'effervescence. Au même instant, des courriers partirent pour les départements des frontières, avec ordre aux fonctionnaires publics, aux gardes nationales et aux troupes de ligne.

d'arrêter toute personne sortant du royaume. Une première proclamation, adressée aux Parisiens, fut rédigée et adoptée sans formes oratoires, sans animosité. L'assemblée y déclarait aux citoyens qu'elle venait de prendre les mesures les plus actives pour suivre la trace des hommes perlides qui s'étaient rendus coupables de l'évasion du roi; que tous les citoyens devaient se reposer uniquement sur elle des soins qu'exigeaient le salut public et l'état des choses; que tout mouvement tendant à exciter des troubles, toute menace contre les personnes, toute entreprise contre les propriétés, seraient d'autant plus coupables, qu'ils compromettraient la liberté et la constitution.

Cette proclamation produisit le meilleur effet; les comissaires envoyés dans les divers quartiers de Paris ne tardèrent pas à rendre compte de leur mission : « Nous avons trouvé, dit Adrien Duport, une grande quantité de peuple assemblé sur la place de Grève et dans les rues, mais » sans aucun désordre; nous avons remarqué » sur tous les visages les dispositions à la paix, >> à l'union, et une entière et pleine confiance » dans l'assemblée nationale. La tranquillité pu»blique n'était troublée par aucun cri, par >> aucune division; nous avons même recueilli » sur notre route des témoignages d'amour et » de respect. Ne craignez point, messieurs, de ▸ prendre les mesures que vous suggérera votre >> patriotisme; vous serez secondés par le zèle » des citoyens. >>

Cette assurance redoubla le courage de l'assemblée, et lui donna cette confiante sécurité si nécessaire dans les circonstances difficiles. Atin de mettre de l'unité et de l'activité dans le gouvernement, elle décida que les ministres seraient admis aux séances, toujours prêts à recevoir les ordres de l'assemblée, et à donner les renseignements dont elle pourrait avoir besoin; que les décrets non encore sanctionnés, ainsi que ceux que rendrait l'assemblée en l'absence du roi, auraient force de loi dans tout le royaume; que la formule ordinaire continuerait d'y être employée, et que le ministre de la justice y apposerait le sceau de l'état.

Le comité militaire fut chargé de veiller à la sûreté intérieure. On manda M. d'Affry, commandant du département de Paris et des départements voisins, et l'on prit des mesures propres à maintenir l'ordre public et à s'assurer des dispositions des régiments suisses au service de la nation. Le général Rochambeau eut ordre de partir sur l'heure pour aller mettre en état de défense la partie des frontières dont le commandement lui était confié.

La Fayette, Bailly et Gouvion ne tardèrent pas à entrer dans la salle. Le général fit connaitre à l'assemblée les mesures qu'il avait prises dès le matin. Bailly et Gouvion parlèrent des avis qu'ils avaient reçus de la prochaine fuite du roi et des dispositions prudentes, mais devenues inutiles, qui avaient été faites pour empêcher cette fuite.

Les ministres vinrent offrir un autre aliment à la curiosité naturelle des députés et des citoyens; celui de la justice annonça à l'assemblée que l'intendant de la liste civile, Laporte, lui avait communiqué une déclaration signée de la main du roi, au bas de laquelle était une note qui lui enjoignait de ne rien approuver comme ministre, et de renvoyer le sceau de l'état quand il en serait requis,

L'intendant Laporte fut aussitôt mandé à la barre, et il remit au président un manuscrit intitulé Déclaration du roi, adressée à tous les Français. Ce long mémoire, dans lequel l'auteur passait plusieurs fois en revue les événements de la révolution qui avaient affecté le roi, et énumérait toutes les atteintes portées à l'autorité royale, était entremêlé de plaintes sur l'exiguité de la somme allouée pour la liste civile, sur les charges dont on avait grevé cette liste civile, et sur le logement du palais des Tuileries, dont les appartements étaient loin de procurer les commodités auxquelles S. M. était accoutumée dans ses autres maisons royales. On s'y plaignait aussi de la gêne que le roi éprouvait pour nommer aux places de terre et de mer, et de l'autorité sans bornes que l'assemblée et ses comités exerçaient. « D'après toutes ces considérations, le roi, était-il dit dans ce mémoire, ne pense pas qu'il soit possible de gouverner la France par les moyens qu'a établis l'assemblée nationale; et s'il a accordé sa sanction à tous les décrets, c'est qu'il ne pouvait la refuser, c'est qu'il désirait éviter des discussions au moins inutiles, et craignait de plus qu'on pensât qu'il voulût retarder les travaux de l'assemblée à la réussite desquels la nation prenait un si grand intérêt. »

Ce sujet amenait de nouvelles plaintes contre les clubs, et une sortie contre les journaux et les pamphlets.

« D'après tous ces motifs, portait la déclaration du roi, et l'impossibilité où le roi se trouve d'opérer le bien, et d'empêcher le mal qui se commet, est-il étonnant que le roi ait cherché à recouvrer sa liberté et à se mettre en sûreté avec sa famille? etc. »

La lecture de cette déclaration fut entendue avec le plus grand calme; mais tous les partis de l'assemblée en parurent également mécontents et se réunirent pour en improuver la forme et le fond.

un écrivain royaliste, le marquis de Ferrières,
la nature des plaintes, rien ne portait ce caractere |
d'élévation que l'infortune ne doit jamais ôter
à la grandeur... A côté de réclamations graves
sur la nouvelle forme du gouvernement, on y lit
de petites plaintes sur l'insuffisance de son loge-
ment, sur le traitement pécuniaire des officiers
de sa maison, sur la modicité d'une somme de
vingt-quatre à trente millions affectés à la liste
civile. » Ce mémoire sembla rédigé par des com-
mensaux mécontents, qui se servent du nom de
leur maître. Telle fut la sensation qu'il fit dans
l'assemblée.

Le style, les expressions, dit à cette occasion toire qui ne sera pas longue : Un Napolitain, fort bon homme, apprit un jour, en sortant de chez lui, que le pape était mort. Sa consternation fut profonde. Un pape mortel! Un pape mort! Jamais ces idées n'étaient entrées dans sa tête. En continuant son chemin, il entendit dire que le roi de Naples n'était plus : nouveau trouble qui renversa son esprit. Il entrait chez lui pour s'abîmer dans sa tristesse, quand on s'écrie que l'archevêque de Palerme vient d'expirer. Ce dernier événement l'anéantit; il passe la nuit à chercher sa raison égarée. Le matin, il ouït un bruit sourd qui l'étonne; il demande ce que c'est, et son domestique lui répond que c'est le pâtissier voisin qui fait des macaronis. Autre surprise.Comment! s'écrie le Napolitain, le pape est mort, le roi de Naples est mort, l'archevêque de Palerme est mort, et l'on fait des macaronis! Ces trois têtes n'étaient donc pas absolument nécessaires à la marche des choses? Il prit son parti, mais il ne fut jamais grand philosophe... A l'application, chers citoyens...! » L'homme à la vieille redingote se confond aussitôt dans la foule, et laisse ses auditeurs silencieux.. << Parbleu! s'écrie à la fin une femme, il avait raison de nous dire que c'était un conte, car il commence comme tous les contes: Il y avait une fois un roi et une reine, »

«La plupart des reproches que Louis XVI faisait à l'assemblée étaient fondés, dit encore ce même royaliste; mais l'assentiment volontaire donné tant de fois à cette même constitution, contre laquelle il protestait maintenant, jetait sur son caractère une teinte de fausseté et de faiblesse, bien capable d'aliéner le peuple, qui veut de grands vices ou de grandes vertus. »

Effectivement, dès que le contenu de la déclaration du roi fut connu dans Paris, le peuple laissa éclater les marques de son mécontentement en se portant, sans tumulte, dans les lieux où étaient placés les armes du roi ainsi que son nom et celui de la reine, son effigie et ses bustes, et dans la seule journée du 21 juin tout disparut. Cette multitude d'enseignes, décorées du titre, des armoiries, ou de la couronne du roi, furent enlevées comme par enchantement; le soir, il n'en restait pas une trace. Il en fut de même des titres écrits sur la façade des théâtres et des édifices publics. Cette opération se fit avec une promptitude telle, qu'on ne pouvait plus douter des progrès des idées républicaines.

Pendant qu'une foule immense s'amusait à voir disparaître toutes ces fastueuses enseignes, et que les rues, les places et les quais étaient couverts d'hommes et de femmes qu'un seul et même esprit animait, le Palais-Royal, centre de toutes les motions, de tous les mouvements populaires, offrait des scènes curieuses. Des orateurs y exerçaient leur talent satirique. Les uns, montrant la plus grande joie du départ du roi, ne cessaient de répéter que la nation avait gagné trente millions dans une partie de nuit, où l'un de joueurs avait fait son va tout, avec un brelan de valets contre un brelan carré.

Pendant que les républicains et les jacobins se servaient de l'apologue pour démontrer au peuple qu'on pouvait se passer d'un roi, et que la nation y gagnerait même trente millions, la population de Paris accourait prêter serment de fidélité à l'assemblée nationale. Les gardes nationales, réunies sous leurs drapeaux, donnèrent ce grand exemple en se rendant à l'assemblée avec leurs musiques en tête. Les citoyens de Paris les imitèrent aussitôt, et pendant trois heures entières, ils défilèrent dans la salle, levant la main et prêtant le serment. L'assemblée se montra digne de cette haute confiance: « Elle se mit, dit Ferrières, en possession du pouvoir exécutif, et montra par cette démarche hardie, aux rois tentés de se liguer contre elle, que tout gouvernement peut marcher sans roi; que si l'assemblée persistait à en vouloir un, c'était moins le besoin qu'en avait la France, qu'une grâce accordée à une famille établie sur le trône depuis plus de huit cents ans. »>

Il est remarquable que, dès le second jour, Plus loin, dans un autre groupe, quelques et aussitôt qu'elle eut pris toutes les précautions hommes timides, effrayés du départ du roi, pa- qu'exigeait la sûreté de l'empire, l'assemblée raissaient craindre la dissolution de l'empire. Un continua tranquillement l'ordre de son travail homme couvert d'une mauvaise redingote, mais interrompu, et discuta le Code pénal. La France parlant avec facilité, se place au milieu d'eux : était unie, forte, calme; les deux partis s'étaient « Messieurs, leur dit-il, écoutez une petite his-même rapprochés dans tout le royaume, et,

partout, les forces nationales s'étaient mises dans un état imposant.

Pendant la nuit du 24 au 22, l'assemblée adressa une proclamation aux Français, pour les rassurer sur la situation intérieure et extérieure de la France.

Cependant, on se figurait le roi rentrant dans le royaume à la tête d'une armée étrangère, suivi de cette foule de nobles et de seigneurs impatients de s'abreuver du sang du peuple. On voyait Mayence, Coblentz, Bruxelles, Londres, Turin, proscrire tous ceux qui avaient coopéré à la révolution, et alors on éclatait en reproches contre le roi qui avait manqué à sa parole solennelle, et en menaces contre l'émigration.

Heureusement deux hommes, deux chauds patriotes, préservèrent la France des calamités dont elle était menacée. Ces deux hommes furent le maître de poste Drouet, et le procureur de la commune de Varennes, Sausse.

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Déjà les cent quarante dragons commandés par M. de Damas, qui se trouvaient à Clermont depuis cinq heures du matin, avaient fait naitre une sorte de fermentation dans cette ville, et M. de Damas n'était parvenu à dissiper les craintes et les soupçons des habitants, qu'en faisant rentrer sa troupe dans les logements. Ainsi ce détachement, comme tous les autres, devint inutile et même nuisible à la fuite du roi; car, ayant voulu faire des dispositions de départ pour suivre la voiture, heureusement sortie de Clermont, M. de Damas éprouva la plus vive résistance de la part de la municipalité, qui lui in'tima l'ordre de rester dans la ville jusqu'au lendemain. Ce fut en vain qu'il harangua sa troupe; ses soldats, gagnés par la garde nationale, lui désobéirent, et il n'eut lui-même que le temps de fuir avec quelques officiers.

La famille royale étant arrivée à Varennes, y perdait un temps précieux pour s'informer dans quel lieu se trouvaient les relais préparés d'avance ce ne fut qu'après trente-cinq minutes d'une attente cruelle, au milieu de la nuit, que le garde-du-corps faisant fonctions de courrier apprit que les chevaux se trouvaient dans la basse ville, à l'auberge du Grand Monarque. Mais il était trop tard.

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Drouet venait d'arriver a l'auberge du Brasd'Or, dont le maître, Leblanc, était encore levé, quoiqu'il fût minuit. Drouet tire Leblanc à l'écart « Camarade, lui dit-il, es-tu bon patriote? - Oui, répond Leblanc, n'en doute pas. - Eh >> bien! mon ami, cours avertir tout ce que tu » connais d'honnêtes gens, dis-leur que le roi est » en haut de Varennes, qu'il va descendre, qu'il >> faut l'arrêter. » Leblanc court chez le procureur de la commune; ce procureur envoie quérir l'officier municipal faisant fonctions de maire, il ordonne à ses enfants, à ses domestiques, de parcourir la ville, d'y semer l'alarme, d'éveiller tous les citoyens. Leblanc retourne aussitôt chez lui, s'arme, et se porte, avec son frère, dans une rue par laquelle les voitures devaient nécessairement passer. En même temps Drouet et Guillaume vont se saisir du pont de Varennes, y trainent une charrette chargée de meubles qui se trouve sous leur main, la renversent sur le pont, et à l'aide de quelques morceaux de bois ils en barricadent l'entrée.

Les voitures arrivent alors; mais les deux frères Leblanc arrêtent la première, et le procureur de la commune, Sausse, demande à voir les passeports; on lui répond que ce sont les personnes de la seconde voiture qui les ont; Sausse s'avance vers cette voiture, attelée de six chevaux, suivie de trois courriers, et ayant sur le siége trois hommes habillés de jaune; il se fait connaître, et interroge les voyageurs : la reine répond qu'elle va à Francfort; elle présente le passe-port délivré à madame de Korff. Le procureur de la commune observe qu'il est trop tard pour viser le passeport; que la difficulté des chemins et la rumeur qui existe dans la ville doivent engager madame la baronne, ainsi que sa famille, à s'arrêter pour quelques heures il leur offre sa maison. La reine répond qu'elle est étrangère et très-pressée. « Si vous êtes étrangère, lui dit alors Drouet, comment avez-vous eu assez d'influence pour faire partir incontinent après vous le détachement de dragons qui était à Sainte-Menehould? Comment, lorsque vous êtes passée à Clermont, avezvous eu le pouvoir de vous faire suivre par le détachement qui se trouvait dans cette ville? Et comment, à l'instant même, êtes-vous accompagnée d'un détachement de hussards? »

La famille royale se trouvait dans la plus cruelle anxiété. Sausse insistait pour qu'elle s'arrêtat, et offrait toujours sa maison. Mais les courriers ordonnent aux postillons de marcher et fouettent les chevaux pour les faire partir. Alors les frères Leblanc déclarent que si l'on tente de forcer le passage ils tireront sur la voiture. A cette menace, le roi ordonne d'arrêter, et des

cend le premier; la reine et madame Élisabeth | bandon dans lequel elle se trouvait. Le roi faisait acceptent le bras de Sausse; le roi prend ses en- néanmoins bonne contenance, et ne cessait d'afants par la main : ils s'acheminent vers la maison dresser des questions au procureur de la comdu procureur de la commune, marchand épicier, mune. « Ah çà! vous avez un pont, ici? - Oui, traversent la boutique et montent, par un petit » monsieur; mais il est embarrassé de charrettes escalier, dans deux pièces du premier étage. » de meubles. Eh bien! je passerai le gué. » Ah! le gué, c'est bien pire; nous craignons les » Autrichiens; je me suis avisé d'y faire mettre >> des gripe-loups, des piquets; il n'est pas possi» ble de le traverser. Faites donc débarrasser » le pont! Impossible. »

Le roi, affectant une tranquillité qu'il était loin d'avoir, demande à prendre quelque chose. Sausse apporte une bouteille de vin de Bourgogne et un morceau de fromage. Le roi vide gaîment un verre de vin, assure qu'il n'en a jamais bu de meilleur, et engage Sausse à lui faire raison. Il j'interroge sur son état, sur ses fonctions, sur les prêtres; s'informe où est le maire de la ville. Sausse répond à toutes ces questions en homme de bon sens et en chaud patriote; il dit que le maire est à l'assemblée nationale. A ce nom, le roi laisse apercevoir un mouvement d'embarras; mais se remettant aussitôt, il continue ses questions. « Avez-vous un club? - Non, monsieur. )) - Tant mieux, les malheureux ont perdu la » France! »

Pendant cette conversation, le roi semblait prêter beaucoup d'attention au bruit qu'il entendait dans la rue. La reine, assise au fond de la chambre, ayant sur le visage une coiffe, qui empêchait de voir ses traits, ne prononçait que quelques mots insignifiants. Sausse allait et venait pour apaiser le tumulte, et annoncer, à la prière du roi, que ce n'était qu'un voyageur ordinaire. Chaque fois que Sausse sortait, le roi lui disait de ne pas tarder à venir, parce qu'il avait besoin de lui, que sa conversation lui plaisait. Sausse avait profité d'une de ses absences pour écrire à la municipalité de Clermont le billet suivant : « Vite, partez avec des canons; envoyez la garde » nationale: vite, le roi est ici avec la famille > royale: vite, vite. »

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Le roi gardait encore l'incognito; mais tout le monde voyait bien que c'était lui: chacun cherchait à s'en assurer par des questions captieuses. Un garde national, plus pressant que les autres, lui dit qu'il était inutile de se cacher, qu'il le reconnaissait bien, lui. « Allons, convenez-en de >> bonne foi, vous êtes le roi. » A ce ton familier, la reine piquée oublie qu'elle joue le rôle d'une dame étrangère : « Si vous le connaissez, répond» elle d'un ton de voix courroucé et en relevant » la gaze qui lui cachait le visage, traitez-le donc » avec plus de respect. » Cette sortie fit cesser toute dissimulation. Le roi se jeta dans les bras de Sausse, en s'écriant : « Oui, mon ami, je suis ton roi placé, à Paris, au milieu des poignards et des baïonnettes, je viens chercher en province, parmi mes fidèles sujets, la liberté et la paix dont vous jouissez; je ne puis plus rester à Paris sans y mourir, ma famille et moi... C'est ton roi qui est en ton pouvoir et qui t'implore veux-tu le trahir, le livrer à ses plus cruels ennemis? Sauve ma femme, sauve mes enfants; accompagne-moi, je te promets une fortune immense, à toi et aux |tiens; j'élèverai ta ville au-dessus de toutes les villes du royaume. Sire, répond Sausse, ce que vous me demandez est impossible : j'ai deux choses à conserver, ma vie et mon honneur; disposez de ma vie, elle est à vous; mais j'ai juré d'être fidèle à la nation, à la loi et à vous; en cédant à vos demandes, je vous trahirais tous les trois, et je me déshonorerais. »>

Le bruit de l'arrivée du roi avait en peu d'instants réuni une foule considérable de citoyens. L'alarme était générale; le commandant de la garde nationale et Drouet, assistés des principaux datriotes, s'occupaient à placer des postes, à fortifier les entrées, à barricader les issues. Des canons furent trainés sur la route de Clermont. Le leune officier qui commandait le détachement de Varennes, n'ayant pas été mis dans le secret du voyage du roi, crut qu'il était de son devoir de monter cheval et de courir du côté de Montmédy avertir le général Bouillé de ce qui se passait à Varennes; il laissa donc ses cavaliers dispersés dans leurs logements ou dans les cabarets, et partit en toute hâte. Ainsi le roi fut encore privé du secours que pouvait lui donner ce petit détachement.

La famille royale ne savait que penser de l'a

La reine, de son côté, cherchait à faire entendre à l'épouse de Sausse que, si elle pouvait déterminer son mari à faciliter la sortie du roi et de sa famille, elle aurait la gloire d'avoir contribué à ramener la paix en France. Cette femme, touchée des supplications de la reine, versait des larmes; mais elle revenait toujours à ces mots : » Mon Dieu, madame. Dam! j'aime bien mon >> roi ; mais mon mari, il est responsable, voyez» vous. >> Sausse représente alors chaleureusement au roi l'état où il va plonger le royaume; il lui parle de la liberté qu'il a accordée à son peuple et Louis XVI ému, s'écrie: « Mes amis, >> conseillez-moi; que faut-il que je fasse?

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